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La médiation, une justice de l’amiable

Justice. La « compagnie des médiateurs en Bourgogne Franche-Comté et d’ailleurs », présidée par Me Thierry Chiron, valorise une résolution des litiges (civils, commerciaux, familiaux et sociaux) à l’amiable grâce à un tiers médiateur formé. Les règlements amiables, co-construits par les parties, sont une alternative au procès encouragé par le ministère de la Justice. Encore très marginale (environ 2 % des litiges sont réglés par médiation), la médiation est pourtant riche de potentiels. Explications avec Me Thierry Chiron, Médiateur avocat et Me Marine Favre, Médiatrice, commissaire de justice.

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Photo de Thierry Chiron et Marine Favre
Thierry Chiron, avocat associé (cabinet Légiconseils). Médiateur depuis 2023, formé à l’uB où il a suivi un diplôme universitaire d’environ 140 h de formation et Marine Favre, commissaire de justice associée. Formée à la médiation en 2017 par sa chambre nationale des huissiers via l’organisme Medicys. Ils sont tous deux membres de la Compagnie des médiateurs en Bourgogne Franche Comté et d’Ailleurs. (Crédit : JDP)

Le Journal du palais. Qu’est-ce que la médiation ?

Marine Favre. La médiation fait partie des outils alternatifs au judiciaire et au côté « tranchant » du juge. L’idée ici est plutôt que les parties se réapproprient leur litige et ensemble, le fassent évoluer vers une solution qu’elles bâtissent elles-mêmes. Le tiers-médiateur, indépendant et impartial, joue le rôle de trait d’union entre les parties. Ce qui est très important est que le médiateur, qui n’est pas un conciliateur, est restaurateur de communication. Dès qu’il y a une mésentente, se met un place un mécanisme selon lequel chacun prétend détenir « sa » vérité. L’idée est de pouvoir comprendre la vérité de l’autre pour pouvoir ensemble définir une nouvelle vérité qui serait révélée par la médiation. Il est important de souligner que la médiation est un processus libre, les parties vont en médiation si elles le souhaitent, elles sortent de la médiation quand elles le souhaitent. C’est leur choix.

La médiation n’est pas la conciliation. Quelle est la différence ?

Thierry Chiron. Le conciliateur de justice est une personne neutre, comme le médiateur, mais la différence est que le conciliateur va proposer des solutions, lesquelles sont, en principe, juridiques. Alors que le médiateur favorise l’émergence de solutions par les parties, en restant neutre, sans inférer dans les termes de l’accord totalement au choix des parties.

Ces solutions doivent-elles être juridiques ?

Marine Favre. Pas forcément. La médiation permet de trouver des accords qui ne sont pas nécessairement l’application de la loi. L’accord de médiation, lorsqu’il émerge des parties va peut-être nous sembler à nous complètement déséquilibré, mais il peut convenir aux parties ! La médiation remet l’humain au coeur du litige et il y a beaucoup d’intelligence émotionnelle autour de tout cela. Il y a vraiment la notion d’aller chercher les émotions et les solutions ne seront peut-être pas celles d’un conciliateur.

Ce qui compte est que les parties soient les architectes de ces solutions et qu’elles leur conviennent. Nous ne sommes pas des juristes à ce moment-là. Notre exercice c’est d’être juste là au centre des parties, afin de pouvoir accueillir ce qu’ils ont à dire, repérer les points d’accroche pour les faire travailler dessus et se libérer des points de blocage. Il y a une part importante d’écoute active, il faut être en alerte par exemple sur les mots qui sont employés pour rebondir dessus et dénouer les noeuds qu’ils abritent.

Thierry Chiron. Toutes les solutions sont possibles à partir du moment où elles ne sont pas contraires à la loi et à l’ordre public. Parfois, un accord sur la réparation du préjudice laisse de l’amertume à une partie qui souhaite un peu plus, par exemple que la partie qui a créé le préjudice s’excuse et reconnaisse ses torts, cela pourrait suffire à l’autre partie pour que l’accord soit solide ! On vient aussi en médiation pour passer à autre chose, tourner la page. La médiation a un impact social positif très fort.

Marine Favre. La justice a un mouvement descendant : elle tombe, elle tranche. En médiation, nous sommes plutôt en élan vers le haut, avec la notion de s’élever dans le conflit et de se comprendre. Par ailleurs, on responsabilise les parties pour qu’elles prennent en mains la gestion de leur conflit au lieu de l’abandonner au juge.

Quelles peuvent être les techniques employées par le médiateur ?

Thierry Chiron. Tout d’abord, le médiateur doit être très concentré et gagner la confiance des parties en expliquant bien comment se déroule le processus. C’est un point essentiel pour la réussite de la médiation. C’est épuisant émotionnellement d’être médiateur car cela demande une attention constante pendant toute la séance ! Pour ce qui est des techniques, Il utilise l’écoute active, la communication non violente, il faut être très attentif aux termes que l’on emploie pour qu’ils ne viennent pas mettre de l’huile sur le feu – la reformulation : lorsqu’une partie s’est exprimée, le médiateur reformule pour que les deux parties soient bien dans la même compréhension. On créé en médiation un espace de discussion, bienveillant, apaisé qui favorise la compréhension pour sortir de l’impasse créée par le conflit.

Quels types de litiges sont concernés par la médiation ?

Thierry Chiron. Le processus de médiation est un processus transversal, qui peut s’appliquer à presque tous les litiges : affaires, vie quotidienne, famille, sport, tous litiges privés et aussi les litiges publics (avec les collectivités, par exemple). Il y a quand même des limites : dès que vous touchez à l’ordre public, vous ne pouvez plus entrer en médiation. S’il y a un acte de violence qui peut être qualifié sur le plan pénal de délit par exemple, on n’est plus dans un cadre de médiation. Encore que : on peut imaginer après la sanction pénale qui est la répression prévue par le Code pénal et qui résulte de l’action du Procureur qu’il y ait une médiation sur les dommages et intérêts.

Quel est le processus pour entrer en médiation ?

Thierry Chiron. Il y a plusieurs portes d’entrée. Si les personnes connaissent la médiation, elles s’adressent directement à un médiateur, sans passer par un avocat, en prenant attache avec lui via un centre de médiation comme le nôtre ou en le choisissant directement sur les listes de médiateurs des cours d’appel ou des juridictions administratives. Si le médiateur accepte de prendre en charge le litige, soit la partie à l’origine de la médiation peut appeler l’autre pour recueillir son accord sur l’entrée en médiation, soit le médiateur peut s’en charger. C’est ce qu’on appelle la procédure de médiation conventionnelle.

Il y a aussi la médiation judiciaire qui peut intervenir lorsqu’une procédure est engagée, à l’initiative des parties, mais aussi du juge qui estime que la médiation serait opportune, étant précisé que les parties peuvent l’accepter ou pas lorsque le juge la suggère. Si elle est acceptée, le juge désigne alors le médiateur. Le juge peut aussi faire « injonction aux parties » de rencontrer un médiateur. Il les contraint à cette rencontre qui est une information sur la médiation, mais il ne peut pas les obliger à entrer en médiation. Ensuite les personnes se décident après avoir été informées par le médiateur de la façon dont se déroule le processus.

Comment opère le médiateur ?

Thierry Chiron. On applique un certains nombres de techniques comme je l’ai dit tout à l’heure pour aider les gens à communiquer sur leur conflit. Au départ, les positions sont extrêmes, voire figées. Le conflit cristallise des situations dont on n’arrive pas à sortir sans une aide extérieure. Le médiateur est alors un facilitateur de communication. Les Chinois disent que le médiateur, « c’est l’homme du milieu, qui fait entrer la lumière ». Au fil des réunions, quand la confiance est créée, les positions évoluent et peuvent se rapprocher.

Comment l’avocat des parties, s’il y a intervention d’un avocat, est impliqué dans la médiation ?

Thierry Chiron. Les avocats ont une posture traditionnelle qui est celle de défendre leurs clients. Ils assument la position de ceux-ci, dans une certaine mesure en tous cas. Et toutes les formations que l’on a dans les universités sont basées sur la logique du procès, du conflit, de la procédure ! Le médiateur, aura pour mission de poser le cadre de la médiation tant pour les avocats que pour les parties et de rappeler qu’il n’est pas un juge et n’en a pas les pouvoirs : il expliquera aux avocats qu’ils sont bien entendu les bienvenus, mais qu’ils ont en médiation un rôle d’assistance, de conseil et non pas de représentation (les parties doivent obligatoirement être présentes) ou de plaidoiries. Les avocats peuvent poser des questions en cours de médiation pour favoriser l’accord. Mais il est important de retenir que le rôle central en médiation est tenu par les parties. Ensuite, si accord il y a, les avocats vont le rédiger (s’il n’y a pas d’avocat, les parties peuvent écrire elles-mêmes l’accord ou alors le médiateur fait un « relevé des constatations » qui est signé par les parties).

Que devient l’accord après la médiation ?

Thierry Chiron. L’accord a une valeur juridique, c’est un contrat. Il peut aussi avoir une valeur exécutoire. Les parties peuvent aller voir le juge, pour lui demander de l’homologuer afin qu’il ait la même valeur qu’un jugement.

Combien coûte une médiation ?

Thierry Chiron. Le médiateur est rémunéré par les parties. Cela peut être un taux horaire ou un forfait d’honoraires, cela dépend des enjeux. Aujourd’hui, le tarif usuel moyen à Dijon pour une médiation réunissant deux parties est de 200 € de l’heure HT, à partager entre les parties.

Pour contacter la compagnie des médiateurs en Bourgogne Franche-Comté :

contact@compagniedesmediateurs-bfca.fr
ou 06 63 43 88 39.