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La filière du lavage automobile ne veut plus être le bouc émissaire de la sécheresse

Ressource. Face à la préoccupante situation hydrologique de plusieurs bassins versants de Bourgogne Franche-Comté, le secteur du lavage automobile, réuni à Beaune, veut faire entendre sa voix, se définissant comme un « allié, porteur de solutions dans la maîtrise de la consommation d’eau ».

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Lavage automobile
(Crédit : Freepik)

Depuis plusieurs années, la filière du lavage automobile (entre 12.000 et 14.000 centres au niveau national) est confrontée à des mesures de fermetures de sites de lavage définies par des arrêtés préfectoraux de restriction de l’usage de l’eau. Si le secteur dit mesurer pleinement la gravité de la situation de sécheresse sur le territoire et la nécessité de partage de cette ressource, elle dénonce l’aspect contre-productif des fermetures, source, selon-elle, de conséquences écologiques, économiques et sociales irréversibles.

« Il est fondamental de stopper immédiatement toute logique de fermeture de nos centres de lavage et de prévoir d’autres solutions plus pertinentes en termes d’économies d’eau et de protection de l’environnement, a affirmé Jean-Luc Cottet, président national du métier lavage au sein de mobilians (ex-CNPA, organisation syndicale des professions de la distribution et des services automobiles) lors d’un colloque organisé par la profession à Beaune le 5 juillet. La crise sécheresse 2022 sans précédent a créé une situation chaotique pour toute la filière qui s’est retrouvée contrainte par des fermetures massives pendant plusieurs semaines, voire mois, sans aucune aide ou prise en charge des pertes d’exploitations. La moyenne nationale estimée des pertes de chiffre d’affaires pour ces centres obligés de fermer s’élève à 19.122 euros, avec une valeur basse de 2.600 euros et une valeur haute de 150.000 euros. Seuls 5 % des professionnels ont pu bénéficier d’une prise en charge de leurs pertes d’exploitation par leur assurance et voient leur contrat résilié par leur compagnie en 2023. De même, moins de la moitié des professionnels fermés et ayant des salariés ont vu leurs dossiers de demande d’activité acceptés par les Dreets ».

« De plus, afin d’orienter l’ensemble des arrêtés, la direction de l’eau et de la biodiversité a publié en 2021, sans aucune concertation avec la profession, un guide national sécheresse prescrivant pour les professionnels du lavage des mesures de fermetures administratives dès le seuil d’alerte sécheresse. Ce guide n’a qu’un caractère d’orientation et donne tout pouvoir au préfet (90 % des arrêtés préfectoraux sont plus durs que le guide), mais il délivre, malgré tout, des signaux laissant croire qu’il est opportun de fermer de manière précoce un centre pour assurer une bonne gestion de la ressource en eau du territoire », explique Francis Pousse, président national du métier station-service, également présent à Beaune.

Une filière écologique

Ces mesures strictes sont d’autant plus mal vécues par la filière du lavage automobile que celle-ci a de l’eau un usage parfaitement maîtrisé (60 à 150 litres sont utilisés par lavage) : « La part du lavage automobile dans la consommation d’eau potable n’est que de 0,2 % », précise Jean-Luc Cottet. Au fil des années et de l’évolution des réglementations environnementales les professionnels ont également lourdement investi (environ 150.000 euros) en équipement obligatoires de prétraitement des effluents (débourbeurs, séparateurs d’hydrocarbures, système de recyclage de l’eau...).

Le lavage automobile en centre professionnel permet ainsi de retraiter chaque année en France 48.000 tonnes de boues polluées et d’éviter que celles-ci ne s’infiltrent dans le sol et les eaux souterraines à l’inverse du lavage à domicile. « Ce dernier ayant augmenté de 12 % en 2022 en lien direct avec les fermetures de centre. Ceci a représenté une sur­consommation d’eau par lavage de plus de 210 litres par rapport à une station de lavage, soit un total de 2,5 millions de mètres cubes d’eau, au niveau national. Côté boues ce sont quelque 2.640 tonnes fortement polluées qui n’ont pas été récupérées et traitées par nos centres. Notre profession vit un véritable paradoxe : alors que pour répondre aux enjeux environnementaux le développement de centres de lavage devrait être soutenu, nous sommes aujourd’hui contraints de les fermer ».

Plan d’actions et label

Pour mettre fin à ce système délétère qui fait de la profession un bouc émissaire, la filière demande au gouvernement un assouplissement des mesures minimales de restrictions publiées par le guide sécheresse, le temps pour elle de définir un plan d’action sur la maîtrise de la consommation d’eau à travers la mise en place d’un label « Consommation maîtrisée » visant, à la fois, à répondre aux enjeux environnementaux et à assurer la pérennité des centres de lavage spécialisés.

« Trois pistes sont déjà à l’étude, explique Jean-Luc Cottet. Dès le niveau de vigilance sécheresse nous souhaiterions ainsi que nos centres deviennent les relais d’une communication de sensibilisation auprès du grand public sur les économies d’eau et sur la promotion du lavage en station plutôt qu’à domicile pour éviter les pollutions. Le message sera à définir en collaboration avec le ministère. Nous souhaitant également un encadrement des consommations maximales d’eau par programme de lavage, qui aboutirait à la création d’un jeu d’étiquettes, façon éco-énergie A, B, C... sur lequel les futures mesures de restrictions du guide sécheresse pourraient s’appuyer. Par exemple : tous les programmes dont la consommation d’eau est inférieure à X litres par lavage serait autorisés en seuil d’alerte renforcé... Enfin, nous voulons inciter à l’installation dans les stations de système de recyclage de l’eau via des subventions harmonisées auprès des six agences de l’eau nationales. »