Les communes rurales font front
Côte-d’Or. Le congrès de l’association des Maires ruraux de France (AMRF) 2024 a lieu à Saint-Julien et Arceau du vendredi 27 au dimanche 29 septembre. Créée en 1971, l’AMRF fédère près de 12.000 maires de communes de moins de 3.500 habitants. À l’occasion de ce rendez-vous où le président du Sénat Gérard Larcher a confirmé sa venue, entretien avec Bruno Bethenod, maire d’Arceau et président de l’AMRF Côte-d’Or.
Le Journal du Palais. Quelles sont les problématiques auxquelles sont actuellement confrontés les maires des communes rurales ?
- Bruno Bethenod, maire d’Arceau, président de l’association des maires ruraux de Côte-d’Or.
Une des premières est la santé, et la problématique des déserts médicaux. C’est quelque chose de prégnant pour certaines communes isolées. Une autre a été, ces derniers mois, le coût de l’énergie. Avec un revenu médian de 1.158 €, on a pu constater sur la face ouest du département des situations de précarité énergétique et même, ce qui est surprenant, un petit noyau sur Beaune. Nous serons plus explicites au cours du congrès, des cartes seront dévoilées. La mobilité est également une problématique importante pour les territoires ruraux, car en l’absence de services publics, quelqu’un qui ne peut pas se déplacer est pénalisé, soit dans ses études, soit dans son travail. Dans ces cas, les maires sont sollicités, pour savoir si on ne peut pas avoir un bus, ou en changer les horaires, organiser un covoiturage...
Le logement devient aussi une problématique aiguë. Nous disons que le logement sera une des grandes causes de l’année civile qui vient. Les coûts et les normes sur l’artificialisation font que l’on aura moins de possibilité de construire, et on constatera une augmentation des loyers. Cette loi ZAN n’a rien en commun avec ce que les élus ruraux auraient pu proposer et elle est d’autant plus mal comprise que depuis plus de dix ans, les petites communes ont baissé de 30% leur emprise au sol. Enfin, il y a la ritournelle sur les équilibres budgétaires, sur la dotation d’État.
- À ce sujet, comment les maires ruraux ont-ils reçu la mise en cause des collectivités locales dans le déficit public par Bercy ?
On a réagi assez vivement, d’autant que le déficit de l’État en 2023 se monte à 155 Mds € (révisé à la hausse à 173 Mds €, ndlr) contre 10 Mds € pour l’ensemble des collectivités locales - communes, intercommunalités, départements, régions.
Et une partie de ce déficit est la conséquence directe de décisions d’État qui ont un impact immédiat sur les dépenses de fonctionnement des collectivités sans que l’on ait quelque chose à dire et qui ne sont nullement compensées ! L’État a réduit les dotations générales de fonctionnement sur pratiquement l’ensemble des communes qui équivaut à -13% en six ans ! Et puis que signifie déficit ? C’est un besoin de financement qui peut correspondre à deux choses : soit on a trop dépensé en fonctionnement, soit on a besoin d’investir. Le premier cas n’est pas possible pour les collectivités qui doivent avoir un budget à l’équilibre. Le déficit des collectivités est de l’investissement et à l’équipement, liés aux projets et à l’aménagement du territoire.
Par exemple dans ma commune d’Arceau, nous présentons un endettement, mais lié à des investissements qui lui procurent du revenu... C’est donc un “bon” endettement.
- Faut-il revenir sur la suppression de la taxe d’habitation pour remettre un peu de souplesse dans les budgets des communes ?
La suppression de la taxe d’habitation a été pour nous les maires ruraux quelque chose d’incompréhensible. On peut comme candidat déclarer qu’elle est un impôt des plus injustes parce que les bases n’ont pas changé depuis 30 ou 40 ans. Mais ça c’est le travail de l’État ! Lorsqu’il créé un impôt, il doit le suivre ! De plus pour nous, cet impôt spécifique créait un sentiment d’appartenance : je sors de ma maison, je marche sur le trottoir, j’ai financé le trottoir ! Il y a une relation entre l’impôt communal et l’aménagement de la commune ou du bloc communal.
Aujourd’hui, on peut avoir des gens dans un conseil municipal qui, à part la TVA, ne payent plus de taxe d’habitation, pas de taxe foncière parce qu’ils sont locataires, pas d’impôt sur le revenu... mais siègent au conseil et disent : “Y’a qu’à, faut qu’on”. C’est incompréhensible.
- Qu’a signifié le transfert de la compétence “eau” aux intercommunalités pour les communes ?
Elle a été mal vécue par les communes car elle a été mal appréhendée par les services de l’État. Il n’y a pas eu de réflexion sur le bon niveau de mutualisation, qui dépend de beaucoup de facteurs. En Côte-d’Or, les syndicats dans la très grande moyenne, font du bon boulot.
Il y a certes des problèmes de vieillissement de réseaux, mais c’est plus lié à des capacités financières, et aux possibilités offertes par l’agence de l’eau qui a réduit ses aides, d’autant que l’État, il y a quelques années (Loi de finances de 2015, ndlr), a pompé dans sa trésorerie ce qui est inadmissible. La Côte-d’Or, tête de bassin, doit aussi avoir une vraie réflexion pour retenir des réserves d’eau dans une juste mesure, mais aussi d’offrir à toutes les communes l’accès à suffisamment d’eau potable.
Ce travail ne peut pas se faire au niveau des communautés de communes, c’est au minimum du niveau départemental. Nous poussons, et c’est la politique que mène actuellement le conseil départemental, à un syndicat départemental d’interconnexions qui permette à toutes les communes demain d’avoir de l’eau lorsque la ressource locale sera en difficulté.
- Qu’attendez-vous du congrès vis-à-vis des décideurs politiques nationaux qui seront présents ?
Notre message est toujours le même : que l’État mette de la cohérence dans ses prérogatives et implique les élus locaux dès leur conception dès lors que les lois vont impacter les gestions locales et à la limite puissent les co-écrire avec les parlementaires. Un exemple : on nous parle d’énergies renouvelables... mais quand vous voulez en implanter dans une commune, vous avez un tas d’ennuis et de barrières, que ce soit l’architecte des bâtiments de France, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la chambre d’agriculture... À un moment donné, il faut avoir ce qu’on veut et mettre de la cohérence à tous les niveaux.