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Maison laGrange : une affaire de famille... et bien plus

Haute-Saône. À Marnay, Maison laGrange déploie son expertise de l’élaboration de recettes d’infusions et de thés, ainsi que de la torréfaction (certifiée MOF) de cafés haut de gamme. Une boutique et la "manufacture" abritant la production, le conditionnement et la logistique de ces marchandises témoignent du succès de la SAS fondée par Vincent et Barbara Ballot qui souhaitent la faire reconnaître comme "entreprise à mission" et rejoindre le club des entreprises du patrimoine vivant.

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Photo de Barbarat Bassot
Barbarat Bassot : « Nous ne voulons pas grossir mais grandir » (Crédit : Crédits : Christophe Fouquin pour Maison laGrange / Sylvain Neitthoffer pour Maison laGrange / JDP)

Pour qu’une entreprise s’inscrive dans le temps et l’espace, il ne suffit pas d’une bonne idée - le nombre incommensurable de start up mortes avant d’avoir vécu peut en témoigner- mais aussi, et peut-être surtout, un alignement sans faille des valeurs de ses dirigeants avec celles qui sous-tendent l’entreprise en question. C’est en tout cas la conviction de Barbara Ballot, cofondatrice avec son mari Vincent de la SAS qui rayonne aujourd’hui dans le petit village de Marnay, en Haute-Saône (environ 1.500 habitants) sous le nom commercial de Maison laGrange.

Rechercher l’excellence

Tous deux enfants du pays auquel ils sont très attachés - un engagement concrétisé par un mandat de maire de la commune pour lui, un mandat de députée de la Haute-Saône entre 2017 et 2022 pour elle - Vincent et Barbara débutent l’histoire de ce qui deviendra Maison laGrange en 1996. Vincent, agent commercial débordé par le succès - il importe en France le sucre en bûchettes - est rejoint par Barbara, et rapidement au sucre s’ajoute le commerce de cafés, thés et tisanes. Mais pas question de mégoter : Vincent se prendra de passion pour la torréfaction de cafés au point de devenir en 2018 le premier Français Meilleur ouvrier de France de la discipline ; quant à Barbara, formée au secret du thé et des infusions auprès d’un « nez », elle va passer d’un premier négoce de 15 m² à l’aménagement d’un corps de ferme acheté aux enchères qui inspirera quelques années plus tard le nom de la marque.

  • Photo de Vincent Ballot
    Vincent Ballot, MOF torréfacteur. (Crédit : Christophe Fouquin pour Maison laGrange / Sylvain Neitthoffer pour Maison laGrange / JDP)
  • Photo de Jeanne Neitthoffer
    Jeanne Neitthoffer, la fille du couple et responsable des ventes durant un cérémonial du thé. (Crédit : Christophe Fouquin pour Maison laGrange / Sylvain Neitthoffer pour Maison laGrange / JDP)

« Je n’avais plus envie de jouer à la marchande », expédie-t-elle en parcourant ce qui est devenu une alléchante boutique aménagée par un architecte dans l’esprit d’une épicerie fine où s’exposent plus de 2.000 références de cafés, thés et infusions, mais aussi de produits gourmands d’autres maisons et d’accessoires pour préparer ou servir le thé ou le café, sélectionnés pour correspondre à ce qui guide le couple : offrir du haut de gamme tout en restant abordable.

Sourcing et torréfaction à COL MOF

C’est à quelques kilomètres de là, dans la zone d’activités économiques de la commune, que Barbara et Vincent Ballot ont concrétisé cette ambition. Dans le bâtiment de 800 m² (1,7 M€ investis), baptisé La Manufacture, Vincent Ballot déploie son expertise du café, depuis le sourcing (productions familiales, cueillette à maturité, circuit équitable où les producteurs fixent leur prix...), et Graal du torréfacteur, une machine signée Loring de plusieurs dizaines de milliers d’euros où s’élabore le secret des grands cafés de spécialité : une torréfaction lente (20 mn pour 35 kilos de grains de cafés préservant les huiles essentielles quand les géants mondiaux du secteur brûlent les leurs par tonnes en 90 secondes), des assemblages minutieux écoulés à raison de 20 tonnes à l’année - l’ambition étant de monter rapidement à 80 tonnes.

Plus loin, on pénètre dans une « biblio-thé-que », un mur entier proposant les 90 références de thés et infusions imaginées par Barbara, (rejointe depuis 2018 par sa fille Jeanne), qui envoient joyeusement balader l’univers de la tisane à mamie pour la pimper en inventant des mélanges aussi bons que beaux, insolites et gourmands, chacun racontant une histoire : l’infusion Si t’es sage contient des minis bonbons, le thé noir Mon beau sapin offre des sapins en sucre aromatisés à la sève de sapin ou Silence ça tourne mêle du vrai pop-corn à la pomme, la papaye et l’amande... Quant aux trois enfants du couple (Jeanne, Armand et Marius), ils ont chacun leur mélange.

Des valeurs comme socle

Tous ces thés et infusions sont présentés, à la manufacture comme à la boutique ou chez les quelque 400 revendeurs, dans des contenants métalliques arborant en façade une boîte ronde vitrée aimantée exposant le contenu ; les sachets exposant lisiblement les compositions ainsi que les conditions optimales de préparation sont réutilisables. Un packaging là aussi créé par Barbara et protégé.

  • Photo des grains de café torréfiés
    Les grains de café sont torréfiés en douceur "au premier craquement" pour conserver les huiles essentielles. (Crédit : Christophe Fouquin pour Maison laGrange / Sylvain Neitthoffer pour Maison laGrange / JDP)
  • Photo des thés et infusions Maison laGrange
    Les thés et infusions Maison laGrange font oublier les "pisse-mémères" sans saveur. (Crédits : Christophe Fouquin pour Maison laGrange / Sylvain Neitthoffer pour Maison laGrange / JDP)

Le succès de la holding BVB comprenant l’activité spécifique de Maison laGrange, qui emploie aujourd’hui une douzaine de personnes avec un chiffre d’affaire d’un peu plus de 2,3 M€ en 2023, repose également sur de la production à façon en marque blanche, du négoce de café pour le compte d’un torréfacteur belge, des formations au café et à la tisanerie, la croissance externe avec le récent rachat de la marque Herbatica, tisanerie référencée auprès du centre des monuments nationaux et vendue dans les châteaux, musées... Barbara rêve aussi d’un prolongement de l’esprit gourmand de laGrange dans l’univers des chambres d’hôtes, d’un salon de thé, de pâtisseries et de chocolats élaborés avec l’exigence qui a guidé l’expansion de l’entreprise.

Mais à n’évoquer qu’une stratégie commerciale et un marketing bien pensé ainsi qu’un sourcing soigné, on passerait sûrement à côté de l’essence de ce qui fait Maison laGrange, ce « capitalisme moderne » assumé par Barbara, qui ne conçoit pas la montée en puissance de son entreprise sans le bien-être et l’épanouissement de ses salariés, un business model ancré dans la famille - même si, au vu des tempéraments de chacun, elle reconnaît que « parfois, ça frotte fort ! » ainsi qu’un attachement profond au développement du territoire : « Nous ne voulons pas grossir mais grandir. Sinon, nous ne serions pas restés ici ! Le chemin est plus long et plus rude, mais plus passionnant ». La maison est d’ailleurs sur le point de déposer des dossiers pour être labellisée Entreprise du patrimoine vivant et Entreprise à mission. « Être fier et faire sens au travers de ce que l’on propose, c’est cela, conclut Barbara, qui fait notre engagement ».