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Moresk a négocié avec art le virage de l’excellence

Yonne. Il y a plus de 20 ans, Frédéric Marcucci décidait de faire évoluer l’entreprise Moresk vers l’excellence en patrimoine bâti en y intégrant la rénovation d’édifices historiques.

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Photo de Frédéric Marcucci
Techniquement à la retraite, Frédéric Marcucci ne se résoudra à passer la main qu’à un repreneur aussi investi qu’il l’est pour Moresk. (Crédit : JDP)

Dans un monde en constante évolution, certaines traditions traversent les siècles sans prendre une ride. Métier d’art et de précision, véritable trésor du patrimoine français, la taille de pierre est perpétuée avec passion par l’entreprise Moresk. Ce virage décisif, Moresk le doit à Frédéric Marcucci, qui, en 2004, n’envisageait pas de reprendre l’entreprise sans en faire un acteur engagé dans la préservation du patrimoine historique. Le dirigeant se souvient encore de ses premiers chantiers : les façades de l’Orangerie de Sens, il y a 35 ans, ou encore l’église de Mercy, puis la maison Saint-Vincent-de-Paul à Joigny, cette fois sous la nouvelle enseigne.

Taille humaine et ambitions solides

L’entreprise Moresk évolue dans un environnement concurrentiel où les quelques poids lourds du secteur comme Léon Noël occupent solidement le terrain. Face à ces structures, Frédéric Marcucci revendique pourtant un positionnement différent : celui d’un artisan indépendant, ancré localement, porté par une équipe de vingt salariés. Une entreprise à taille humaine, qui préfère miser sur la qualité du geste et la maîtrise des matériaux plutôt que sur la course aux volumes. Cette philosophie se retrouve sur des chantiers emblématiques, comme la restauration du « vieux pont » de Pont-sur-Yonne, en 2022.

Pour lui, la taille de pierre ne s’improvise pas, elle s’exerce avec patience et précision. C’est le travail de matériaux nobles (pierre, brique, tuiles) dont l’approvisionnement peut prendre du temps : jusqu’à huit semaines pour certaines pierres. Avec un chiffre d’affaires de 1,6 M€ par an, Moresk reste un acteur solide, capable d’intervenir rapidement sur l’ensemble du territoire icaunais, mais aussi dans l’Aube et en Seine-et-Marne. Une réussite qu’il attribue à une stratégie d’anticipation bien rôdée : gestion rigoureuse des stocks, notamment de chaux, et une vision claire des besoins du terrain. « Comme dit le proverbe : gérer, c’est prévoir », ajoute l’entrepreneur. Moresk comptabilise une vingtaine de chantiers entre 2023 et 2024 dont le musée-jardin Bourdelle d’Egreville, une dizaine d’églises mais également des travaux de maçonnerie chez des particuliers. Certains sont encore en cours. Toutefois, si la restauration du patrimoine est « plus valorisante intellectuellement », Frédéric Marcucci insiste sur la nécessité de rester accessible à tous les publics.
Frédéric Marcucci ne se fait guère d’illusions sur l’avenir du métier de tailleur de pierre, « en voie de disparition, hormis dans les grandes villes ». Pourtant, il continue de croire en sa transmission.

Plus qu’un métier, une philosophie

L’entreprise Moresk accueille encore trois apprentis cette année, probablement formés au Lycée des Marcs d’Or à Dijon, le seul établissement de Bourgogne Franche-Comté à proposer cette spécialité. Lui-même s’est formé auprès de professionnels dans les années 1980, initié à la rénovation par son oncle et sensibilisé aux exigences du patrimoine au contact de grands architectes. Il dirige ensuite pendant dix ans la filiale d’une entreprise parisienne à Saint-Valérien en tant que conducteur de travaux. Au-delà de la perspective de carrière, le métier est pour lui une véritable vocation : « c’est un peu une philosophie, on ne peut pas se lancer comme ça », confie-t-il. Et bien qu’administrativement à la retraite depuis cinq ans, Frédéric Marcucci ne se résoudra à céder son entreprise qu’à la seule condition de trouver le bon repreneur, animé de la même passion et du même respect pour cette profession ancestrale.