Avec Émilie Jeannin, l’abattage devient éthique
Innovation. Quatre mois après son ouverture, Émilie Jeannin, fondatrice du seul abattoir mobile de France, revient sur une success story aux allures parfois de parcours du combattant.
Ouvert il y a quatre mois l’abattoir mobile le Boeuf Éthique d’Émilie Jeannin à déjà fait la Une des grands médias. Et pour cause, éleveuse durant quinze ans de charolais en Bourgogne, c’est parce qu’elle était révoltée des méthodes d’abattage des abattoirs industriels, en contradiction avec l’attention qu’elle portait à ses animaux, que la jeune bourguignonne a mis le pied dans l’engrenage : celui de créer le premier et seul abattoir mobile de France, inspiré d’un modèle découvert en Suède en 2016. Le Boeuf Éthique c’est d’abord le parcours d’une combattante : « Personne ne croyait en mon projet. À la “BPI”, le premier interlocuteur que j’ai eu m’a demandé quel était l’intérêt de mon projet. La seconde a été emballée. On me disait que je n’aurais jamais de subventions, je les ai eues ».
« Il y a une vraie demande des éleveurs et des consommateurs et nous avons un nouveau modèle d’abattage à promouvoir »
Face à elle, une cohorte d’opposants : « Le lobbying de la viande est puissant et a tout fait pour que je ne puisse pas mener mon projet à terme. Pourtant nous ne leur faisons pas d’ombre ». C’est par un post sur le réseaux social Facebook qu’elle rencontre six investisseurs qui l’aident à lever les 600.000 premiers euros. Un financement participatif sur Mimosa, site spécialisé dans l’agro-alimentaire lui a permis de lever 250.000 euros supplémentaires : « Le financement a été lancé fin juillet pour 60 jours. En plein été, je n’y croyais pas. Au bout de cinq jours le site nous a appelé, nous avions atteint note objectif. Même eux étaient surpris. De là, je suis allé voir les banques, bien plus réceptives ». Au total, il aura fallu investir 1,5 million d’euros pour concevoir et fabriquer l’abattoir mobile : trois poids lourds, un extensible servant d’abattoir, un frigorifique, un double-remorque emportant les bureaux et vestiaires dans l’une, les cuirs et les déchets dans l’autre.
Se développer dans toute la France
« Il a fallu concevoir les camions, les penser et même aujourd’hui encore nous continuons de les adapter à nos besoins. Ils sont autonomes en électricité et en eau. Nous ne devons laisser aucun déchet, pas même une goutte d’eau sur place. » Le Boeuf Éthique emploie aujourd’hui 13 salariés dont cinq opérateurs d’abattage qui ont découvert un nouveau métier : « Des professionnels ont déménagé de la région lyonnaise pour nous rejoindre. C’est véritablement une aventure commune que nous vivons ». Du côté de l’activité, Émilie Jeannin ne privilégie pas, pour le moment le volume : « Nous sommes dans une activité qui innove chaque jour. Ce qui nous importe c’est de caler le process de travail. D’être irréprochables sur le plan de l’hygiène et sur la commercialisation. Rien n’est acquis mais au bout de quatre mois, nous sommes presque calés ».
Du côté des producteurs, l’initiative n’est pas passée inaperçue : « Nous avons des demandes chaque jour de toute la France. Mais nous nous concentrons sur la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire. Les éleveurs y trouvent un avantage puisque nous leur achetons les bêtes à un prix équitable. Cela leur évite des déplacements et des dépenses et nous leur garantissons le respect de l’animal ».
Avec deux mois de travail prévu, Émilie Jeannin se dit « satisfaite même si rien n’est acquis » et se montre optimiste : « À Corbigny (Nièvre) l’abattoir a fermé le 31 décembre, les éleveurs me sollicitent. Je reçois des demandes de partout. Aujourd’hui l’objectif est d’être rodé sur ce premier abattoir mobile et d’en développer d’autres partout en France. Il y a une vraie demande des éleveurs et des consommateurs et nous avons un nouveau modèle d’abattage à promouvoir, respectueux de l’animal et respectueux du travail des éleveurs ! ».