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Tribunal judiciaire : la rentrée sous le signe du manque de moyens

Justice. Tribunal judiciaire et tribunal de commerce tenaient tous deux leurs audiences de rentrée solennelle vendredi 19 janvier. Concernant le tribunal judiciaire, sa présidente Nathalie Poux, tout comme le procureur de la République Olivier Caracotch, ont souligné l’engagement des personnels malgré des effectifs insuffisants au vu de la hausse de l’activité au civil comme au pénal.

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Photo du tribunal judiciaire de Dijon avec Olivier Caracotch
(Crédit : DR)

À l’heure des réquisitions qui ouvrent traditionnellement les audiences de rentrée solennelle des juridictions, le procureur de la République Olivier Caracotch a souligné la hausse de « la quasi-totalité des indicateurs pénaux ». Ainsi, sur les jugements correctionnels et « malgré une hausse de 13% en 2021 et 2022 et une forme de parenthèse en juin dernier avec le procès Capricorne (plus de 200 victimes d’escroquerie par plusieurs sociétés, ndlr) qui a occupé le tribunal pendant trois semaines pour un seul dossier, celui-ci a rendu autant de jugements en 2023 qu’en 2022 ». Un résultat obtenu grâce à la limitation des renvois, « véritable plaie source d’une désillusion sans nom pour les victimes et souvent les prévenus, qui ne peuvent comprendre que leurs dossiers ne soient pas retenus pour une cause organisationnelle ».

Deux grands thèmes - lutte contre les violences intra-familiales et lutte contre les stupéfiants - auront poussé l’activité de la justice pénale d’urgence : +28% de comparutions immédiates, +56% des convocations par PV du procureur et +80% des déferrements pour comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. « Je ne saurais dire s’il s’agit là d’une évolution positive, mais c’est un fait , a conclu Olivier Caracotch. Et c’est le prix à payer pour répondre efficacement aux actes de délinquance et retrouver des délais d’audiencement raisonnables » alors que, note-t-il par ailleurs, les moyens manquent : « Avec 148 dossiers par emploi de magistrat, la situation des cabinets d’instruction à Dijon est critique. Nous demandons avec insistance que les renforts annoncés au Siège se concentrent en priorité sur ce service ».

Un constat partagé par Nathalie Poux, présidente du tribunal judiciaire qui, si elle a salué grâce à la loi d’orientation et de programmation de la justice de novembre 2023 pour la période 2023-2027, « les renforts d’effectifs, de magistrats et de greffiers, après le constat très réaliste des états généraux de la justice sur l’état alarmant de notre justice. Nous avons besoin de ces nouveaux moyens pour remplir au mieux notre mission, même si nous savions que ces moyens ne vont pas tout résoudre à l’échelle de chaque juridiction », a tenu à souligner la nécessité de muscler ce service de l’instruction qui compte actuellement trois juges.

Rappelons qu’un quatrième poste a été supprimé il y a quelques années pour permettre la création, évidemment nécessaire, d’un quatrième cabinet de juge des enfants. Déshabiller Paul pour habiller Jacques, en somme... Dans ces conditions, diviser les délais de justice par deux, tel que cela est affiché par le gouvernement ? « En ma qualité de présidente de cette juridiction, je ne m’engagerai certainement pas pour 2027 », a martelé Nathalie Poux avant de rappeler qu’à effectif complet, il y a en Côte-d’Or seulement... 32 magistrats du siège dans un département de 535.000 habitants, et ce, depuis septembre 2023.

2024 verra au civil la multiplication des « audiences de règlement amiable » (ARA), introduites dans le droit depuis le 1er novembre 2023, devant un juge (et non un médiateur) qui devra tenter d’obtenir un jugement amiable. Une audience mensuelle se tiendra chaque mois au tribunal judiciaire, « avec plusieurs juges civilistes désignés pour tenir ces ARA, a précisé Nathalie Poux. Nous devrons avant tout nous approprier cette réforme qui suppose plusieurs préalables et d’abord travailler avec le barreau sans lequel rien n’est possible en matière d’amiable et nous former aux techniques de l’amiable parce qu’un juge, qui sait dire le droit aura du mal, justement parce qu’il sait dire le droit, à pousser les parties à un accord dont il sera qu’une des parties aurait eu raison en droit au bout du procès civil ».

Avec là encore, des enjeux de ressources humaines a souligné la présidente Poux, car ce mode amiable nécessite du temps sur chaque dossier afin que les justiciables ne se sentent pas lésés. Des effectifs insuffisants, encore et toujours : cela restera comme le fil rouge de cette rentrée solennelle.