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2024 : vers une bonne année pour la moutarde en Bourgogne

Agriculture. Démarrées il y a un peu plus d’une semaine, les premières moissons de moutarde en Bourgogne augurent d’une récolte prometteuse en hausse de 30 % par rapport à l’année dernière et ce malgré un printemps très humide et une météo toujours capricieuse.

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  • Photo de la moisson de la graine de moutarde
    La moisson de la graine de moutarde a commencé, il y a un peu plus d’une semaine en Côte-d’Or. Selon Damien Baumont, président de l’Association des moutardes de Bourgogne les rendements devraient être de 30 % supérieurs à l’année dernière. (Crédit : JDP)
  • Photo de Damien Baumont
    La moisson de la graine de moutarde a commencé, il y a un peu plus d’une semaine en Côte-d’Or. Selon Damien Baumont, président de l’Association des moutardes de Bourgogne les rendements devraient être de 30 % supérieurs à l’année dernière. (Crédit : JDP.)

Agriculteur à Barges (21), producteur de moutarde en bio et également vice-président de l’Association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (APGMB) et président de l’Association des moutardes de Bourgogne (AMB), Damien Baumont a le sourire : la récolte de moutarde en Côte-d’Or s’annonce sous de meilleurs auspices que les années précédentes.

« Pour le moment, nous sommes sur une moyenne de 1,5 t/ha, ce qui représente près de 30 % de mieux que l’année dernière. Il faut toutefois rester prudent car ce n’est encore que le début dans la plaine et, bien souvent, c’est dans ces terrains qu’on fait les plus beaux rendements. Néanmoins, je pense que cette année nous devrions pouvoir honorer la commande de 12.000 tonnes de graines de moutarde faite par les industriels. Ce n’était pas le cas ces trois dernières années, où nous avions été très juste. Si nous sommes en progression cette année, c’est que nous avons eu la chance d’avoir une période de soleil, certes, d’à peine dix jours, en juin mais qui a permis d’obtenir une floraison complète, avec des fleurs bien jaunes, ce que nous n’avions pas vu depuis longtemps ».

Une filière qui reconstruit...

Après avoir presque disparu au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la culture de la moutarde en Bourgogne a connu un tournant décisif grâce à l’intervention de l’AMB et de l’APGMB en 1992 et au lancement du projet de relance de la production de ce condiment en Bourgogne. Cette dynamique s’est accompagnée de nouvelles pratiques agricoles notamment en bio, d’une recherche de nouvelles variétés de graines mieux résistantes aux aléas climatiques portée par AgroSup Dijon, ainsi que par l’obtention de l’Indication géographique protégée (IGP) « Moutarde de Bourgogne » pour laquelle les transformateurs locaux ont répondu présents, à l’image de Fallot qui fait du 100 % Bourgogne ou de Reine de Dijon qui propose depuis avril, en plus de la recette classique, une à l’ancienne sous IGP moutarde de Bourgogne.

« Nous sommes ainsi passés, en plus de 30 ans d’une surface nationale moribonde de 2.000 ha à 11.000 ha aujourd’hui, dont 7.000 en Côte-d’Or. Le reste provient du Jura, de l’Aisne et de la Seine-et-Marne (environ 1.000 ha). Côté producteurs nous sommes 600 en 2024, dont 150 en Côte-d’Or », se félicite Damien Baumont même s’il affiche une certaine déception à l’endroit de l’IGP : « ce label ne représente que 1.000 tonnes de commande de la part des industriels, qui font plutôt le choix du Made in France à l’image du géant Unilever Amora Maille. Nos surfaces en local sont encore trop limitées et cela représente trop de risque en cas de chute de rendement ». « Il y a un vrai potentiel, défend Noëlle Muller, responsable marketing chez Reine de Dijon. C’est à nous d’éduquer le consommateur. Il y a deux ans 25 % de nos grains de moutarde provenaient de producteurs bourguignons. On est passé à 35 % cette année, et on espère atteindre les 50 % l’an prochain ».

Mais qui reste fragile

Si Damien Baumont s’accorde à dire que l’activité moutarde est plutôt rémunératrice - notamment parce que les producteurs ont réussi à s’accorder sur des prix à la tonne fixés avant l’ensemencement et bloqués à 1.500 € la tonne en conventionnel et 3.500 € en bio pour 2024 et 2025 - il modère toutefois ses propos, rappelant que « la moutarde reste une plante fragile et avec le changement climatique, les rendements sont de plus en plus aléatoires. La mise en place de nouvelles variétés plus résistantes devrait apporter une réponse, mais le travail des chercheurs s’entend sur le temps long : il faut en moyenne dix ans pour qu’une nouvelle espèce entre dans le process industriel. De plus, en Bourgogne nous avons également une pression forte au niveau des insectes ravageurs et des moyens de lutte phytosanitaire qui ne cesse de se réduire. La production de moutarde se décale ainsi vers le Nord de la France où ce type de nuisance est plus faible ».