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Du houblon bio de proximité pour de la bière 100 % locale

Agriculture. Deux frères qui nourrissent depuis des années une vraie passion pour la terre ont décidé de se lancer dans un projet atypique d’houblonnière à Saint-Vit, dans le Doubs : une première dans le département.

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Aurélien Sugny devant sa ferme du Grand Moyer à Saint-Vit et sa culture de houblon bio. JDP

Le paysage a de quoi surprendre : un champ, des lignes de paillage parallèles et une forêt de mâts d’acacia dressés à la verticale sur sept mètres de hauteur. Un nouveau Stonehenge made in Doubs ? Non, mais une première tout de même. Celle, portée par deux frères trentenaires, d’installer sur les quelques hectares d’une ancienne porcherie artisanale désaffectée, une houblonnière bio.

Un projet de vie pour Aurélien et Yohann Sugny mais aussi un vrai défi pour ces deux jeunes hommes qui ne sont pas issus du sérail agricole. En effet, le premier travail à son compte dans le bâtiment. Le second, qui justifie d’un BTS agricole en gestion et maitrise des eaux à l’Enil de Mamirolle, occupe aujourd’hui un poste de chef de projet dans un bureau d’études chez Vinci. Leur rêve de terre, ils le cultivent de longue date.

« Cela fait une dizaine d’années que nous cherchons une petite surface pour nous installer, pour débuter une aventure à taille humaine qui fasse écho à notre besoin d’être dehors, d’être en contact avec le sol, de créer quelques choses de nos mains. Nous avons d’abord pensé au maraîchage, puis nous nous sommes dit que nous augmenterions nos chances de succès en allant sur des terrains inexplorés, en cherchant à nous différencier. L’idée de cultiver le houblon est venue assez naturellement. C’est inédit ici et le côté convivial lié au monde de la bière résonnait en nous », raconte Aurélien Sugny. Après une longue attente, la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) de Bourgogne Franche-Comté finit par leur proposer, en octobre 2020, un lopin de terre aux portes de Saint-Vit, dans le Doubs.

Première vraie récolte pour septembre 2022

Avec son grand noyer centenaire, la parcelle séduit nos agriculteurs en herbe. « Lieu d’installation d’une ancienne porcherie, le site présentait l’avantage de n’avoir jamais accueilli de culture sur son sol. Ce qui, pour nous, voulait dire une certification en bio immédiate », argue Aurélien Sugny. Pour mener à bien ce projet fédérateur qui mobilise amis, famille, femmes et enfants, le binôme choisit de se faire accompagner par Coopilote, une coopérative d’aide à la création d’entreprise qui permet de lancer son activité en toute sécurité, notamment grâce au statut d’entrepreneur-salarié.

Mars 2021, les plants de houblon percent le sol. Bien du chemin reste à parcourir pour que ces jeunes plants n’atteignent les sept mètres de haut de leur pleine maturité. Première récolte exploitable prévue pour septembre 2022. JDP

Aurélien et Yohann se documentent sur cette plante dotée d’une grande résistance et qui pousse de manière sauvage à Saint-vit sur les rives du Doubs, se forme à l’usage de produits phytosanitaires naturels de type purin d’ortie dans l’Ain auprès du paysagiste Éric Petiot, glanent quelques bons conseils auprès d’autres aventuriers du houblon installés dans la région et plantent leurs 500 premiers plants à l’automne 2020, sur les terres de la bien nommée ferme du Grand Noyer.

« Le houblon atteint sa taille adulte et donc exploitable au bout de deux à trois ans. Ensuite on peut compter sur une récolte chaque année. Nous avons planté sept variétés différentes pour expérimenter, tester des mélanges, faire s’exprimer le terroir ». En attendant que les lianes de houblon s’enroulent à leurs mâts d’essence locale et que les premières fleurs vertes n’apparaissent, le duo a fait la tournée des brasseurs locaux pour se faire connaître.

Une bière 100% locale et 100% bio

« Nous avons prospecté une quinzaine de brasseries franc-comtoises. L’accueil réservé à notre démarche est très positif. Il existe déjà une filière de malte et d’orge brassicoles en développement en Franche-Comté. Manquait le houblon pour pouvoir réaliser une bière 100 % locale et 100 % bio. Si des initiatives émergent sur le houblon comme avec ce jeune couple qui s’est lancé à Clairvaux-les-Lacs, dans le Jura, cela reste encore marginal, notamment en raison d’un process de récolte, de triage et de séchage des fleurs complexe et coûteux en machines spécifiques. Il faut compter 15.000 euros pour une trieuse et entre huit à 10.000 euros pour un séchoir... », développe Aurélien Sugny qui a fait une demande d’aide à la région pour accompagner ces lourds investissements.

Les frères ont fait leur calcul, pour pouvoir en vivre ils leur faudra réaliser au moins quatre hectares de culture et patienter jusqu’en septembre 2022, date prévue pour une première récolte digne de ce nom. « Nous pourrons prélever les premières fleures en septembre prochain, mais cette cuvée 2021 ne sera pas forcément très qualitative. Elle nous permettra de faire nos premiers essais, de voir quelles variétés apportent le meilleur rendu gustatif. Un travail d’apprentissage et de peaufinage que nous mènerons en lien étroit avec les brasseurs, avant de fêter en 2022 la naissance d’une bière issue pour partie de notre terroir ».