Remettre en mouvement les plus fragiles
Yonne. Créée par Thibaud Amelot, enseignant en activité physique adaptée, l’entreprise Sport Santé Domicile agit pour que l’activité physique devienne accessible à tous, même aux plus isolés.

« On travaillait des mois avec des patients pour qu’ils retrouvent de la mobilité, qu’ils remarchent ou puissent se relever seuls… et quelques mois plus tard, on les retrouvait dans le même état, voire pire. » C’est ce constat amer, vécu au quotidien dans les centres de rééducation d’Auxerre, qui a poussé Thibaud Amelot (photo ci-contre) à créer Sport Santé Domicile. Ce jeune diplômé en activité physique adaptée (APA) avait vu défiler des dizaines de patients condamnés à la rechute, faute d’un suivi adapté une fois de retour à la maison. Trop isolés, peu mobiles, sans solution de proximité ou freinés par les coûts, beaucoup perdaient les bénéfices de leur prise en charge initiale. Ce constat touche un public grandissant. En 2024, la France compte 14,7 millions de personnes âgées de 65 ans ou plus, soit 22 % de la population. Et d’ici 2050, 4 millions de seniors pourraient se retrouver en situation de perte d’autonomie.
En 2017, Thibaud Amelot lance alors un service sur-mesure : une plateforme qui met en relation des enseignants en APA avec des particuliers en perte d’autonomie. Ces professionnels interviennent directement chez les bénéficiaires, pour des séances de remise en forme, de maintien des capacités motrices ou tout simplement pour réintégrer le mouvement dans leur quotidien. Aujourd’hui, Sport Santé Domicile est devenu un acteur reconnu du secteur : l’entreprise fédère plus de 400 professionnels à travers toute la France et compte plus de 1.000 bénéficiaires actifs, dont une majorité suivie sur plusieurs mois. « Nos programmes sont conçus sur 12 à 24 séances, avec un objectif clair : redonner de l’autonomie à la personne. On ne cherche pas à fidéliser indéfiniment, mais à accompagner jusqu’à ce qu’elle puisse poursuivre seule ou en club », précise le fondateur. L’enjeu est aussi financier. Or la régularité est clé. Thibaud Amelot a donc eu l’idée de rattacher son service au dispositif du service à la personne, qui ouvre droit à un crédit d’impôt de 50 %. Une approche pragmatique, qui a permis d’élargir la cible.
Sport sur ordonnance
Depuis le décret de 2016 instaurant le sport sur ordonnance, les médecins peuvent en effet prescrire de l’activité physique à des patients en affection de longue durée (ALD), en situation de handicap ou de perte d’autonomie liée à l’âge. Un public très large : en 2022, 13,8 millions de Français étaient concernés par une ALD, soit plus de 20 % de la population, pour 66 % des dépenses de l’Assurance maladie. Pourtant, aucun remboursement n’est encore prévu par la Sécurité sociale. Seules certaines mutuelles et assurances prennent en charge ces programmes. « Nous travaillons avec plusieurs groupes pour développer des partenariats et faire entrer cette pratique dans les logiques de prévention santé », explique Thibaud Amelot.
Mais tout n’est pas simple. Certaines régions restent des déserts de professionnels. « Dès qu’on entre dans des zones rurales comme le Morvan ou le nord de la Nièvre, on manque cruellement d’intervenants. Les demandes s’accumulent, et on se retrouve dans l’impossibilité d’envoyer quelqu’un. C’est une vraie frustration. »