Dossier Immobilier

« Les gens restent attachés à la pierre »

Entretien avec Nicolas Taiclet , vice-président délégué pour la Côte-d’Or de la Chambre interdépartementale des notaires de la Cour d’appel de Dijon

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Façade d'immeuble
(Crédits : JDP)

Quel est le principal enseignement du marché de l’immobilier privé depuis un an ?

Nicolas Taiclet : La confirmation d’une baisse des transactions. On constate une baisse d’environ -22% sur le marché de l’ancien et -50% sur le neuf.

Quelle en est la raison ? Un manque de biens ou un manque d’intérêt ?

Clairement, un manque d’intérêt. Le neuf attire principalement les primo-accédants. Or, avec la hausse des taux et le resserrement de l’accès au crédit, notamment en 2022 et 2023, ces derniers ont été largement écartés du marché immobilier. Cela aura des conséquences à l’avenir ! Car les primo-accédants d’aujourd’hui sont nos revendeurs dans cinq ou dix ans, devenant les acheteurs de biens plus importants. En se privant de cette vague de primo-accédants, on crée un manque qui se fera sentir dans les années à venir, potentiellement provoquant une nouvelle crise immobilière. De plus, ces primo-accédants empêchés restent dans le locatif, ce qui pose des problèmes aux propriétaires (DPE, inquiétudes face à la loi du 6 juillet 1989 et ses amendements visant la protection des locataires). Aujourd’hui, nous avons de nombreux clients qui revendent des biens immobiliers à cause de mauvaises expériences avec des locataires. Enfin, certains investisseurs se tournent vers des investissements à long terme moins rentables, mais plus sécurisés, comme les assurances-vie à fonds en euros. Avec des taux de 0,9% à 1,2%, ces assurances-vie offraient des rendements de 1,5% à 1,8%... Moins rentables que l’immobilier, mais sans gestion directe, et sans risque, car financés par des emprunts d’État.

Nicolas Taiclet
(Crédits : LEGATIS)

Quel est l’impact de la fin annoncée de la loi Pinel ?

La fin de la loi Pinel, fin décembre 2024, sans dispositif alternatif annoncé à ce jour, représente la fin d’une « carotte » fiscale pour les investisseurs. Ceci refroidit naturellement les projets d’investissement locatif.

Enfin, il y a le prix. Les prix du neuf à Dijon ont encore augmenté de 6,3% sur un an, pour atteindre un prix moyen de 4 650 € du m² dans le neuf, alors que l’ancien se négocie à 2 000 € ! Cela explique aussi la baisse des transactions : 266 transactions dans le neuf contre 150 dans l’ancien sur Dijon (sur un total de 2 516 transactions annuelles).

Reste-t-il des biens dans l’ancien ?

Oui, il en existe. De beaux appartements en centre-ville, de belles maisons en périphérie, des biens à rénover… Un investissement dans la rénovation à 1 000 € HT du m² de travaux représente déjà une belle rénovation et reste compétitif par rapport au neuf. Ainsi, les acheteurs et les investisseurs se tournent logiquement vers l’ancien, même à rénover. Cela explique aussi la difficulté actuelle du marché du neuf.

Et dans le neuf ?

Il y a suffisamment de produits en stock, mais les programmes connaissent des difficultés de commercialisation. Cependant, la réserve foncière reste présente. Le problème principal est que les clients potentiels manquent à l’appel. Avec un prix du neuf deux fois et demi supérieur à celui de l’ancien, il faut justifier ce surcoût. Les clients recherchent des petits ensembles immobiliers de qualité architecturale, dans des quartiers calmes. Les grosses copropriétés sont moins attractives.

Est-ce que les incertitudes concernant le Projet de loi de finances inquiètent vos clients ?

Il existe des inquiétudes, notamment à cause du projet de loi de finances qui n’a toujours pas été adopté, et des incertitudes qu’il suscite, surtout concernant l’immobilier. La fiscalité élevée sur l’immobilier en France peut dissuader les investisseurs.

Panneaux d'annonces immobilières
(Crédits : JDP )

Que devient alors l’investissement dans la pierre ? Est-il toujours une valeur refuge ?

L’investissement immobilier reste une valeur sûre pour les personnes attachées à la propriété et/ou à la location. Cependant, il s’agit d’un secteur cyclique, et les périodes de crise, comme celle actuelle, affectent les transactions. La durée d’investissement optimale est désormais conseillée minimum à 15 ans. À long terme, les rendements nets se situent autour de 3 à 3,5 %, malgré les impôts et charges, ce qui reste attrayant. La plus-value à la revente est aussi un atout.

Est-ce un atout face au monde bancaire ?

Oui, l’immobilier peut servir de garantie pour un prêt, même si cette garantie se fait moins forte. La baisse des taux directeurs de la BCE depuis le printemps 2024 permet d’envisager des emprunts à des taux plus avantageux, ce qui est positif pour le marché. Cependant, ce n’est pas la reprise euphorique post-Covid.