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La Bourgogne bat à nouveau pavillon sur la Seine

Transport. Depuis le 25 novembre dernier, une liaison régulière entre la plateforme portuaire de Gron, près de Sens, et celle du Havre (Seine-Maritime) est assurée par un opérateur fluvial icaunais, LogiShip. Une première dans le département qui n’avait plus enregistré de société d’armateur depuis plus de 200 ans.

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À quai, au port de Gron, l’Exelmans - bientôt rebaptisé Le Bourgogne - s’apprête à emprunter l’Yonne, puis la Seine, jusqu’en Normandie, avec cinq tourets de 72 tonnes chacun à son bord pour le compte de la société Prysmian. JDP

La rivière Yonne, « ce chemin qui marche » si cher à l’ancien président de la CCI, Gaston Simonato, a retrouvé ses lettres de noblesse et sa vocation économique en 2010, lorsqu’à l’initiative de la chambre consulaire, le port multimodal de Haute-Bourgogne fut créé ex-nihilo à Gron, en amont de Sens. Avec à la barre, Didier Mercey. Une décennie plus tard, l’hinterland le plus au Sud du port du Havre affiche une forme éclatante - neuf millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier - ce qui a fait taire les plus sceptiques depuis longtemps déjà et confirmé les intuitions des plus avant-gardistes, qui avaient parié sur un report modal devenu inéluctable, à l’aune de la nécessaire transition écologique.

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. LogiYonne - le commissaire de transport et gestionnaire de la plateforme - assure à lui seul, jusqu’à 30 % de l’activité « colis lourds » du port maritime normand, deuxième port français. Une activité destinée à 92 % à l’export. Surtout, l’écosystème industriel régional a rapidement intégré le transport fluvial dans son modèle économique, conscient de son apport logistique stratégique, et qui a conforté, au passage, plusieurs centaines d’emplois. Alors, quand au printemps, le tribunal administratif de Dijon autorisait la poursuite des travaux du « fameux » pont de Pont-sur-Yonne, plus de bas de 39 centimètres, rendant périlleuse la navigation sur la rivière et provoquant l’ire de la batellerie, Didier Mercey ne pouvait se résoudre à laisser sombrer toute une filière pleine de promesses.

Didier Mercey, le président de la SAS LogiYonne, et des filiales LogiConteneur, LogiVietFrance et maintenant LogiShip, gestionnaire de la plateforme portuaire icaunaise. JDP

Le commissionnaire de transport a alors pris la décision d’ajouter une nouvelle corde à son arc en devenant armateur, avec la création de la Single Ship Company - un statut juridique propre au droit maritime - LogiShip et l’acquisition pour un million d’euros de l’Exelmans, un automoteur « ballastable » de 90 mètres. « Ce n’était plus arrivé dans l’Yonne depuis 1806, avec la disparition de la Compagnie Fouet-Chaudot », relate le chef d’entreprise. Dans quelques mois, le navire sera rebaptisé Le Bourgogne, en hommage au navire de la marine royale financé par la région et qui a participé en 1781 à la bataille d’indépendance des États-Unis. Les nouvelles plaques seront fabriquées par le apprentis du pôle de formation Yonne- Nièvre de l’UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie).

Des perspectives de croissance en vue

« Nous allons garantir à nos clients industriels, la sécurité et la disponibilité d’une cale idéale à l’approche de tous leurs marchés export, et ce après plusieurs essais en navigation », explique David Buquet, directeur général de LogiYonne et de LogiShip. « Ce navire est le plus adapté au franchissement du nouvel obstacle de Pont-sur-Yonne. » D’autant qu’avec la crise sanitaire, la chaîne logistique s’est trouvée fortement perturbée. Les plateformes portuaires connaissent une véritable « congestion » et il devient de plus en plus compliqué de trouver des modes de transport adaptés à cette situation inédite. Pour le commissionnaire LogiYonne, posséder son propre navire constitue l’assurance de ne pas enregistrer de ruptures de charges et de « garantir des délais » auprès de ses clients.

L’Exelmans arrive dans l’écluse sénonaise de Saint-Bond, située à cinq minutes de son port d’attache. JDP

D’ailleurs, les carnets de commandes sont déjà pleins pour les prochaines semaines et l’Exelmans va enchaîner les liaisons entre les ports normands et la plateforme portuaire de Gron. À bord de l’Exelmans, Didier Mercey et Guillaume Blanchard, le directeur général du groupe Sogena et actionnaire minoritaire de LogiYonne, ont fait appel à un capitaine d’expérience secondé par un jeune matelot formé au Centre de formation d’apprentis de la navigation intérieure (CFANI) du Tremblay (Yvelines). « Nous allons sur les cinq années à venir représenter plus de 50% du trafic de colis lourds de l’axe Seine », précise Didier Mercey.

« Rappelons qu’au niveau national, la région Bourgogne Franche-Comté demeure l’une des plus industrialisées de France. » Dans l’optique de remplir les objectifs nationaux et internationaux de « neutralité carbone », le transport fluvial constitue, sans aucun doute, l’une des solutions logistiques les plus durables pour le secteur industriel - avec sa cale de 70 mètres, l’Exelmans peut transporter l’équivalent de 25 poids lourds. « Aujourd’hui, le fluvial entre dans l’ère de l’industrialisation. » L’Yonne, « ce chemin qui marche », pourrait représenter à l’avenir l’atout majeur au développement économique du département qui porte son nom. Un hommage supplémentaire à Gaston Simonato.