Nogent coutellerie : une reprise... et un plan stratégique aiguisé
Côte-d’Or/Haute-Marne. Le côte-d’orien Aymeric Géant est le récent repreneur de deux maisons emblématiques : Guillouard (44), spécialiste d’articles pour la maison et le jardin ainsi que la coutellerie Nogent, située en Haute-Marne. Pour l’ancien entrepreneur passé chez Peugeot saveurs, cette dernière, labellisée entreprise du patrimoine vivant, recèle des leviers de croissance importants : premiumisation des produits, élargissement des gammes, ouverture à l’international...
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Lorsqu’il s’est mis en quête d’une entreprise à reprendre, Aymeric Géant avait une liste bien précise de critères : « une entreprise déjà structurée, car sinon j’allais être complètement accaparé par l’opérationnel, dans le monde des arts de la table ou de la gastronomie car ce sont des univers que je connaissais - il a notamment travaillé dans la maison Boisset et a passé dix années comme directeur commercial chez Peugeot saveurs, Ndlr - et dans un rayon d’une heure de demie de mon domicile pour que cela reste gérable ». Il lui faudra des mois pour trouver la pépite, un laps de temps pas inutile car une reprise ne s’improvise pas : « C’est tout un travail de constituer un réseau susceptible de vous mettre en présence de cédants potentiels, confirme Aymeric Géant. Car les offres de reprise restent souvent très discrètes. » Syndicats patronaux, clubs d’affaires, CCI, banques, avocats d’affaires... régulièrement, Aymeric Géant se rappelle aux bons souvenirs de ses contacts et le 29 janvier 2024, il rencontre MBA Capital, un cabinet spécialisé dans la cession-acquisition. C’est à eux qu’Éric Sirvin, propriétaire de la coutellerie Nogent, labellisée EPV, et de l’entreprise Guillouard (spécialiste d’articles pour la maison et le jardin) a donné mandat pour trouver un repreneur à ces deux vénérables maisons, nées respectivement en 1923 et 1911. En avril, Aymeric Géant et Éric Sirvin se rencontrent. Dans l’intervalle, le potentiel repreneur est invité à se rapprocher d’un fonds d’investissement « parce que vraisemblablement, la cible sera plus importante que ce que je peux acquérir seul ». Un fonds (UI Investissement) et un pool bancaire croient au dossier. Et le 28 janvier 2025, soit presqu’un an jour pour jour, les deux hommes officialisent la reprise. Aymeric Géant ne souhaite pas communiquer précisément sur le montant sinon pour dire « qu’il est à moins de 10 M€ », quand le chiffre d’affaires cumulé des deux maisons s’établit à 5 M€. Mais de ce côté, le nouveau dirigeant voit loin et voit grand.
C’est depuis les locaux de Biesles (Haute-Marne), à 1h20 de son domicile côte-d’orien, siège social des entreprises Guillouard et Nogent et site de fabrication de la coutellerie, qu’Aymeric Géant entend déployer un plan stratégique qui s’appuie à la fois sur les valeurs et les histoires des deux maisons. La coutellerie Nogent notamment possède, il en est convaincu, des leviers de croissance importants.
Plusieurs Leviers De Croissance
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Le premier est l’internationalisation. L’entreprise réalise actuellement entre 15 et 18% de son chiffre d’affaires à l’international, alors que les entreprises de ce secteur font souvent entre 50 et 70% à l’export. Déjà présents surtout en Europe, les couteaux et articles de cuisine siglés Nogent ***, pourraient attaquer les marchés de la Scandinavie, du Royaume-Uni, de l’Italie, de l’Espagne ou de la Grèce dans un premier temps, avant de traverser les mers pour trouver les marchés américains et asiatiques. « Idéalement, souligne Aymeric Géant, l’objectif est que l’export représente 40% du chiffre d’affaires à sept ans ».
Deuxième levier, l’ouverture aux professionnels de la restauration, ce qui permettra d’augmenter le chiffre d’affaires dans le domaine de la cuisine et des couverts de table. Un réseau également prescripteur, estime le dirigeant. « Quelqu’un d’un peu gourmet, qui se reconnaît dans l’univers de ces beaux établissements est rassuré et peut se dire : j’ai envie d’avoir les mêmes couteaux que ce chef. » Un secteur qui réclamera une montée en gamme des produits : « Ce qu’on appelle une “premiumisation” de la marque, confirme Aymeric Géant. Il ne s’agit aucunement de casser ce qui fonctionne, mais de monter en gamme avec de nouveaux matériaux, de nouveaux coloris, de nouveaux emballages, un nouveau message. »
Troisième levier, une présence accrue dans les boutiques spécialisées dans l’équipement de la maison et de la cuisine, tout en maintenant la présence de la marque dans les foires et salons pour aboutir à une augmentation notable du chiffre d’affaires à échéance sept à huit ans.
Recruter Et Moderniser
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Pour asseoir une telle ambition, Aymeric Géant prévoit plusieurs évolutions au sein de l’organisation. D’abord, muscler les équipes commerciales à l’export ainsi que dans le marketing produit pour répondre aux exigences de premiumisation et de présence sur les marchés internationaux. De 30 collaborateurs aujourd’hui, il espère « à moyen terme » intégrer jusqu’à une dizaine de personnes supplémentaires. Ensuite, moderniser le parc machines. « On est sur un outil qui a son âge, qui n’est pas très automatisé même si des choses ont été faites, reconnaît Aymeric Géant. Monter en volumes, cela va signifier faire des investissements sur ce terrain, qui devront s’enclencher avec la montée du chiffre d’affaires ». Enfin, si l’Intelligence artificielle est déjà testée pour transformer une demande en commande - et même si, fraîchement arrivé, Aymeric Géant réclame un peu de temps pour avoir le recul nécessaire - il est persuadé que l’IA aura à l’avenir toute sa place dans le process. « Durant les 16 mois où j’ai cherché une entreprise à reprendre, j’ai aussi participé à plein de séminaires sur l’IA dans la production, dans l’industrie, dans le marketing, dans le commerce… Dans tout ce qui va être création de produits, de design, l’IA peut aider. Ça ne supprime pas l’humain, ou le designer, ou l’artiste mais ça va faciliter les choses, ça permet de gagner du temps, ça ouvre l’esprit. Donc, clairement on fera avec. »
L’avenir appartient donc à la coutellerie haut-marnaise qui, outre son passé et le savoir-faire unique de ses opérateurs - il faut pas moins de 42 opérations pour aboutir à un couteau de la gamme Expert ! - peut également s’enorgueillir des actions fortes en termes notamment d’impact environnemental.
La Rse à Formaliser
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Certaines gammes de la marque sont en effet biosourcées, le bois provient de marchés locaux et/ou certifiés PEFC, les déchets de bois sont collectés et alimentent un réseau de chaleur urbain... Aymeric Géant devrait recevoir dans quelques semaines les résultats d’une étude qui avait été commandée par l’ancienne direction sur l’impact carbone de l’usine, une autre étude a été réalisée pour équiper les 10.000 m2 des bâtiments de Biesles de panneaux photovoltaïques. Une politique RSE qui ne dit pas son nom et méritera très vite d’être formalisée et intégrée dans la stratégie globale de l’entreprise, assure le dirigeant, bien conscient que cela peut être un élément différenciant pour recruter les talents dont la coutellerie va avoir très vite besoin pour réussir son plan de croissance.