Pour l’Europe, Gérald Darmanin joue les vedettes américaines
Yonne. Le ministre de l’Intérieur et des outre-mer est venu soutenir la liste emmenée par Valérie Hayer lors d’une réunion publique qui s’est tenue, mardi 4 juin, dans la salle de conférences de l’abbaye Saint-Germain.
« L’Europe, l’Europe, l’Europe... » À quelques jours d’un scrutin qui, le moins que l’on puisse dire, ne suscite pas l’envie de faire des sauts de cabri chez un corps électoral plus préoccupé par les questions de politique intérieure, la liste de la majorité présidentielle « Besoin d’Europe » a tenté d’entretenir la foi à l’abbaye Saint-Germain alors que les différents sondages annoncent un taux d’abstention proche des 50 %.
Devant près de 200 personnes - dont un parterre de responsables politiques acquis à la cause parmi lesquels l’ancien président du conseil régional de Bourgogne et sénateur de la Côte-d’Or François Patriat, de l’ancien ministre et sénateur de l’Yonne Jean-Baptiste Lemoyne, du député André Villiers ou encore du maire de Nevers et conseiller régional Denis Thuriot. Quatre candidats à un strapontin strasbourgeois se sont succédé à la tribune pour rappeler les enjeux de ces élections européennes, promises au Rassemblement national (RN).
Adversaire tout désigné parmi les 37 listes en course dimanche, le parti de Jordan Bardella crédité de 32 % d’intention de votes a été sous le faisceau des critiques pour son inaction et son opposition systématique. Tout comme Raphaël Glucksmann. « C’est notre majorité qui a fait voter le plan de relance européen qui a permis de financer à hauteur de 40 % France relance », a martelé Shannon Seban, la jeune conseillère municipale à Rosny-sous-Bois et présidente du parti Renaissance en Seine-Saint-Denis. Venu louer les vertus du « Plan Delors » et ces 1.000 milliards d’euros d’investissement pour l’autonomie stratégique, l’ancien maire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et président du Parti radical, Laurent Hénart, a rappelé que les « deux tiers de nos imports-exports sont issus de l’Union européenne, d’où la nécessité d’une Europe forte » et que la liste de Valérie Hayer représentait le seul vote utile. « Ce n’est pas une fatalité de voir l’extrême droite monter élection après élection », a avancé, quant à lui, Christophe Grudler, le député européen du Territoire de Belfort. Une fatalité, non, mais une réalité.
L’agriculture, forcément
Dans un département à caractère rural comme celui de l’Yonne, l’intervention de l’europarlementaire bourguignon Jérémy Decerle ne manquait pas d’intérêt sur fond d’autonomie alimentaire et de transition écologique. « Nous avons fait le boulot pendant cinq ans pour imaginer une politique agricole équilibrée et la plus verte de l’Histoire », s’est félicité l’ancien président des Jeunes agriculteurs (JA) de Saône-et-Loire et éleveur de Charolais à Chevagny-sur-Guye. « Aujourd’hui, 25 % des aides de la Pac sont conditionnées à des considérations environnementales. Aucun secteur d’activité ne fait reposer ses revenus sur des critères écologiques. » Défendant l’idée d’un « Green Deal » et de ces « mesures-miroir », le numéro 14 sur la liste de la majorité présidentielle s’est défendu de tout « dogmatisme ».
« Il est inadmissible que nous laissions entrer dans l’espace européen des produits alimentaires qui ne respectent pas les règles que nous imposons à nos agriculteurs ! » Fustigeant à son tour la vacuité des lignes politiques de ses opposants - « Le siège de Bardella au Parlement européen n’est pas usé… » -, le chef d’entreprise de 35 ans a fait voler en éclat les arguments de ceux qui reprochent au macronisme d’avoir fait sauter les lignes. « Nous n’avons jamais interdit aux Socialistes et aux Républicains d’avoir de bonnes idées, eux pour qui leur seul programme est de flirter avec les idées de la Nupes ou de l’extrême droite. »
L’immigration, évidemment
Attendu sur son terrain de prédilection, l’actuel ministre de l’Intérieur et des outre-mer n’a pas déçu… « Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’immigration mais de savoir s’adapter en prenant en compte l’accueil un certain nombre de personnes », a-t-il expliqué avant de railler l’idée de double frontière. « Dans ma seule ville de Tourcoing, il existe 17 points de passage avec le Belgique, cela n’a pas de sens ! » Gérald Darmanin a néanmoins défendu avec vigueur la nécessité d’une politique européenne commune en la matière. « Comment peut-on imaginer la libre circulation dans un espace sans en contrôler les limites ? Nous devons pouvoir connaître l’identité de ceux qui entrent. »
Une « aberration » à laquelle vient de mettre fin le « Pacte migratoire », adopté à l’unanimité et dont sa mise en oeuvre débutera en octobre prochain avec la création de la fiche biométrique. Le verbe haut, le « premier flic de France » a illustré, exemple à l’appui, les nouvelles règles à venir dans cette « Union migratoire » qui n’a jamais été construite auparavant et qui devrait permettre de mieux lutter contre le trafic de drogues. Comme les changements en matière de demandes d’asile qui se feront désormais à la frontière de l’Europe et non plus, dans le pays d’accueil, ou ceux en matière de contrôles portuaires « les mêmes au Havre qu’à Anvers ». « Nous devons pouvoir distinguer les demandes d’asile de l’immigration irrégulière », rappelant, au passage, que « 70 % des demandes sont refusées en France et que 70 % des recours le sont par les tribunaux. » Une allocution, à peine voilée, en forme de bilan de l’action du gouvernement. Même lors d’une campagne européenne, la politique nationale n’est jamais bien loin.