Rapport de la Chambre régionale des comptes : la mairie de Luzy répond
Nièvre. Alors que la Nièvre perd des habitants, Luzy connaît un regain démographique. Si la Chambre régionale des comptes pointe une gestion municipale fragile, la mairie assume ses choix et défend sa stratégie de revitalisation.

Dans une Nièvre en recul démographique (-43.000 habitants en 50 ans), Luzy fait figure d’exception. La commune a franchi la barre des 2.000 habitants au 1er janvier 2025, retrouvant son niveau de 2006, alors que le département a perdu 20.000 habitants sur la même période. Cette progression s’explique par la transformation de Luzy en pôle d’attractivité au sein de la communauté de communes Bazois Loire Morvan, grâce à une stratégie de revitalisation engagée depuis 2014. Programmes « Village du futur » et « Petite ville de demain », création du tiers-lieu « Notre Moulin », rénovation des façades du centre-bourg, boutiques à l’essai et plan alimentaire territorial ont permis de redynamiser le territoire et d’attirer de nouveaux habitants, notamment des télétravailleurs.
Fragilité budgétaire, manquements dans la gestion
Malgré un certain dynamisme, la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté (CRC BFC), qui a contrôlé la gestion de Luzy entre 2019 et 2024, alerte sur une situation financière fragile. La capacité d’autofinancement s’est améliorée (58 € par habitant en 2024 contre 6 € en 2023), mais reste inférieure à la moyenne (128 €). La commune dépend fortement des subventions (60 % du financement d’investissement entre 2019 et 2023) et a vu ses dépenses d’équipement doubler (2,8 M€), entraînant un recours accru à l’emprunt et au fonds de roulement. L’endettement dépasse 3 M€, avec un ratio de désendettement supérieur à 15 ans et une trésorerie nette négative en 2020, 2022 et 2023. Le projet de réhabilitation de l’hôtel du Morvan, avec une subvention annuelle de 70.000 €, représente à lui seul 25 % de la dette.
Au-delà des finances, la CRC BFC pointe un manque de sécurisation juridique et de professionnalisme dans la gouvernance : dysfonctionnements du conseil municipal, décisions mal formalisées, conflits d’intérêts (boutiques à l’essai, contrats, prêts, entreprise à but d’emploi) et irrégularités dans la gestion des ressources humaines (recrutements, heures supplémentaires). Néanmoins, certaines recommandations antérieures ont été suivies, notamment sur la masse salariale. La CRC BFC recommande désormais un plan pluriannuel d’investissement, la révision du bail de l’hôtel du Morvan, la fin des conflits d’intérêts et une meilleure professionnalisation de la gestion municipale.
Du côté de la municipalité, Jocelyne Guérin, maire de Luzy depuis 2014 et vice-présidente du Conseil départemental pointe « un manque d’information. La CRC BFC ne notifie pas que, pendant 10 ans, nous n’avons pas pu embaucher de DGS (Directeur général des services) puisque nous étions coincés par une personne qui occupait le poste mais a passé près de 10 ans en arrêt-maladie » et note que « la commune de Luzy a suivi plusieurs recommandations de la Chambre régionale des comptes notamment grâce à l’embauche d’une DGS. Des avancées notables ont été faites en matière de transparence des délibérations, de fonctionnement du conseil municipal et d’organisation des ressources humaines ».
La maire face aux critiques
Mais Jocelyne Guérin revendique aussi son statut de pôle d’attractivité et assume ce que la CRC BFC nomme une fragilité : « Luzy, c’est 2.000 habitants, mais le bassin représente 8.000 personnes. Cela demande des investissements qui bénéficient à d’autres communes. Soit nous investissons, soit nous rendons des services payants et nous allons plomber l’attractivité. C’est assez surprenant que l’on reproche à la commune d’être trop subventionnée. Nous avons su bénéficier des dispositifs mis en place pendant le Covid parce que notre projet municipal était déjà prêt et nous avons pu le déposer tout de suite et être parmi les premiers. Et d’ailleurs, depuis 2024, les choses se sont nettement améliorées ». Concernant les conflits d’intérêt, là-aussi la maire défend son équipe : « Les conflits d’intérêt relèvent d’erreurs de formalisme, et ont, pour la plupart, été corrigés, comme le déport de conseillers municipaux (exclusion du vote des conseillers impliqués personnellement dans des dossiers, Ndlr). La Cour des comptes a souligné qu’il n’y a pas eu d’avantages personnels. » La municipalité a d’ailleurs adressé un document explicatif à l’ensemble des foyers. Concernant le calendrier (sortie du rapport six mois avant les élections), Jocelyne Guérin regrette « des mots très raides » et ne doute pas que « des informations ont été données à la Cour régionale des comptes ».