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Fallot : fixateur d’emplois locaux et modèle à suivre

Emploi. Dans le cadre de son soutien aux entreprises locales, le préfet de la région BFC et de la Côte-d’Or s’est rendu, lundi 9 septembre, à la Moutarderie Fallot installée à Beaune depuis plus de 180 ans.

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Photo d'Alain Suguenot, Franck Robine et Marc Désarménien
De gauche à droite : Alain Suguenot, maire de Beaune, Franck Robine, préfet de la région BFC et de Côte-d’Or et Marc Désarménien, directeur général de la Moutarderie Fallot. Crédit : JDP.

Née en 1840 à Beaune, la moutarderie Fallot fait partie des entreprises retenues pour participer à la quatrième édition de la Grande exposition du fabriqué en France qui aura lieu à l’Élysée les 26 et 27 octobre. « Chaque département est représenté par un ou deux produits emblématiques locaux créateurs d’emplois, et c’est au préfet qu’il revient de faire ce choix, précise Franck Robine, préfet de la région BFC et de Côte-d’Or. Cette année, j’ai voulu faire un zoom sur l’agroalimentaire avec deux fleurons côte-d’oriens : les anis de Flavigny et la moutarde Fallot et plus particulièrement sa recette IGP de moutarde à l’ancienne ».

Photo de la voiture de La Moutarderie Fallot
(Crédit : JDP)

Derrière cette sélection piquante se cache la volonté de mettre en lumière une filière historique en pleine mutation. « Fallot est une aventure familiale ancrée dans la tradition mais qui n’a jamais cessée d’innover, affirme le préfet. C’est aussi un secteur d’activité qui avait presque disparu en Bourgogne au bénéfice de pays comme le Canada et qui a su se réinventer en relançant dès 1992 la production de graines de moutardes locales ».

« Cette relocalisation est un fixateur de l’emploi sur notre territoire, et c’est également un exemple vertueux pour l’agriculture française », défend Marc Désarménien, directeur général de la moutarderie Fallot et petit-fils d’Edmond Fallot. « Nous avons été parmi les premiers à croire à la relocalisation de la filière, et aujourd’hui nous sommes les seuls à proposer 100 % de nos produits en graines de moutardes régionales. Une exigence que nous tenons depuis déjà quatre à cinq ans ».

La filière s’est reconstruite de manière exemplaire via notamment une contractualisation entre les industriels et les producteurs. « Nous avons ainsi négocié un prix garanti de la graine à 2.000 € la tonne contre 200 € pour le blé. Ce qui fait de la culture de la moutarde une activité rémunératrice », développe Damien Baumont, président de l’Association de la moutarde de Bourgogne (AMB) et vice-président de l’Association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (APGMB).

Les graines du futur se font attendre

Organisée au sein de l’AMB, la filière compte - outre son pôle transformation, au sein duquel on retrouve les industriels moutardiers bourguignons et le Rémois Charbonneaux-Brabant qui s’approvisionne à 50% en graines de Bourgogne - un pôle recherche, composé de l’institut Agro Dijon pour la sélection des variétés et de la Chambre d’Agriculture de Côte-d’Or pour la recherche de références. « La création de nouvelles variétés de moutarde, avec également l’aide de l’Inrae, est un indispensable pour pouvoir stabiliser la production face aux menaces liées au dérèglement climatique et à la croissance des ravageurs. Toutefois le temps de la génétique reste un temps long : il faut compter huit à dix ans pour voir émerger des graines améliorées et cela représente un investissement conséquent de 400.000 à 450.000 € par an, financés à 50/50 par les producteurs et les industriels , complète Damien Baumont qui milite pour des dérogations sur l’utilisation de produits phytosanitaires, seule solution pour agir sur le temps court et réassurer les agriculteurs quant à leur choix de s’engager dans une culture qui reste fragile ».

Fragile en effet au vu des chiffres de la moisson 2024. « L’objectif était de 12.000 tonnes, dont 400 tonnes en bio, or nous n’avons atteint que 80 % de l’attendu en raison de mauvaises conditions climatiques, notamment dans le nord de la Bourgogne et en Seine-et-Marne, où la floraison fut faible et la pluie constante ». « Cependant, 2024 reste meilleure que 2023, tempère Marc Désarménien. Aujourd’hui, nous couvrons 1/3 des besoins en graines locales pour l’ensemble de la production française. On peut et doit aller bien au-delà et pour cela nous avons besoin du soutien de l’État ».

Plus de 15 M€ ont déjà été investis par la Chambre d’agriculture, les moutardiers et les producteurs pour redonner vie à cette fierté régionale. 50 % de ce budget portent sur la recherche de nouvelles variétés. « Un travail est également en cours sur la construction de silos dédiés exclusivement aux graines de moutarde pour éviter les phénomènes de contamination et les risques allergènes et ainsi mieux maîtriser le contrôle qualité. Là encore, ce genre de projet demande deux à trois ans pour devenir concret », avance Damien Baumont.

L’excellence pour atout

Autre voix de pérennisation de la filière : l’obtention, en 2009, de l’IGP Moutarde de Bourgogne définissant une moutarde 100% Bourgogne avec des graines de moutarde de Bourgogne, du vin blanc sous appellation d’origine de Bourgogne et transformée en Bourgogne. Depuis peu s’est ajoutée une recette de moutarde à l’ancienne sous IGP.

L'activité de la Moutarderie Fallot
(Crédit : JDP)

Une recette qui sera ainsi mise en valeur à l’Elysée sous la marque Fallot, une des dernières moutarderies artisanales de France au procédé de fabrication unique incluant le broyage des graines à la meule de pierre. « Ce n’est pas la technique la plus productive, mais cela garantit la qualité aromatique et le piquant de nos recettes car il n’y a pas d’effet de chauffe », explique Marc Désarménien. Un parti-pris validé par le préfet affirmant que « ce qui protège le mieux cette filière séculaire, c’est bien l’excellence de la fabrication ». Cette exigence se traduit chez Fallot par un investissement constant notamment au niveau de l’outil de production : « nous avons récemment débloqué 1,3 M€ dans une nouvelle ligne qui devrait nous permettre de doubler notre capacité de production pour 2025 ».

Labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant », Fallot travaille également sur son empreinte environnementale avec l’installation de panneaux photovoltaïques couvrant un tiers de ses besoins énergétiques. « De plus, nous cherchons à trouver des voies de recyclage pour nos déchets de production. Ainsi, notre son de moutarde est utilisé par des fromagers de Bourgogne et en complément alimentaire animal ». Enfin, depuis une vingtaine d’années, des parcours de visite muséographiques sont proposés pour permettre au grand public de découvrir l’histoire de cette saga beaunoise hors-normes.

Au premier parcours de 2003 sur le condiment le plus consommé dans le monde après le poivre et le sel, s’est ajoutée en 2009 une immersion au coeur du site de production, intitulée « Sensations fortes ». Chaque année, près de 50.000 visiteurs sont ainsi accueillis. Un chiffre qui risque d’augmenter avec la volonté affichée de l’entreprise de miser sur ce tourisme industriel vecteur de nombreuses ventes. « Nous avons prévu de nouveaux investissements dans ce sens, notamment en vue d’ajouter de la réalité virtuelle à nos visites. Cela participe de notre objectif de travailler davantage sur le BtoC alors qu’avant nous n’étions que sur le BtoB ».