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La diversification, avenir du véhicule en BFC ?

Région BFC. Dans un contexte économique mondial incertain et des transformations technologiques sans précédent liées aux transitions écologiques, les filières de la mobilité en Bourgogne Franche-Comté se retrouvent à un carrefour décisif. Au coeur de cette période mouvementée, le Pôle Véhicule du Futur (PVF), qui a récemment célébré ses 20 ans, s’affirme comme un acteur clé, guidant les entreprises de la région à travers les défis de la décarbonation, de l’innovation et de la diversification.

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L’équipe dirigeante du Pôle Véhicule du Futur avec, de gauche à droite, Bruno Grandjean, directeur général, Ludovic Party, directeur filière et excellence opérationnelle, Thierry Tournier, président et Bruno Jamet, directeur innovation et projets. (Crédit : JDP)

L’année 2024 a été marquée par une dégradation soudaine de la conjoncture pour la filière automobile, qui se trouve à nouveau plongée dans une crise sévère à l’échelle de toute l’Europe ; crise conjuguée à la montée en puissance plus lente que prévue des motorisations électriques et hydrogène. Ce constat, c’est le président du Pôle Véhicule du Futur, Thierry Tournier, qui le fait, arguant que « le virage vers l’électrification, bien que nécessaire et soutenu par la réglementation européenne, s’opère à marche forcée. La filière automobile, pilier industriel majeur en BFC, est ainsi confrontée à une période particulièrement chahutée ».

Se réinventer et accepter la notion de temps long

Sur les cinq premiers mois de l’année 2025, le marché automobile global a enregistré une baisse de 8 % par rapport à 2024. Les véhicules électriques à batterie ont moins diminué (-7 %), et leur part de marché a continué de croître, passant de 17 % à 18 %. Cependant, le marché est complexe. La conjoncture mondiale incertaine freine les investissements et les ventes, entraînant une diminution des chiffres d’affaires des entreprises. Malgré les subventions, les prix des véhicules électriques restent élevés, rendant l’accès difficile pour une large partie de la population. « Le marché a d’abord pénétré une clientèle pro-électrique, et doit désormais convaincre un public plus large avec des prix plus abordables et une autonomie accrue, visant les 500 à 600 km », explique Ludovic Party, directeur filière et excellence au PVF. L’industrie européenne doit faire face à une concurrence exacerbée, notamment des constructeurs chinois qui proposent des véhicules à des tarifs très compétitifs. « L’enjeu est de maintenir une production locale significative, avec des discussions en cours sur la fabrication des pièces en Europe. Le diagnostic de souveraineté est posé, maintenant, il faut faire !, affirme Thierry Tournier. Le sort de l’industrie automobile européenne n’est pas scellé. Il existe encore des ressources, un marché important de 500 millions de consommateurs et une capacité à se réinventer ». Dans ce contexte, le PVF aide les entreprises à « ouvrir grand les yeux » sur les opportunités et à s’adapter, à innover et à se diversifier. « Cette diversification ne se limite pas à de nouveaux produits automobiles, mais s’étend à des marchés complètement différents comme la défense, tirant parti des surcapacités industrielles existantes », précise Bruno Grandjean, directeur général du PVF. « Face au temps long, l’adaptation passe également par l’approche de marché où le thermique n’est pas menacé à brève échéance : il n’y a pas que le marché européen, il faut penser global ».

La filière hydrogène, également animée par le PVF, connaît elle aussi un « ralentissement, sans doute lié à un décalage entre les trajectoires de marché initialement définies et la réalité du déploiement, en partie à cause d’un moindre subventionnement du marché par rapport à la phase de développement et d’industrialisation. Le processus d’innovation, de l’idée en laboratoire à la commercialisation, est par nature long (de 3 à 10 ans) et non linéaire », défend Bruno Jamet, directeur innovation et projets au PVF. « Le cap reste toutefois le même, la France maintenant son objectif de devenir un leader de l’hydrogène vert dans le cadre de la stratégie France 2030, et la Bourgogne Franche-Comté, avec une stratégie industrielle forte, soutient des projets comme le développement d’une école de l’hydrogène », évoque Thierry Tournier. Le PVF continue d’animer l’ensemble de la chaîne de valeur, des électrolyseurs aux applications en aval. Le programme Corridor Rhin-Rhône, lancé l’année dernière, a vu son association de préfiguration être immatriculée. Il vise à décarboner le transport de marchandises sur l’axe Rhin-Rhône en définissant une stratégie pour le déploiement de carburants alternatifs (hydrogène, électrification, biocarburants, biogaz) et en accompagnant la maturation des technologies développées par les industriels du pôle ». Par ailleurs, un accord a été signé pour un projet de pipeline européen d’hydrogène reliant l’Espagne à l’Allemagne, via respectivement Barcelone et Marseille par voie sous-marine. Baptisé « H2Med », il devrait acheminer chaque année quelque deux millions de tonnes d’hydrogène, soit 10 % des besoins de l’UE.