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La première fabrique à ADN de France est bisontine

Santé. Lundi 19 juin, la PME bisontine RD-Biotech inaugurait sa nouvelle unité de production d’ADN plasmidique, brique indispensable des médicaments de demain.

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Photo du bâtiment de RD-Biotech
(Crédit : JDP)

Créée en 2002 à Besançon par Philippe Dulieu, Jean-François Musard et Jean-Luc Schlick, trois chercheurs du laboratoire de biochimie de l’Université de Franche-Comté, la société RD-Biotech se dote de la première unité française de bio-production d’ADN plasmidique aux normes pharmaceutiques de Bonnes pratiques de fabrication (BPF).

Photo de la PME bisontine RD-Biotech
(Crédit : Olivier Perrenoud)

Les plasmides sont des petits fragments d’ADN circulaire indépendants présents dans les cellules bactériennes en plus de l’ADN chromosomique. Capables de se répliquer de manière autonome, ils sont utilisés en médecine pour insérer des morceaux d’ADN d’intérêt thérapeutique afin d’exprimer des protéines ou des ARN messagers.

C’est de cette brique élémentaire que découle les nouveaux traitements comme les vaccins à ARN Messager ou les thérapies cellulaires basées sur la modification génétique des cellules immunitaires lymphocytes T dans la lutte contre le cancer. La société RD-Biotech a commencé son aventure en proposant l’externalisation de la R&D pour le compte de clients de l’industrie pharmaceutique, notamment en immunologie et en biologie cellulaire. Puis, en 2004, ils se sont lancés dans la bio-production d’abord d’anticorps monoclonaux puis dans celle de cellules.

Plan de l'unité de production
(Crédit : JDP)

RD-Biotech était déjà la seule PME en France à préparer de l’ADN plasmidique pour des essais cliniques quand, un peu avant la crise sanitaire, elle réalise une analyse de marché en vue d’augmenter sa capacité de production. « Avant la Covid, il y avait peu de demandes en ARN messager. Avec l’essor des vaccins basés sur cette technologie, nous sommes passés d’une demande d’un dixième de gramme d’ADN à dix fois plus, voire 20 fois plus aujourd’hui. On compte actuellement plus de 700 projets de recherche liés aux thérapies à ARN messager dans le monde, explique Philippe Dulieu. Avec notre nouvelle unité, qui entrera en phase de production à la rentrée, nous serons en mesure d’offrir un service complet du design des plasmides à la livraison d’ADN plasmidique (jusqu’à 20 grammes), en passant par la réalisation de petits lots (un milligramme) pour les tests et la R&D ».

Six millions d’euros d’investissement

Le bâtiment qui vient d’être inauguré se situe juste à côté du siège de RD-Biotech au cœur de l’écosystème de la technopole Temis Santé qui intègre notamment le CHRU et l’Établissement français du sang (EFS). D’une superficie de 1.800 mètres carrés l’édifice a nécessité un investissement de six millions d’euros.

Photo de la PME bisontine RD-Biotech
(Crédit : Olivier Perrenoud)

« Nous avons été lauréat France Relance et dès l’amorçage de ce projet (R&D et étude de marché) nous avons reçu l’aide de la région. Le bâtiment a été réalisé en un temps record : seulement 21 mois de l’idée à la réception d’un outil pleinement opérationnel. Nous avons majoritairement fait appel à des prestataires locaux, développe Philippe Dulieu. Pour ce projet nous avons dû développer un process industriel inédit basé sur le « tout usage unique » qui offre gain de temps et sécurité car l’ADN n’est en contact qu’avec du matériel neuf qui est ensuite jeté. »

« Le nettoyage et la désinfection des outils s’en trouvent limités. Ensuite, nous avons dessiné un bâtiment autour de ce process. Nous l’avons imaginé modulable et extensible. Aujourd’hui deux unités de production sont équipées et nous avons la place pour créer deux autres unités et ainsi doubler voire quadrupler notre production. Actuellement les créneaux de production sont tels qu’un client peut attendre jusqu’à un an pour être livré. Demain, avec ce site on va pouvoir réduire considérablement ce délai. Le tout pour un coût maîtrisé ».

Avec ce nouveau site, la société RD Biotech, qui compte 45 employés sur Besançon et cinq sur Lyon, envisage la création d’une trentaine d’emplois supplémentaires dans les trois ans. « L’état a soutenu ce projet via France Relance car c’était une belle promesse et j’ai le sentiment aujourd’hui qu’elle est tenue », affirme Jean-François Colombet, préfet du Doubs. « RD Biotech est un démonstrateur que c’est ici que beaucoup d’autres sociétés de bio-production doivent s’installer », défend Anne Vignot, président de Grand Besançon Métropole et maire de la ville.

Photo de Marie-Guite Dufay
(Crédit : JDP)

« La réalité bisontine rejoint la stratégie nationale de reconquête de souveraineté notamment au niveau des médicaments. Il y a ici une configuration unique en France, née du croisement des microtechniques et de la santé. Il a également cet essaimage depuis l’université, la présence en un même lieu du CHRU et de l’EFS. Tout ceci ne se trouve pas forcément ailleurs et cependant, il y a urgence. Car si les start-up ne peuvent pas demain produire de manière industrielle, elles céderont aux sirènes de Genève ou du Canada. C’est pourquoi, nous disons à l’Etat qu’il doit nous aider à leur procurer les conditions de leur développement. Les moyens à mettre en place sont considérables mais ce qui se passe ici n’est pas un projet régional mais bien un projet d’enjeu national », appuie Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne Franche-Comté.