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Colleag : vers un écosystème du covoiturage d’entreprise

Mobilité. Basée à Besançon et portée par Pierre Emmanuel Baud, Colleag est une plateforme en ligne dédiée aux entreprises de toutes tailles pour favoriser et financer le covoiturage de leurs employés.

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Pierre-Emmanuel Baud, fondateur de Colleag. JDP

En France, 70 % des déplacements domicile-travail sont réalisés avec des véhicules individuels, la plupart en auto-solisme et on estime à 3 % la part du covoiturage quotidien. Face à cette réalité, le gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux : tripler le nombre de trajets réalisés en covoiturage du quotidien d’ici 2024. Promulguée le 24 décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités (LOM) met notamment en place un forfait mobilités durables qui permet aux employeurs du secteur privé de prendre en charge jusqu’à 600 euros (exonéré d’impôts) par an et par salarié les frais de déplacement de leurs salariés sur leur trajet domicile-travail effectué à vélo, en covoiturage ou à l’aide d’autres services de mobilité partagée.

C’est sur ce terreau favorable que Pierre Emmanuel Baud a décidé de semer les grains de son projet entrepreneurial Colleag : une plateforme en ligne dédiée aux entreprises de toutes tailles pour favoriser et financer le covoiturage de leurs employés. Diplômé de l’Imea, école de commerce de la CCI Saône Doubs, en 2004, Pierre Emmanuel Baud fait ses premières armes professionnelles chez Nike France comme marchandiser, puis commercial textile. Une organisation de l’entreprise à l’américaine qui l’oblige à rendre des comptes à une hiérarchie alambiquée, constituée de pas moins de sept managers, le conduit au burn-out. Désormais convaincu que c’est comme entrepreneur qu’il pourra s’épanouir professionnellement, Pierre Emmanuel Baud part, en juin 2014, s’installer à Los Angeles pour monter avec un ami une boîte qui achète, répare et expédie à une clientèle suisse et allemande des combis Volkswagen des années 1960 et 1970.

Un projet freiné par la pandémie

« Arrivé sur place j’ai immédiatement eu l’idée de lancer un service de covoiturage longue distance, alors inexistant sur le territoire américain. Conscient d’être peu légitime côté numérique au cœur du berceau mondial du digital, je décide de m’entourer de deux amis : un américain spécialiste IT et un designer pour commencer à imaginer une plateforme spécifique, le tout avec des moyens techniques et financiers limités. En parallèle, j’intègre le Cleantech Open, incubateur spécialisé en énergies renouvelables du MIT de Boston », raconte l’entrepreneur de 40 ans. En juin 2019, la première plateforme, baptisée Ride SVP est déployée dans les états de Californie, Arizona, Nevada et Utah.

« Le passage par Deca-BFC nous a permis d’avancer sur notre développement commercial, de nous intégrer dans l’écosystème local et a grandement facilité notre recherche de financements »

« Les premiers retours sont bons mais c’est lors d’événements nationaux liés à la mobilité que notre concept de covoiturage trouve un écho particulier, sur un marché différent de celui proposé  : les trajets domicile-travail. De grands employeurs américains comme BMW, Ford... cherchent en effet une solution pour la mobilité de leurs salariés et palier à leurs problèmes de parking, de RH et d’impact carbone... ». L’équipe va alors repenser son projet et présenter en janvier 2020 un modèle spécifiquement pensé pour les besoins du covoiturage d’entreprise à l’Eureka Park du CES de Las Vegas. Ce dernier remporte le Climate Change Innovator Award. Au printemps 2020, alors qu’un contrat de gestion, via leur solution, des mobilités d’un grand studio de cinéma de Los Angeles est dans les tuyaux, la pandémie de Covid-19 frappe le monde et oblige l’équipe à cesser toute activité de covoiturage aux États-Unis jusqu’à nouvel ordre.

Un calendrier pour covoiturer

De retour en France et à Besançon, Pierre Emmanuel Baud constate que son pays et plus particulièrement sa région, par sa proximité avec la Suisse et ses très nombreux travailleurs transfrontaliers, est le terrain de jeu idéal pour développer une solution de covoiturage en direction des entreprises, pour les trajets domicile-travail. En décembre 2020, c’est la naissance de la société Colleag, basée à Besançon. Préalablement incubée par Deca-BFC sur le site de Temis, la jeune entreprise est aujourd’hui installée au centre-ville et compte quatre salariés et deux cofondateurs.

« Le passage par Deca-BFC nous a permis d’avancer sur notre développement commercial, de nous intégrer dans l’écosystème local et a grandement facilité notre recherche de financements ». On l’aura compris l’offre de Colleag est à destination des entreprises, avec un ciblage sur les zones d’activités économique et/ou industrielle comportant un grand nombre de petites et moyenne entreprises, afin de donner naissance à un véritable écosystème de covoiturage. Concrètement comment ça marche ?

Une solution originale

« Nos services prennent la forme d’un abonnement souscrit par les entreprises partenaires pour un montant mensuel progressif en fonction de l’effectif. Chaque société fait ainsi partie d’un pôle d’entreprises mutualisées, au sein d’une même zone d’activité. Au sein de chaque pôle territorial, tous les salariés de ces entreprises peuvent bénéficier des services proposés par Colleag de façon transversale et détachée de leur entreprise d’origine. Chaque trajet est facturé aux entreprises à hauteur de 2,50 euros par passager et par covoiturage, la majorité de cette somme (2 euros par passagers) est reversée au conducteur, le reste est prélevé par notre plateforme. »

« Originalité de notre solution par rapport à la concurrence, les trajets sont organisés sous la forme d’un calendrier hebdomadaire qui permet aux salariés utilisateurs d’anticiper chacun de ses trajets, et au passager de trouver un conducteur en deux clics. Sur la plateforme l’utilisateur peut renseigner ses habitudes de vie (jours où l’on va chercher les enfants à l’école, où l’on va à la salle de sport...) pour créer des routines de trajet domicile-travail, des semaines types, qui une fois enregistrées et analysées par un algorithme basé sur une technologie d’intelligence artificielle permettent d’automatiser le matching passagers-conducteur, tout en minimisant les actions utilisateurs », explique Pierre Emmanuel Baud, qui a déjà débloqué 180.000 euros pour ce projet et vient de rejoindre Réseau Entreprendre.