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FC Sochaux : c’est la fin

Football. Après des semaines rythmées par des lueurs d’espoir et des déceptions successives, le couperet est tombé mardi 1er août : le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) rejette la demande de maintien du FC Sochaux en Ligue 2. Puis jeudi 3 août, le tribunal administratif de Paris refuse d’examiner la requête du club du Doubs qui s’achemine vers un dépôt de bilan désormais inéluctable.

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(Crédit : Samuel Coulon – Association Sociochaux.)

Maintenu sportivement à l’issue de la saison 2022-2023 de Ligue 2 grâce à une confortable neuvième place au classement, le FC Sochaux-Montbéliardse trouve, deux mois plus tard, à l’agonie.

D’abord rétrogradé administrativement par la DNCG - le gendarme financier du football - en National 1 (troisième division) à cause d’un déficit budgétaire trop important (22 millions d’euros, finalement minorés à 12 millions d’euros), le FCSM a bien eu l’espoir de se maintenir en deuxième division alors qu’un accord de rachat avait été trouvé, mi-juillet, entre Romain Peugeot, arrière-petit-fils du fondateur et le groupe Nenking, propriétaire actuel du club, pour un euro symbolique.

L’investisseur, qui précisait en 2015 « ne pas être lié à l’entreprise familiale », devait alors éponger les dettes du club, à condition que le maintien en Ligue 2 soit acquis. Rapidement, un montage financier impliquant divers prêts bancaires et participations de collectivités devait constituer le nouveau budget du FC Sochaux. Malgré un dossier décrit comme « solide, complet et suffisant », le CNOSF, Comité national olympique et sportif français, a pris la décision de refuser la demande de maintien du club.

Ne voulant pas se substituer aux organes de gestion de la LFP et de la Fédération, le CNOSF a jugé que le dossier de Romain Peugeot présentait de trop nombreux changements par rapport à ce qui avait été présenté à la commission d’appel de la DNCG, 20 jours plus tôt. La participation importante des collectivités, 3,7 millions d’euros, aurait également posé problème. Le Tribunal administratif de Paris, en refusant d’examiner jeudi 3 août le recours du FC Sochaux a achevé de sceller l’avenir du club.

Le prix d’une mauvaise gestion

À l’heure de l’autopsie, les responsables sont pointés du doigt ; à commencer par le groupe Nenking, conglomérat chinois propriétaire du club depuis 2019. Leur acquisition du FCSM s’était déjà faite dans une atmosphère teintée de difficultés financières avec l’ancien propriétaire chinois Ledus - à qui Stellantis avait vendu le club en 2015.

À la tête du FCSM, le controversé directeur général Samuel Laurent est également pris pour cible par les supporters. « SL : tu as tué le FCSM », pouvait-on lire aux abords du stade Bonal de Sochaux le 11 juillet dernier. Tenu responsable de la mauvaise gestion financière, il doit sa place notamment grâce à ses liens avec Zhong Naixiong, fondateur de Nenking. Selon Mathieu Triclot, président de l’association de supporters « Sociochaux », Samuel Laurent « tirait toutes les ficelles. Il espérait que Nenking remette la main au pot pour couvrir ses dépenses démesurées pour un club de Ligue 2, mais les Chinois ne l’ont pas fait. C’est lui qui a fait couler le club ».

Pourtant, Samuel Laurent annonçait en 2020 l’ambition de faire remonter Sochaux en Ligue 1 « dans trois ou quatre ans » ; force est de constater que la promesse n’a pas été tenue.

Budgets intenables

Après la décision du CNOSF, le destin du FCSM est scellé hors de la Ligue 2. Mais alors, pourquoi le club doubien ne pourrait-il pas repartir en National 1 et engager une restructuration économique et sportive pour une remontée saine la saison prochaine ? Le problème est, bien sûr, une nouvelle fois financier.

« Pour évoluer en National 1, il faut également constituer un budget, certes moins important qu’en Ligue 2, explique Mathieu Triclot, mais en l’état, le coût de fonctionnement du club reste trop élevé : un budget de N1 est mission impossible, surtout en si peu de temps. » En effet, la masse salariale ne pourra pas diminuer suffisamment, et le centre de formation, joyau du club, nécessite un coût annuel évalué entre trois et quatre millions d’euros. Il faut ajouter à cela une perte drastique des droits TV payés par les diffuseurs, « environ sept millions d’euros ». Selon Mathieu Triclot, « il n’y avait aucun scénario pour un maintien en N1 ».

Catastrophe sociale

Dans cette configuration, le dépôt de bilan est inévitable : le FC Sochaux-Montbéliard, dans sa forme actuelle, devrait disparaître. C’est son association, dont l’équipe réserve évolue aujourd’hui en National 3, la cinquième division, qui prendra la relève.

La catastrophe, indéniable d’un point de vue sportif, n’en est pas moins palpable d’un point de vue social, car elle signifie notamment la fermeture du centre de formation - un des 37 en France -, « l’un des meilleurs du monde, assure Mathieu Triclot. C’est un désastre de foutre en l’air ce monument du football français, qui lui est pourtant si utile ».

Pour les 150 employés et éducateurs du club et du centre, un Plan de sauvegarde de l’emploi devrait être engagé. Pour les jeunes, c’est un grand vide. « Les plus chanceux vont être repêchés dans les quatre coins de la France par d’autres centres de formation, mais pour les autres, c’est un rêve qui se brise » et tout une vie scolaire à reconstruire.

Une réalité inadmissible

« Tout le monde traverse les phases du deuil », témoigne Mathieu Triclot. Aujourd’hui, il s’agit visiblement de la tristesse. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Tribunal administratif a douché tous les espoirs.

Désormais, pour le président de « Sociochaux », il est nécessaire de « se rassembler autour du club, tout faire pour le sauver et le reconstruire. Il faut que les supporters prennent une place importante. On ne veut plus d’un groupe spéculatif. » Son association avait d’ailleurs lancé une levée de fonds mi-juillet, qui a déjà récolté près de 150.000 euros.

« Cette enveloppe sera utile au moment de la constitution du budget de N3 », dont la saison commence le 27 août. Dans toute cette histoire, le malheur des uns fait le bonheur des autres, puisque le FC Annecy devrait prendre la place du FC Sochaux-Montbéliard en deuxième division. À trois points près (une victoire), Dijon, le voisin bourguignon, aurait alors bénéficié d’un repêchage inespéré.