PAC et Mercosur, la France donne de la voix
Agriculture. En déplacement à Quenne, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a annoncé le versement record de 4,68 milliards d’euros de la PAC, se pose en défenseur de la politique agricole commune et autonome tout en alertant sur les risques du Mercosur pour l’agriculture européenne.

Nommée pour la quatrième fois en un an au Ministère de l’Agriculture, la ministre doubienne, ancienne maire de Morteau, Annie Genevard, était présente à Quenne (Yonne) pour annoncer le lancement des versements des avances d’aides inhérentes à la Politique agricole commune (PAC). Un moment important pour les agriculteurs, qui permet d’améliorer leur trésorerie dans un contexte de crises multiples — rendement, climatiques, budgétaires ou financières. Réputée pour ses retards de versement, qui ont amené par le passé l’Union européenne à appliquer des pénalités financières aux États membres en cas de non-paiement, cette campagne de versements cumule les records : 4,68 milliards d’euros, dont 97,5 % seront versés sous trois jours à 263 966 exploitations. Des records rendus possibles par une évolution de procédure décidée il y a un an : désormais, les agriculteurs peuvent percevoir leurs aides même lorsqu’ils font l’objet d’un contrôle administratif, alors qu’auparavant ces versements étaient bloqués, alors que « en réalité, une fois les contrôles effectués, on s’apercevait qu’il y avait très peu de problèmes ».
L’unité de la PAC en jeu
À la veille des négociations, Annie Genevard a rappelé que la PAC n’était « ni une aumône ni une faveur », mais bien une « juste contribution de l’effort national et européen » envers ceux qui nourrissent la population. Elle a réaffirmé l’engagement de la France à renforcer le caractère commun de l’aide : « De nombreux pays ont déjà fait savoir à la Commission qu’ils n’étaient pas satisfaits de l’actuelle PAC, parce qu’elle a cessé d’être pleinement commune. Il faut qu’elle demeure suffisante dans son budget, un budget autonome. Je suis favorable à ce qu’elle reste une politique entièrement commune et non divisée entre une partie nationale et une partie européenne, car cela créerait des distorsions de concurrence entre les pays. » Une unité nécessaire, selon elle, pour affronter les défis à venir : le renouvellement des générations, l’adaptation au changement climatique et la réponse aux crises sanitaires : « Il est indispensable que, sur ces sujets, nous menions une politique coordonnée, comme cela a toujours été le cas. »
Objectif de toute cela : maintenir des agriculteurs sur les territoires, soutenir la vie rurale, garantir la sécurité alimentaire et défendre notre souveraineté alimentaire : « On parle souvent de souveraineté militaire, mais il faut aussi pouvoir se nourrir : c’est tout l’enjeu de la souveraineté alimentaire. Défendre la PAC, a-t-elle ajouté, revient à défendre l’avenir des territoires, la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire de la France et de l’Union européenne. »
Mercosur : un traité « d’un autre âge »
Autre sujet majeur de préoccupation pour le monde agricole, le traité du Mercosur. Pour la ministre Annie Genevard : « Un projet dans l’air du temps depuis 30 ans et qui n’est pas conclu, c’est donc qu’il est d’un autre âge ». Opposée à sa signature avec d’autres pays dont la Hongrie, la Roumanie, l’Autriche, l’Irlande, la Belgique, la Pologne et l’Italie, la France s’est montrée « très moteur pour approcher une minorité de blocage ». Malgré cette opposition, le projet a néanmoins été signé en Uruguay et en catimini par la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen : « Cet accord pose deux problèmes majeurs : il expose les productions européennes, notamment la viande bovine, le poulet, le sucre, l’éthanol et le miel, à une concurrence que l’on juge grave et préoccupante, et il manque de réciprocité de mode de production ».
Face à cette fronde, la Commission a accepté le principe d’une clause de sauvegarde, défendue par le Président de la République, qui permettrait de mettre un frein d’urgence pour stopper les importations en cas de déséquilibre de marché de plus de 10 % en prix ou en volume. La ministre reconnaît toutefois que : « le travail sur la réciprocité des normes reste difficile en raison de la signature prématurée de Madame von der Leyen, et des actions judiciaires sont en cours, notamment pour dénoncer le "splitage" de l’accord ».

