Entreprises

Dans le Morvan, de la scène... à la laine

Saône-et-Loire. Après une carrière de comédienne, Chloé Pimont est aujourd’hui la seule en Bourgogne à exploiter la laine de la naissance des agneaux à la chaussette. Un projet qui file droit grâce à l’épargne citoyenne, mise en place par la foncière agricole et solidaire Fermes en vie.

Lecture 5 min
Photo de Chloé Pimont
Dans le Morvan, Chloé Pimont a créé une activité économique avec son troupeau ovin grâce à une communauté de financeurs réunis par la foncière agricole et solidaire Ferme en Vie qui permet la réalisation de projets agricoles sans endettement insupportable. (Crédit : Michelle Perrault / Fermes en Vie)

Comédienne à Paris, mordue de tricot, Chloé Pimont découvre le Morvan et rencontre l’amour dans une ferme, puis la propriétaire d’un musée de la laine et décide d’élever des brebis. Alors que la sécheresse l’oblige à quitter sa ferme, parviendra-t-elle à réaliser son rêve ? De cette histoire en quatre lignes, Hollywood aurait fait un film de Noël climato-fervent. Chloé, elle, en a fait un projet économique.

Arrivée en 2012, elle rencontre alors le père de ses enfants, propriétaire fermier, se forme au filage et s’installe avec une trentaine de brebis sur une exploitation de 20 ha, hors des réseaux d’eau. Une indépendance hydrique qui devient vite un isolement avec la sécheresse et l’oblige à déménager son exploitation : « J’ai mis quatre ans à trouver la ferme des cheminots. Je voulais louer, puis le propriétaire a voulu vendre. Et je ne pouvais pas acheter ».

C’est sur les réseaux sociaux qu’elle découvre FEVE (Fermes en vie), une foncière solidaire qui aide les porteurs de projets agricoles à financer l’acquisition de leur ferme via un mécanisme de location avec option d’achat, le tout financé par l’épargne citoyenne. Fin octobre 2023, elle les contacte et obtient leur soutien. Début avril 2024, après quatre ans de quête, elle s’installe à la bien nommée Ferme des Cheminots (cheminot désignant un ouvrier parcourant les chemins pour trouver du travail) sur la commune de Monthelon, avec une vente à terme sur le bâti.

Projet agri-écologique

Aujourd’hui, Chloé Pimont ne joue plus. Elle élève 160 brebis, vend de la viande d’agneau et exploite la laine... le tout, en France : lavage (chez le seul laveur sur le plateau du Gévaudan), filature (dans la Creuse, berceau survivant de la filature) et tricotage à façon dans le Tarn (fabrication de chaussettes, gants, pelotes et semelles).

Elle exploite également le lait transformé en savons saponifiés à froid. Même si la laine reste une activité confidentielle dans le Morvan, l’activité génère à elle seule pour Chloé un chiffre d’affaires de 50.000 €. Après la création d’un collectif de lainières (Morvanlaine) dont Chloé fait partie, le Parc Régional du Morvan a annoncé en novembre dernier vouloir relancer une réflexion sur la valorisation de la filière. Une filière française presqu’exclusivement exportée en Chine jusqu’à la crise de la Covid en 2020 qui a vu l’arrêt brutal des exportations (qui n’ont jamais repris depuis) et une flambée des cours (+ 42%).

Afin d’atteindre une autonomie alimentaire, Chloé aspire à produire son propre foin et méteil sur cinq à six ha. Ce projet lui permettra de réduire sa dépendance aux fournisseurs extérieurs et d’assurer une alimentation de qualité pour ses animaux tout en respectant les principes de l’agroécologie. De plus, pour améliorer le bien-être de ses moutons, Chloé prévoit de planter des arbres dans les haies existantes, offrant ainsi de l’ombre et un abri à la biodiversité. Cette initiative contribuera également à la santé des sols et à la préservation de la biodiversité locale.

C’est fini la comédie !

Actuellement en agriculture conventionnelle, la ferme entame donc une conversion vers l’agriculture biologique, un processus de deux ans qui permettra d’obtenir à nouveau le label bio. Ce changement reflète l’engagement fort de Chloé envers des pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement.

Ainsi, la Ferme des Cheminots incarnera un modèle de transition réussie vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement et innovante dans ses pratiques. Quant à sa carrière artistique, Chloé estime avoir fait ce qu’elle avait à faire : « J’ai vécu dix belles années de comédienne. Aujourd’hui, c’est un métier qui ne me manque pas. » Son avenir ne se projette plus à travers la lecture des scenarii mais à travers le développement de son entreprise : « Je voudrais atteindre 200 mères reproductrices. Je viens aussi de faire venir un nouveau troupeau de couleur noire pour proposer autre chose que de l’écru » et file désormais le parfait amour avec son quotidien d’agricultrice : « Dès que je suis avec mes moutons, je me dis que je ne me suis pas trompée ! »