Numérique, IA : un enjeu de performance et d’égalité entre les territoires
Région BFC. La 10e édition de l’Université de la transition numérique des territoires, placée sous le signe des interrogations autour de l’IA, s’est tenue au Palais des congrès de Dijon les 16 et 17 septembre. L’occasion de faire le point sur la position de la région BFC dans l’écosystème.

Pivot de cette 10e édition de l’Université de la transition numérique des territoires, l’IA commence en BFC par un constat basique, rappelé en préambule par le président du conseil régional Jérôme Durain : celui de l’équipement physique des réseaux et de l’éducation pour un accès égalitaire et démocratique au numérique. Si notre région selon lui « bénéficie d’un environnement propice à l’entrepreneuriat et au développement de ces innovations avec un territoire qui est fibré à plus de 93 %, leader dans le développement des territoires intelligents et durables, précurseur dans les usages innovants », elle est aussi, rappelle Jérôme Durain, une région qui concentre de nombreux enjeux de transition « puisque très rurale mais qui compte aussi des centres industriels importants que ce soit le sud Bourgogne ou le nord de la Franche-Comté qui connaissent de profondes mutations. »
Face à ces « impératifs de développement, ces impératifs stratégiques en ligne de mire, appuie encore le président de la région, les développements technologiques exigent aussi une vraie régulation et des garde-fous politiques pour faire en sorte que ces transitions soient sobres énergétiquement, un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Faire aussi que ces transitions ne laissent aucun territoire de côté, au risque de développer de nouvelles fractures numériques que la fibre était précisément censé résoudre. »
D’un point de vue citoyen, l’élu a rappelé « l’enjeu sociétal et politique majeur et démocratique évidemment. Ces évolutions ne doivent pas non plus être un blanc-seing donné aux Gafam avec un risque fort de dépendance technologique, de captation des données et des usages qui passe donc par un objectif collectif d’autonomie, de maîtrise publique et européenne. Nous avons nous, responsables politiques, un rôle central à jouer car il s’agit de ce qui fera demain société. Un rôle pour utiliser le numérique intelligemment pour le pilotage de politique publique. Une responsabilité toute particulière vis-à-vis des usagers pour leur garantir l’accessibilité des services. Un service public qui soit réellement universel pour les aider notamment dans les démarches qu’ils doivent effectuer en ligne. »
Solutions locales
Des inquiétudes légitimes, que nuance Christophe Nicolle, professeur à l’UBE. « La traduction de Artificial intelligence c’est “renseignement artificiel” mais pour des raisons scénaristiques on a appelé ça l’intelligence artificielle et on l’a associée à l’image assez négative de quelque chose qu’on ne connaissait pas et qui allait dominer la planète, s’amuse le chercheur. Rappelons qu’il y a plein de formes d’intelligence artificielle. Aujourd’hui on se concentre sur une seule qui est le LLM (IA générative, Ndlr), qui est juste en fait l’évolution des algorithmes de traitement automatique du langage qu’on avait développé il y a une vingtaines d’années ». Pour autant, Christophe Nicolle met en garde contre le handicap de cette technologie qui génère de lourds profits en se fondant sur des données incomplètes. « Elle nous renvoie des biais de nous-mêmes. Je vous invite tous à faire la comparaison sur une question simple : “Quelle est la politique financière mise en place entre les États-Unis et l’Europe pendant le Covid ?” Posez la question à chat GPT et à Mistral AI et voyez les réponses : une est factuelle, l’autre très orientée à charge contre l’Europe. Donc la question de l’IA aujourd’hui n’est pas ce que c’est mais ce que nous allons en faire. L’éthique sera celle que lui apportent ses concepteurs, ses promoteurs et ses utilisateurs. »
Sur la place de la BFC dans cet écosystème, le professeur Nicolle se veut également rassurant : « L’intelligence artificielle en Bourgogne Franche-Comté existe depuis très longtemps puisqu’on a fêté l’année dernière les 30 ans d’un Master base de données et intelligence artificielle, et chaque année on forme une soixantaine d’étudiants. Aujourd’hui la plupart sont en alternance ce qui veut dire que les entreprises s’approprient en fait l’IA (…) on a énormément de besoins dans tous les pôles de compétitivité aujourd’hui que ça soit dans l’agriculture comme dans le nucléaire ou dans le véhicule du futur des entreprises demandent de l’intelligence artificielle et le point commun n’est pas la donnée puisque souvent le problème n’est pas l’algorithme mais c’est l’acculturation des équipes des ressources humaines. Il faut aider les gens à s’approprier ces nouvelles technologies, cette nouvelle façon de travailler. On n’est pas là pour se substituer à un métier, mais on est là pour enrichir un métier sans faire d’anthropomorphisme. » L’avenir de l’IA, plus que jamais, une affaire humaine ? C’était là un des enseignements de ce 10e rendez-vous technologique, qui redonne leur place aux territoires, au tissu économique et aux élus.