Le bâtiment s’approprie l’IA
Bâtiment. À première vue, les métiers du bâtiment relèvent plutôt du travail manuel que de l’intelligence artificielle. Pourtant, peu à peu, les entreprises du secteur ont recours à cette technologie.
« Production de plans, optimisation de la découpe de matériaux, meilleure programmation des interventions d’entretien, réalisation de scenarii selon les matériaux utilisés et le cycle de vie du bâtiment, etc. L’IA devient un outil incontournable pour l’ensemble de la filière du bâtiment et pourrait aider à décloisonner les métiers » explique Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment. À l’occasion de son premier festival, la FFB Bourgogne Franche-Comté avait mis l’accent sur l’innovation en donnant la parole à plusieurs témoins.
Pour les acteurs du bâtiment, l’intelligence artificielle invite à s’interroger sur la façon de l’intégrer dans des travaux qui restent manuels. Toutefois, peu à peu, le numérique montre tout son intérêt dans les pratiques avec les technologies 3D du BIM, building information modeling. « L’intelligence artificielle concerne l’ensemble du secteur, de l’amont à l’aval de l’acte de construire, et tous les métiers de l’entreprise, comme la comptabilité, l’organisation, la gestion des chantiers », souligne Cécile Mazaud, présidente de la commission innovation et transition numérique. Pour l’ensemble de la filière, l’IA se pose comme une opportunité à saisir pour gagner du temps. « On n’oppose pas les métiers de la main et l’IA ! L’IA doit être au service de l’humain », insiste-t-elle.
Gagner du temps, investir de l’argent
Membre de cette même commission, Laurent Baffy, dirigeant de l’entreprise de second oeuvre du même nom installée à Dijon, organisera, en septembre prochain, une réunion technique avec ses équipes pour leur montrer qu’en deux clics, Chat GPT peut leur faire gagner beaucoup de temps dans les usages. « Plutôt que de partir d’une page blanche, on a une ossature pour écrire un mail, une présentation ou encore un rapport. Ce qui peut prendre 20 minutes pour certains conducteurs de travaux qui maîtrisent moins le français ou l’administratif peut se faire en une minute. » La présidente de la commission alerte toutefois sur cet usage en particulier.
« Les données proviennent du travail de nos collaborateurs ; elles doivent revenir à l’entreprise. » Elle rappelle par ailleurs que l’IA intervient dans de nombreux autres usages du bâtiment : « Elle peut alerter sur un problème de sécurité ou de tri des déchets, intervenir comme une aide à la décision à partir de scenarii en amont d’un chantier, comparer des options dans la conception d’un projet comme le choix des matériaux, dans un objectif de transition écologique. »
Conscientes que les majors du bâtiment investissent dans cette technologie, les PME n’ont pas les ressources financières ni humaines d’en faire autant et d’aller au même rythme. « Il faut faire un état des lieux de la donnée, de sa localisation et sa pertinence pour l’optimiser avec des automatismes et éviter de reprendre des éléments redondants », souligne Jean-Louis Albizzati, dirigeant de l’entreprise homonyme du Territoire de Belfort. Bien sûr, toutes les entreprises n’ont pas les moyens d’intégrer un data scientist en interne mais l’IA reste pourtant accessible.
« Le frein financier sert d’alibi, il y a des dossiers assez simples pour trouver du soutien », rappelle Jean-Louis Albizzati. Comme tout projet d’entreprise, l’intelligence artificielle mérite d’être étudiée afin d’en évaluer le retour sur investissement possible. « Il nous reste des choses à faire, sur les études de prix pour commencer car on utilise toujours les mêmes données. On a commencé par le plus facile et le moins cher, on ne va pas tout révolutionner tout de suite. » Laurent Baffy constate toutefois déjà les économies réalisées quand deux tiers des forces vives de son entreprise gagnent de précieuses minutes. « Ramené aux nombres de salariés et au temps gagné chaque semaine, ça fait plusieurs heures consacrées à faire autre chose. »
Une solution pour tous
Sans être en retard sur le sujet, les acteurs du bâtiment doivent trouver la solution adaptée à leur activité. « Il n’y a pas des solutions d’IA sur une étagère dans lesquels on piocherait. L’objectif n’est pas d’utiliser l’IA pour l’utiliser. Cela doit être fait de façon optimum et demande une certaine appétence du chef d’entreprise pour se lancer. Le frein, c’est surtout celui du changement, constate Jean-Louis Albizati. Certains vont plus vite que d’autres ! » Réticent quand on lui a parlé de cet outil, Laurent Baffy se transforme peu à peu en ambassadeur de l’intelligence artificielle. « Tant qu’ils ne l’ont pas essayée, les gens sont sur la réserve et dubitatifs mais il y a de l’efficacité, on gagne du temps. De toute façon, on va devoir s’y mettre donc il vaut mieux sauter le pas de manière raisonnée plutôt que de faire de la résistance. »
À travers sa commission, la FFB mène un travail d’acculturation pour démystifier le sujet auprès de ses adhérents et leur montrer que contrairement aux idées reçues, l’IA est aussi pour eux. « Nous sommes à l’écoute de ce qui se fait. L’intérêt consiste à partager avec ceux qui ont utilisé une solution pour résoudre une problématique » résume Laurent Baffy.