Stupéfiants : pour la Douane, ça ne fait pas un pli...
Opération Place nette. Dans le cadre de la lutte contre les trafics, la Douane intervient régulièrement dans les sites de La Poste pour de la détection de stupéfiants dans des courriers ou des colis. Le dispositif a été renforcé du fait de l’opération Place nette souhaitée par le ministre de l’Intérieur pour casser les réseaux. Démonstration ce mardi 2 avril, à Dijon.
C’est difficile à croire et pourtant : les trafiquants de stupéfiants comme leurs clients utilisent aussi La Poste pour faire voyager leur marchandise. « Il y a des envois réguliers, confirme Josselin Lemerle, chef du pôle Orientation des contrôles à la direction régionale des douanes, qui vont de quelques grammes à un ou deux kilos. Le cannabis a une valeur commerciale qui s’est un peu démocratisée, les trafiquants peuvent même prendre le risque d’en perdre ! » Si les prises ne sont pas de grande valeur, en revanche elles renseignent sur les destinataires (qui, cela arrive, mettent leurs véritables noms et adresses, ce qui laisse pantois) et (parfois) les expéditeurs. « On peut alors se permettre de faire des contrôles plus intrusifs ».
Agissant dans le cadre du Code national des douanes, les fonctionnaires sont habilités à contrôler sans réquisition les sites postaux. Ce mardi 2 avril, c’est une opération de cet ordre que le préfet de Côte-d’Or Franck Robine est venu observer.
Accompagnés par Newok, un labrador spécialement dressé à la détection de stupéfiants (y compris drogues de synthèse) avec sa maître-chien, les agents circulent au milieu des caisses contenant des centaines de plis. Pour la démonstration, du cannabis a été soigneusement dissimulé : une fois canalisé, Newok trouve en quelques secondes la drogue avant d’être récompensé et éloigné du site de la découverte. « Vingt minutes de recherche active correspondent à quatre heures de manutention humaine, explique la maître-chien. Il faut donc alterner avec des temps de pause ». L’année dernière, le labrador a été à l’origine de la découverte de 200 kilos de stupéfiants.
Levée de doute
Si les douaniers font des contrôles réguliers dans les centres postaux, de manière aléatoire ou en exploitant leurs réseaux d’informations, ceux-ci ont été renforcés dans le cadre de l’opération Place nette. Dans tous les cas, la loi les encadre précisément : les agents de La Poste sont tenus par serment à une obligation de respect de l’intégrité des courriers. En cas de doute, le responsable de site doit donc faire appel aux services des douanes qui eux, ont l’autorisation d’ouvrir et de contrôler les plis pour procéder à une levée de doute. Justement, une enveloppe suspecte a attiré l’attention du responsable de site de la métropole dijonnaise : du papier bulle fermé au ruban adhésif marron, sans expéditeur, qui crisse au toucher et dégage une forte odeur…
Le pli qui attendait les douaniers dans une valise fermée est soigneusement ouvert. À l’intérieur, un sachet rempli d’herbe, avec une étiquette indiquant CBD. Pas de facture, pas d’indication d’expéditeur… C’est le taux de THC (tétrahydrocannabinol) de la substance qui déterminera ou non l’infraction : le taux légal en France est fixé à 0,3%, au-delà, la destinataire est passible d’une amende voire plus si elle a des antécédents… Quelques miettes sont préalablement testées grâce à un kit, mais c’est en laboratoire que le contenu du sachet sera expertisé pour connaître avec certitude le taux de THC.
Bilan positif pour Place nette
Lancée lundi 25 mars dans la métropole dijonnaise qui, à cette occasion, a vu la visite de Gérald Darmanin jeudi 28 mars, l’opération Place nette affiche un bilan satisfaisant selon Franck Robine : « 92 personnes ont été interpellées depuis une semaine, dont plus de la moitié fait l’objet de gardes à vue. Le procureur de la République donnera les suites judiciaires. Pour nous, c’était le point essentiel : on est sur l’idée de mettre des suspects hors du circuit. Il y a aussi une présence renforcée sur les différents points de deal de l’agglomération dijonnaise, on en est à plus de 12.000 personnes contrôlées en une semaine. »
La question se pose de « l’après », ce dispositif exceptionnel ne pouvant être maintenu. « C’est une question légitime, reconnaît Franck Robine. Mais la caractéristique de Place nette est de judiciariser un certain nombre d’affaires et donc d’individus qui ne se retrouveront pas sur la place publique tout simplement parce qu’il y aura eu une réponse judiciaire. C’est la raison pour laquelle cette opération avait été préparée de longs mois à l’avance. Les objectifs visés (50 personnes en zone Police, 14 en gendarmerie, Ndlr) ont d’ores et déjà été arrêtés dans la quasi-totalité. Ces gens-là seront en prison, pas dans la rue ».