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Maty : toujours un temps d’avance

Doubs. Le mercredi 18 septembre, Maty inaugurait son musée : véritable machine à voyager dans le temps permettant d’explorer, sur plus de 70 ans, la riche histoire d’une entreprise familiale bisontine iconique, qui a su s’adapter à un marché en perpétuel changement.

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  • Photo des locaux de Maty
    (Crédit : Maty)
  • Photo d'une des créations de Maty
    (Crédit : Maty)
  • Photo d'un anneau Maty
    (Crédit : Maty)

Depuis trois générations, Maty met son savoir-faire de bijoutier-horloger français au service de la création de bijoux faits de matériaux nobles, sans concession sur la qualité, et adaptés à tous les budgets. Créée en 1951, cette entreprise familiale appartient à la holding Gemafi, détenue à 100 % par les quatre enfants du fondateur Gérard Mantion qui détient également à 100 % l’entreprise de fabrication de bijoux SFM et la société de SAV et de réparation EBS. Maty affiche un chiffre d’affaires de 100 M€, emploie 500 salariés équivalents temps plein, réalise 9 % d’excédents bruts, et possède 50 M€ de capitaux propres, pour un endettement inférieur à 3M€.

Depuis sa création, Maty a toujours su faire preuve d’innovation et d’adaptation à un marché du bijou très changeant. « Ce marché, très fragmenté et non brandé (sans marque, Ndlr), pèse 6,5 Mds €, soit la moitié du marché du meuble, avec une répartition de 65 % pour les bijoux et 35 % pour les montres. La moitié du chiffre est réalisée par le luxe. Stable depuis 2015, le secteur a connu une importante réduction du nombre de bijoutiers indépendants de 14 000 en 1977, il n’en restait plus que 3 000 en 2018. Ce phénomène s’est accompagné de l’émergence de chaînes de succursales en entrée de gamme comme Leclerc, Marc Orian ou Histoire d’Or... », argue André Ségura, président du directoire de la société Gemafi.

Un ADN de pionnier

Première entreprise française de vente directe d’horlogerie, Maty se lance, dès 1961, dans la vente par correspondance de montres puis de bijoux. Le démarrage est fulgurant et en 1978, la famille Mantion décide de concevoir en interne ses pièces : c’est la création de la Société française de manufacture (SFM). Maty devient numéro un européen des sociétés de fabrication et de vente de bijoux à distance.

C’est encore aujourd’hui l’un des quatre plus gros fabricants de joaillerie en France. Maty conçoit et fabrique 100 % de ses collections. Quelque 105 personnes travaillent dans les ateliers de la SFM et 18 corps de métiers y sont représentés. La SFM est le premier fabricant de bijouterie diamant, spécialiste notamment des alliances diamants. Dans ce domaine, la marque bisontine a été pionnière en France en lançant, dès 2018, une collection de bijoux parés de diamants synthétiques... Plus de 230 000 produits sortent chaque année des ateliers Maty, notamment à destination de 300 détaillants haute bijouterie et joaillerie indépendants, et groupements nationaux, ainsi que pour les grandes maisons de la place Vendôme.

« Nous avons développé une stratégie globale autour du bijou : de la conception à la réparation, en passant par la fabrication. La SFM possède son propre bureau d’étude permettant réactivité et adaptation aux contraintes de l’usinage. Nous sommes un des rares fabricants au monde à usiner la totalité de nos bijoux sur des machines à commandes numériques. Nous nous distinguons par nos performances dans le travail du platine, l’un des métaux les plus exigeants en termes d’usinage », développe Frédéric Mantion, fils du fondateur de la marque Maty. Le fait d’avoir ainsi très tôt cumulé à l’activité de vente en catalogue celle de la fabrication de bijoux, notamment en direction du BtoB, a offert à Maty une bonne complémentarité des cycles, dans un marché très dépendant de la saisonnalité. En 2014, Maty repense totalement sa plateforme logistique.

Baptisée Mercure, celle-ci a nécessité un investissement de 4 M€ et permis le traitement concomitant des flux de prélèvements - issus des commandes web clients (BtoC), magasins (réassort) et BtoB - avec ceux du stockage. Résultat : un gain de réactivité qui permet de livrer 5 000 colis par jour dans toute la France avec des pics à 10 000 colis par jour, lors des fêtes de fin d’année notamment. En 2000, Maty comprend tout le potentiel du web et s’affiche en pionnier avec la création d’un site internet de vente de bijoux. En 2018, c’est la mise en place de la première market-place de bijoux avec 67 marques partenaires (essentiellement sur gamme fantaisie).

Économie circulaire

Innovation encore avec le lancement en 2021 d’une activité de bijoux d’occasion en ligne. Ils sont alors les seuls à le faire, répondant en cela parfaitement aux tendances actuelles de la société. « Après rachat, en salle des ventes ou via le réseau des boutiques Maty, nous nous occupons de la réparation et de la restauration, de la prise des photos, puis de la vente en ligne et en boutiques façon antiquaire. Ce type d’opération nous offre une image de proximité avec notre clientèle : nous répondons aux recherches vintages des clients, tout en leur apportant la garantie de l’expertise d’un bijoutier, via notre laboratoire d’authentification interne. Cette offre est née à Besançon, il y a 20 ans, puis nous l’avons déployée l’année dernière sur notre site internet et dans un quart de nos boutiques en France. Cela représente pour nous un véritable levier de croissance : 10 % des ventes totales, dont 5 % sur internet », explique André Ségura. Dans le cas spécifique des bijoux en or, lorsqu’ils ne sont pas vendables en seconde main, nous les fondons afin d’alimenter notre chaîne de production.

Cet apport en économie circulaire représente 20 % des besoins de notre société. Maty compte un million de clients actifs (dont 210 000 nouveaux chaque année) avec une moyenne d’âge de 46 ans. Ce sont à 71 % des femmes, urbaines pour 64 % d’entre elles. Le panier moyen est de 145 €, « ce qui est très au-dessus de nos concurrents ». Avec 40 % du chiffre d’affaires réalisé sur le web, l’entreprise bisontine est leader de la vente en ligne, ce qui lui a notamment permis de bien résister pendant la Covid. À cela s’ajoutent 50 % de vente en magasin et 10 % sur catalogue et par téléphone.

Maty s’offre Cresus

Maty poursuit également sa politique d’ouverture de magasins. La société compte aujourd’hui 40 boutiques au look récemment totalement repensé pour gagner en visibilité. « Même si 50 % du chiffre d’affaires est réalisé hors des magasins, la nécessité du maintien des boutiques n’est plus à démontrer. Environ 95 % du SAV passe par les bijouteries. La boutique offre la proximité et le conseil recherché par les clients, cela dope les ventes en ligne. Notre objectif est de doubler notre réseau d’ici à cinq ans pour atteindre la soixantaine de boutiques en France. Nous prévoyons entre quatre à cinq nouvelles ouvertures cette année, sources de futurs recrutements, avec une volonté de développement en nom propre et en affiliation. Notre premier affilié a ouvert fin avril 2022 à Pontarlier », rappelle le président du directoire. Sur ce modèle de franchise, Maty innove encore : « Maty porte le stock, l’affilié reste propriétaire et bénéficie de la puissance de Maty. À chaque vente de produit de notre marque, il touche une commission. Nous reprenons également les invendus. Ceux-ci sont recyclés ou revendus en occasion : c’est un modèle vertueux et assez unique dans le monde de la franchise. Ce type de solution nous permet de nous développer sur des petites communes où nous ne serions pas forcément allés. Avec ce système, nous allions la puissance d’un groupe à l’agilité d’un indépendant ».

Après avoir testé en 2021 un partenariat avec Cresus, le leader en France de la vente de montres d’occasion haut de gamme en ligne - qui se matérialisait par la présence, dans six boutiques Maty, d’un corner de montres de luxe d’occasion pouvant aller jusqu’à la Rolex - Maty a souhaité franchir une étape supplémentaire avec le rachat, en août de cette année, de l’entreprise. « L’idée était pour nous de revenir aux sources mêmes de Maty, née dans le berceau de l’horlogerie français et de reprendre la main sur la montre de luxe, tout en restant fidèle à notre devise de rendre le précieux accessible », affirme André Ségura. Sur les cinq boutiques Cresus, deux resteront sous leur bannière d’origine à Lyon et Bordeaux, celle de Paris ferme et est intégrée à notre magasin Maty de la place de l’Opéra. Enfin, les deux dernières, à Lille et dans le Sud de la France, de taille trop petite, ne seront pas maintenues. Par ailleurs, le service de e-commerce de Cresus est conservé, faisant de Maty, avec sa propre offre de bijoux d’occasion, le leader de la seconde main en ligne en bijouterie et montre de luxe.