Raymiluc, le bonheur est dans le lait
Yonne. Les variations sur le prix d’achat du lait ne constituent plus une source d’inquiétude pour l’exploitation agricole de Beauvoir, qui a rejoint la démarche « C’est qui le patron ? » depuis son lancement.

Une brique reconnaissable entre toutes qui permet, à la fois, de rémunérer les éleveurs au juste prix et de fédérer une communauté de consommateurs acquise à la cause paysanne, c’est le pari réussi par le très médiatique Nicolas Chabanne. Lancée il y a huit ans pour répondre à la détresse des producteurs de lait face à la dérégulation du marché, la démarche « C’est qui le patron ? » s’est adossée à un modèle équitable et économiquement viable. Le litre de lait vendu 1,27 € en grande distribution permet, en effet, aux producteurs laitiers - ils sont 284 en France à être inscrits dans ce dispositif - de percevoir 0,54 €. Soit plus de 42 % du prix public. « Nous avons été les premiers dans l’Yonne à rejoindre ce mouvement », précise Anthony Roux, l’un des quatre associés du Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) Raymiluc avec son oncle Thierry et ses deux cousins Thomas et Thibaut.
« C’est qui le patron ? est le seul à nous garantir un prix d’achat constant sur plusieurs années. » Fondation il y a tout juste 50 ans, l’exploitation agricole familiale qui a pour particularité d’avoir enregistré un renouvellement du trois-quarts de ses associés lors de la dernière décennie, produit 1,2 million de litres de lait chaque année grâce à son cheptel de 110 vaches de race Montbéliarde. « Bénéficier d’un prix d’achat garanti nous permet de nous projeter sur le long terme et ainsi de planifier nos investissements », poursuit Thibaut Roux. L’an dernier, la laiterie de Saint-Denis de l’Hôtel, dans le Loiret limitrophe, qui collecte et met en bouteille, leur a assuré un prix d’achat de 550 € les 1.000 litres pour 30 à 40 % du volume - le reste étant rémunéré à hauteur de 490 € - « alors que la majorité des industriels payaient en moyenne 480 € les 1.000 litres ». En contrepartie, le Gaec Raymiluc suit un cahier des charges très précis qui lui interdit, notamment, l’utilisation d’OGM et d’huile de palme dans l’alimentation de ses bêtes, « soit un surcoût de 25 % par rapport à une exploitation similaire non inscrite dans la démarche ». Elle promet aussi un accès aux pâturages durant six mois de l’année « avec un minimum de 10 ares par vache. Nous sommes fortement engagés par ailleurs pour le bien-être animal. » Il suffit d’observer les vaches dans l’étable pour en être convaincu.
Si, depuis la guerre en Ukraine, le prix d’achat du lait connaît de l’avis général une embellie avec une tendance à la hausse, il ne compense néanmoins pas l’augmentation des charges de structure enregistrée lors de cette même période. « Dans notre département, explique Anthony Roux, contrairement aux régions de l’Ouest comme la Bretagne, le nombre de producteurs laitiers baisse d’année en année au profit des exploitations céréalières qui demandent moins de main-d’oeuvre et font peser moins de contraintes ». Un prix bloqué, qui garantit une juste rémunération, comme celui proposé par « C’est qui le patron ? », pourrait redonner du baume au coeur des agriculteurs. Une démarche qui n’est cependant pas extensible et duplicable à l’envi.
Nécessaire diversification
En 2019, l’exploitation agricole de Beauvoir s’est dotée d’une unité de méthanisation alimentée par les matières organiques générées par l’activité d’élevage. « Nous avons établi un contrat de production d’électricité avec EDF d’une durée de 17 ans. C’est une façon pour nous de préparer l’avenir en nous diversifiant », conclut Thibaut Roux. Aujourd’hui, 40 % du 1,4 M€ de chiffre d’affaires du Gaec proviennent de la revente d’électricité (à égalité avec la production de lait), les 20 % restants émanant de l’exploitation céréalière de 400 ha de surfaces agricoles utiles (SAU).