Pôle biomasse des Hautes-Côtes cherche un investisseur
Côte-d’Or. Après un sinistre en 2024 qui lui a fait perdre 13.000 tonnes de matière, la société spécialisée en bois énergie a dû entamer ses stocks en grevant sa rentabilité. Aujourd’hui en redressement judiciaire, elle compte sur ses contrats et sa réputation pour rebondir.
Le 27 septembre 2024, un incendie se déclare à Chambœuf, sur la plateforme de stockage de bois de Pôle biomasse des Hautes-Côtes. Le feu est dû à la fermentation des bois verts. « Or septembre est l’époque où les stocks sont au plus haut parce que la saison est préparée, précise Kevin Roussel, l’un des co-gérants de l’entreprise. 13.000 tonnes de matière sont partis en fumée, c’est-à-dire 800.000 € en valeur. » L’incendie est aussi le début d’un engrenage fatal qui a vu une société florissante être placée en redressement judiciaire le 7 octobre dernier.
Choix stratégiques payants
Créée en 1994 par Christian Roussel, père de Kevin et autre co-gérant, la société se spécialisait à l’origine dans le débroussaillage et l’entretien de bordures forestières. En 2008, elle se tourne vers les marchés émergents de bois énergie et devient en 2012 après la revente de ses activités premières, fournisseur de plaquettes forestières pour alimenter des chaufferies individuelles, collectives et des réseaux de chaleur urbains. La même année, elle obtient son premier gros contrat de 24 ans sur Dijon, ce qui stimule son développement. Elle a également fait un choix stratégique en transformant la matière première, le bois fourni par des exploitants forestiers, sur une plateforme, à rebours de ses concurrents, « qui font ce qu’on appelle du direct forêt, détaille Kevin Roussel. Le problème de ce modèle-là, c’est qu’on ne gère pas le climat, donc quand il pleut, c’est beaucoup plus compliqué d’aller exploiter en forêt. La plateforme coûte plus cher sur le transport mais permet de gérer le taux d’humidité, or c’est ce qui fait la valeur de nos matières : plus on stocke longtemps, plus c’est sec et plus le stock a de la valeur. »
En année normale, la société traite, grâce ses trois plateformes de Chambœuf, Autun et Sazeret (Allier) un volume de 150.000 à 160.000 tonnes de bois, ce qui l’a plaçait, assure Kevin Roussel, « dans le top 5 des sociétés françaises de bois énergies ». Mais cela, c’était avant cet incendie et surtout ce qui a suivi. « Notre assurance a pinaillé longtemps pour rembourser une partie de la matière, une partie de perte d’exploitation, soit à peu près 350.000 € qui ont été versés directement aux banques. On n’en a pas vu la couleur. De notre côté, on évaluait déjà les pertes d’exploitation sur la longueur à plus de 2 M€ », raconte Kevin Roussel qui, avec son père, a dû se retourner contre son assurance et espère voir cette indemnité réévaluée. Un contentieux est en cours.
Poursuivre malgré tout
En attendant son issue légale, fin 2024, la question se pose de mettre ou non, un arrêt à l’activité. « On n’a pas fait ce choix-là, raconte Kevin Roussel. On a voulu taper dans nos stocks de matière très sèche. Bien sûr les mois suivants l’incendie, on a fait des très bons chiffres d’affaires parce qu’on tapait dans des matières qui étaient extrêmement bonnes à la vente. Mais en ne pouvant pas ou peu en racheter. On s’est complètement effondrés à partir du mois de février 2025 parce qu’on n’avait plus de stock, on tournait avec du bois vert, du bois humide. Actuellement, la perte d’exploitation estimée par nos cabinets comptables est à plus de 2,5 M€. Il reste la moitié de la matière à rembourser encore. » Sans compter l’atteinte à la réputation d’une société prospère et porteuse de plusieurs projets, dont un d’hydrogène vert sur le site côte-d’orien, désormais au point mort. « On se rend déjà compte qu’on va avoir du mal aujourd’hui à tenir nos engagements pour le tribunal parce que les fournisseurs à qui on doit de l’argent ne veulent pas livrer. Ils ont peur de ne pas être payés. Alors qu’on a quand même de la vente… »
Trouver un investisseur
Aujourd’hui le jeune gérant ne veut pas baisser les bras, et veut trouver des solutions pour sauver la société familiale. « On a deux leviers : notre assurance – et encore aujourd’hui avec les plafonds je pense qu’il est un peu tard, mais surtout je crois en un investisseur, quelqu’un qui viendrait dans la société soit racheter, soit investir, y compris pour un développement autre. » Le montant est conséquent : Kevin Roussel l’évalue à « 5 à 6 M€ », pour rembourser les dettes fournisseurs et leur payer des acomptes pour relancer l’activité : « en ayant de la trésorerie pour aller acheter, les fournisseurs reviendront vers nous parce qu’on a une réputation. On est là depuis 2008 en bois énergie ! »
Il met en avant les commandes au long cours, - soit, assure-t-il, à peu près 6 M€ garantis -, et l’adaptabilité des sites détenus par la société, qui se prêtent à d’autres développements : « Aujourd’hui avec un apport financier et des idées de structuration, tout est possible ! L’outil de travail est vraiment modulable. Nous sommes prêts à accueillir un investisseur avec des idées nouvelles, ou une société qui fait le même travail pour créer une synergie. Le bois est une filière qui est jeune, qui a besoin de maturité et c’est en créant justement des synergies entre sociétés, entre groupes que cette filière se développera ».
250 emplois menacés ?
Si la société emploie directement 18 salariés, Kevin Roussel évalue l’impact négatif d’une fermeture à bien plus grande échelle : « Représentant 40 % du volume de bois énergie de biomasse sur la BFC, on peut estimer que ce sont, en gros, 250 emplois indirects et une cinquantaine de sociétés qui sont autour de nous. Nos fournisseurs ne sont pas des gros groupes qui ont énormément de trésorerie. Si demain la société devait s’arrêter, il y aurait bon nombre de petits exploitants qui tomberaient avec nous. Je ne dis pas qu’on est irremplaçable, mais il faudra du temps… » Le temps, c’est aussi une donnée avec laquelle le jeune gérant et son père doivent compter : ils planchent cette semaine sur les prévisionnels à présenter à l’administrateur afin de préparer leur audience au tribunal de commerce de Dijon la semaine prochaine.