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Benvic, l’alchimiste du PVC

Côte-d’Or. Benvic group (ex-Solvay) qui fête cette année les dix ans de son indépendance, vient de réaliser une prouesse technologique en permettant au groupe Decathlon le recyclage de ses matelas gonflables, transformés en semelles pour sabotins. Son expertise dans la formulation des PVC lui permet d’accompagner d’autres entreprises dans des process plus respectueux des normes environnementales.

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Photo de Raymond Soria et Philippe Gressier
Raymond Soria, directeur de l’usine de Benvic SAS à Chevigny-Saint- Sauveur (à gauche) et Philippe Gressier, directeur commercial France. Devant eux : les produits Océwood dans la composition desquels entrent les granulés produits par Benvic et la fameuse transformation du matelas Decathlon en poudre, matière première des semelles de sabotins issues de recyclage. (Crédit : JDP)

Que faire des matelas gonflables de la marque Quechua de Decathlon, achetés en quantité par les clients friands de loisirs outdoor lorsque, défectueux, ils sont retournés à peine déballés dans les magasins ? Jusqu’à peu, ces matelas finissaient à l’enfouissement. Pas idéal pour une entreprise qui doit répondre aux injonctions de la RSE... Après avoir tenté de trouver une solution de recyclage en interne, Decathlon s’est tourné vers un leader du secteur, le groupe Benvic dont le site de Chevigny-Saint-Sauveur possède une expertise de plusieurs décennies dans la formulation des PVC. Mais l’équation ne se révèle pas si simple. Car ces matelas sont composés de plusieurs matières : du PVC certes, mais aussi des valves et de la viscose floquée (4,9% du produit fini). Pourtant, Benvic a trouvé comment transformer ces matelas défectueux en... semelles de sabotins de jardin, disponibles en magasins Decathlon à partir de juillet 2024.

Boucle vertueuse française

Le process se décompose en plusieurs étapes, précise Philippe Gressier, directeur commercial France de Benvic SAS. Les valves ? « retirées à la main dans un centre d’aide par le travail » de la région lyonnaise, où se situe l’unité Benvic Recycling. Le reste du matelas ? Broyé, dépoussiéré, il est ensuite transformé en granulés noirs envoyés à l’unité côte-d’orienne. C’est là qu’intervient l’alchimie du compounder qui va transformer ces granulés en une « poudre » : « ce micronisé auquel s’ajoute une formule vierge d’appoint corrige les écarts de caractéristiques physico-chimiques entre la matière première secondaire (la poudre, ndlr) et le produit fini, qui doit exactement répondre au cahier des charges du client et présenter les mêmes performances que les semelles fabriquées à partir de matériau non recyclé », souligne le directeur du site Raymond Soria.

La poudre, certifiée conforme à cette exigence, est ensuite expédiée sur le site (français) de fabrication de Decathlon qui y produit les fameux sabotins. L’ensemble du process revendique 10% d’émission de CO2 par rapport à la version non recyclée des semelles. Ce PVC nouvelle génération incorpore au final 40% de matière première secondaire, issue de recyclage et 60% de produits nouveaux. « Decathlon a utilisé un produit sans enjeu pour valider ce concept, aujourd’hui reproductible à échelle industrielle. Or, se réjouit Philippe Gressier, cela permet deux choses : renforcer notre expertise en termes de métier et apporter plus de recyclage dans le process de notre client pour améliorer son bilan carbone ». Cette collaboration qui pourrait en effet déboucher sur une duplication pour des semelles d’autres produits - telles les bottes d’équitation d’entrée de gamme, par exemple - redonne du lustre à des produits initialement fabriqués en Chine puisque cette boucle de recyclage, sourcée à partir de produits exclusivement Decathlon, est intégralement française.

Des fenêtres par milliers

L’expertise de Benvic s’exerce majoritairement dans la production de granulés ou poudres PVC destinés à la fabrication d’huisseries. Il se pose en effet, souligne Philippe Gressier, pas moins de 11 millions de fenêtres PVC neuves par an en France ! Or le PVC, argue le compounder, possède malgré sa mauvaise image liée à l’industrie pétrochimique, « des qualités de recyclabilité très importantes, avec des durée de vie éprouvées.

Photo de l'usine de production
Vue intérieure de l’usine de production. (Crédit : Benvic)

Une huisserie testée par le CSTB, le centre scientifique et technique du bâtiment, subit des essais aux intempéries... durant deux ans ! » Un argument en faveur d’un matériau plus vert qu’il n’y paraît, d’autant que 70% des huisseries sont recyclées pour fabriquer de nouvelles fenêtres. « Une part de matériau vierge est toujours indispensable, souligne Raymond Soria, afin de garantir une homogénéité de coloris et permettre la pose de la couche de protection aux UV ». Un recyclage pas toujours possible pour les fenêtres en bois souvent imbibées, au fil du temps, de lasures et autres peintures qui les condamnent à l’incinération.

Benvic accompagne enfin d’autres produits, puisque son PVC entre dans la composition des profilés qui bordent les panneaux d’isolants extérieurs de la société Myral (Is-sur-Tille), des profilés dont la résistance au feu a été éprouvée afin d’éviter qu’ils ne se transforment en couloirs de propagation d’incendie. Et le site côte-d’orien participe aussi, par sa production de PVC, à l’activité du vendéen Océwood qui commercialise des lames de terrasse en PVC imitation bois, à l’aspect assez bluffant, qui limite l’usage de traitements hydrofuges polluants. Bref, il y a du bon dans le PVC et ce d’autant lorsqu’il crée de l’emploi local : le site de Chevigny-Saint-Sauveur, avec son laboratoire, son centre R&D et son site de production, compte 110 collaborateurs et avance un chiffre d’affaires de 90 M€.