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Le Medef dit stop à la concurrence déloyale du travail transfrontalier

Emploi. Le Medef a initié une « mission flash » sur le travail transfrontalier. Emmanuel Viellard, président du Medef Territoires Franc-Comtois qui pilote le groupe de travail nous en dit plus.

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Photo d'Emmanuel Viellard
Emmanuel Viellard, président du Medef, Territoires Franc-Comtois, également directeur général du groupe Lisi à Grandvillars (90). (Crédit : JDP)

Selon une dernière étude de l’Insee, la France est le pays membre de l’UE qui compte le plus grand nombre de travailleurs transfrontaliers. Celui-ci en compte près de 450 000. Un chiffre qui a doublé en 20 ans et augmenté d’environ 22% depuis 2015. La Suisse accueille à elle seule près de la moitié des travailleurs transfrontaliers français.

Cette mobilité helvète des travailleurs français pénalise les entreprises françaises, car celles-ci perdent des compétences ou des jeunes talents qu’elles ont souvent formés et de surcroit elles n’arrivent plus à combler les postes vacants. « Principalement motivée par une attractivité des salaires, notamment en Suisse ou les rémunérations font partie des plus élevées au monde, cette dynamique se traduit également par une perte de contribution à la richesse nationale d’une main-d’œuvre motivée et bien formée dans nos lycées et dans nos universités, ainsi qu’au financement de l’assurance sociale. Le déficit de l’assurance chômage a par exemple été aggravé de 8,4 Mds€ sur 10 ans, en raison du travail transfrontalier. De même, la pression frontalière fait naître des difficultés majeures d’accès au logement », explique Emmanuel Viellard, président du Medef Territoires Franc-Comtois.

« Clairement, nos entreprises doivent faire face à une concurrence totalement asymétrique, liée à une distorsion du salaire net, aussi par des contributions salariales et patronales bien plus avantageuses. Ce sont évidemment des facteurs légitimes d’agacement et d’inquiétudes pour les entrepreneurs francs-comtois ».

C’est pourquoi, le Mouvement des Entreprises de France, a initié une « mission flash » sur le travail transfrontalier qui a été transmise aux élus locaux et au gouvernement. Emmanuel Viellard en pilote le groupe de travail qui a été constitué pour élaborer des recommandations. « Elles visent bien sûr à garantir une mobilité professionnelle à toute personne qui le souhaite, mais dans un cadre de concurrence équilibrée entre la France et ses pays voisins. Aujourd’hui la Suisse est dans une dynamique de croissance qui augure un besoin de main-d’œuvre de l’ordre d’un million de personnes à l’horizon 2030 (en croissance de 7 à 8 % par an), le tout au détriment des entreprises françaises. Un déséquilibre accentué par la règlementation européenne en vigueur encadrant la coordination entre la France et ses pays frontaliers sur les dimensions sociales (assurance chômage, assurance maladie, cotisations sociales...). Cette règlementation autorise notamment certains “effets d’aubaines” préjudiciables à l’équilibre financier de nos régimes sociaux. Ainsi, cette situation ne peut perdurer. Il convient de revoir certains mécanismes règlementant les sujets sociaux afin de ne pas encourager la fuite des travailleurs français vers les pays frontaliers ».

Mettre fin aux effets d’aubaine

Sur le chômage, quand ils perdent leur emploi, les travailleurs frontaliers sont pris en charge par leur pays de résidence. Or, les cotisations elles sont perçues par le pays où le travailleur frontalier exerce son activité et non par le pays qui verse l’indemnisation. Pour compenser le manque de cotisations perçues, les pays où exercent les travailleurs frontaliers remboursent une partie de l’indemnisation perçue par les allocataires à la France. La Suisse rembourse ainsi à la France jusqu’à cinq mois d’indemnisations après 12 mois de travail dans les 24 mois. Dans les faits, a durée d’indemnisation des frontaliers dépasse en moyenne largement les cinq mois.

En 2023, 75.000 allocataires étaient indemnisés avec un droit frontalier représentant un surcoût pour l’Unedic lié aux frontaliers de -775 M€. Depuis 2018, le solde est négatif en moyenne de 800 M€ par an. « Pour mettre fin à ce cadeau fait aux entreprises suisses, nous proposons d’instaurer un principe simple “État d’emploi = État qui verse les prestations” et en préalable à sa mise en place nous demandons l’intensification des contrôles sur la recherche d’emploi des chômeurs transfrontaliers afin d’éviter les effets d’aubaine qui voit les salariés ».

Sur l’attractivité des salaires (en moyenne, la rémunération brute suisse est supérieure de 75 % à celle proposée en France, avec un taux de charges salariales de 10 à 15 % en Suisse, contre 23 % en France), le Medef demande l’application d’un régime social dérogatoire, plus favorable que le droit commun, en région transfrontalière. « Ceci pourrait prendre la forme d’un dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales ciblé, dont le montant serait modulé en fonction d’un barème prenant en compte les spécificités de chaque zone et secteur, à l’instar de ce qui existe en l’état pour le dispositif “Lo-déom” ».

Sur le volet assurance maladie, le syndicat souhaite mettre fin au fait que les salariés transfrontaliers dont le conjoint a un emploi en France bénéficient de manière automatique - en leur qualité d’ayant-droit - des contrats d’assurance complémentaire santé (ou mutuelles) de celui-ci, dès lors qu’ils sont susceptibles de bénéficier d’une complémentaire santé qui leur est propre.