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À Belfort, la décarbonation s’industrialise

Territoire de Belfort. Jeudi 13 juin à Faussemagne McPhy inaugurait la première gigafactory d’électrolyseurs de France. Un projet qui a bénéficié de 114 M€ de fonds publics.

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  • Photo de la première chaîne de production d'électrolyseurs McPhy
    La première chaîne de production d’électrolyseurs McPhy est en cours d’assemblage. (Crédit : JDP)
  • Photo de la coupure du ruban inaugural avec Philippe Boudy et Jean-Baptiste Lucas
    Coupure du ruban inaugural par Philippe Boudy, président de France Hydrogène, Jean-Baptiste Lucas directeur général de McPhy (Crédit : JDP)
  • Photo des XL stacks de McPhy
    Les XL stacks de McPhy. Vue extérieur de la gigafactory de 22.000 m². (Crédit : JDP)

Plus de 300 visiteurs venus du monde entier, du Chili au Maroc en passant par l’Allemagne, l’Inde et la Chine étaient présentes à l’inauguration officielle des 22.000 m² de la gigafactory de McPhy située au coeur de l’aéroparc des communes de Fontaine et de Faussemagne, à quelques kilomètres de Belfort. Il faut dire que cette installation, construite en moins de 16 mois par le groupe GSE, véritable usine du futur, est une première nationale et européenne.

« Plus qu’une usine de production d’électrolyseurs nouvelle génération, notre site est le symbole de souveraineté énergétique et industrielle, affirme Luc Poyer, président de McPhy. Il incarne l’émergence d’une nouvelle industrie de l’hydrogène bas carbone en France. Notre gigafactory est la première à sortir de terre et c’est également la première à bénéficier du dispositif européen Projet important d’intérêt européen commun (Piiec) mobilisé ici par l’État à hauteur de 114 M€ (ces financements publics en faveur de l’industrialisation ne proviennent pas d’un programme de l’UE, mais sont octroyés par les États membres sur leurs budgets nationaux, ndlr). C’est un outil stratégique qui contribuera à réduire la dépendance de l’Europe aux hydrocarbures, notamment au gaz naturel ».

450 emplois à venir

McPhy est née à La Motte-Fanjas, dans la Drome, portée par des chercheurs du CNRS et du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). La start-up travaille alors sur des solutions de stockage de l’hydrogène sous forme solide basée sur le magnésium et complétée par des hydrures métalliques : des matériaux dits à changement de phases, d’où le nom de McPhy. Très vite l’entreprise se tourne vers la production d’électrolyseurs, notamment par le rachat en 2011 de Piel, pionnier italien de l’électrolyse. Aujourd’hui, la société compte plus de 260 collaborateurs en France en Italie et en Allemagne, dont plus d’une centaine en R&D. Elle compte 55 MW de projets signés dans le monde dans les domaines de la décarbonation de l’industrie, de la mobilité et de l’énergie.

« 100 Mt d’hydrogène carboné sont produites chaque année dans le monde et génèrent 1 Mdt d’émission de CO2. L’hydrogène bas carbone produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable ou nucléaire permet de réduire jusqu’à 70% les émissions liées à la production d’ammoniac et jusqu’à 60 % celles liées à la fabrication de l’acier, développe Luc Poyer. Grâce à ses futures capacités de production d’1GW/an associé au 300 MW/an réalisé par notre usine italienne, McPhy a pour ambition d’adresser de grands projets de décarbonation industriel, notamment dans les secteurs des engrais, des aciéries, des cimenteries et de la mobilité lourde... ».

« McPhy est un fleuron de la filière hydrogène que nous construisons dans notre région depuis 15 ans », affirme Marie-Guite Dufay, présidente de la Bourgogne Franche-Comté. « Dès 2015, nous avons initié une stratégie de l’hydrogène à Belfort. Aujourd’hui, c’est 3.000 t de CO2 économisées par an grâce notamment à notre flotte de bus à hydrogène avitaillée par la station de BeHYnov équipée d’un électrolyseur McPhy. Ici, avec des entreprises comme McPhy, Innocel... c’est un véritable écosystème complet de la production aux usages que nous construisons et qui à terme générera 1.000 emplois, faisant de Belfort la capitale de l’hydrogène », défend Damien Meslot, président du Grand Belfort.

Côté emploi justement, la gigafactory promet 450 postes sur site lorsque l’usine sera à pleine charge. « Nous avons choisi de nous implanter à Belfort car sa situation géographique nous place idéalement au coeur de l’Europe et qu’il y a ici une haute compétence industrielle, dont l’enjeu sera pour nous de lui donner une couleur hydrogène. Aujourd’hui, 25 personnes ont déjà été recrutées et cela devrait progresser très vite », affirme Anne Delprat, directrice RH du site. « La première ligne de production d’électrolyseur est en cours d’installation, les premiers opérateurs doivent arriver d’ici une dizaine de jours pour une sortie d’un premier prototype début juillet », complète Marie Sonntag, directrice de la gigafactory belfortaine, qui a fait une grande partie de sa carrière chez Stellantis.

« L’usine a été conçue avec l’idée d’être ouverte vers l’extérieur. Nous avons engagé des partenariats avec l’université et les différents acteurs de la formation locaux et nous allons accueillir des stagiaires et des alternants pour faciliter l’intégration des jeunes », ajoute Anne Delprat. « Le sujet du recrutement des compétences nouvelles et diversifiées est un enjeu fort auquel la région entend répondre notamment en construisant une école nationale de l’hydrogène. McPhy est d’ailleurs déjà rentré dans le consortium de cette futur structure. Cette usine est une vitrine, un outil formidable pour attirer les jeunes vers l’industrie de demain. Ses murs sont les meilleurs agents pour convaincre parents et enseignants que l’industrie et une voie d’avenir, et je compte bien l’utiliser en ce sens », assure Marie-Guite Dufay.

Des atouts face à la concurrence

Sur l’aspect technologique, l’usine certifiée « HQE bâtiment durable niveau excellent », possède « plusieurs points forts et différenciants pour s’imposer sur un marché hautement concurrentiel », assure Benoît Barrière, directeur technologique de la gigafactory.

« Ici nous fabriquerons des stacks (coeur de chaque installation d’électrolyse où se passe la réaction électrochimique qui permet d’isoler l’hydrogène de l’eau via une électricité renouvelable, ndlr) de taille XL en mesure de quadrupler la capacité de nos stacks actuellement produits en Italie. D’une capacité de 4 MW, leur efficacité sera augmentée sans recourir à l’utilisation de PFAS et de métaux rares, contrairement à la concurrence. Notre process est basé sur la technologie de l’électrolyse alcaline pressurisée et s’appuie sur le nickel, composant très abondant dans le monde. Nous nous distinguons également sur le design de nos produits avec des cellules d’hydrolyses revêtues de polymère et non de métal, ce qui permet une dissipation de la chaleur moins rapide. Autre point fort, nous allons ici automatiser la production des stacks : cela permettra de réduire leur coût et d’augmenter leur fiabilité. Chaque équipement fabriqué sera testé dans l’usine avant la livraison aux clients. Enfin nous internaliserons également la conception des EPU (un électrolyseur est une association d’un ou plusieurs stacks reliés à un EPU qui permet notamment de récupérer l’hydrogène et l’oxygène en sortie de stacks, ndlr) ».

Dans un premier temps, McPhy prévoit la création d’une première unité pilote de 4 MW pour la réalisation des tests. Alimentée en électricité par les 5.800 m² de panneaux photovoltaïques qui seront prochainement installés sur le site, elle permettra également de chauffer les bureaux. La production des EPU débutera cette année et celle des XL stacks (jusqu’à 16 MW) en 2025. Les premiers clients devraient être l’entreprise allemande HMS Oil & Gas avec un projet de 64 MW dont la mise en service est prévue pour début 2026 et la société indienne Larsen & Toubro avec qui McPhy a signé un accord de licence en juin 2023.