Semaine du nucléaire : faire de l’atome un géant régional
Saône-et-Loire. Sébastien Martin, président du Grand Chalon, lançait lundi 3 février la Semaine des métiers du nucléaire en Bourgogne Franche-Comté. Objectifs : faire davantage connaître, notamment auprès des femmes, cette filière d’avenir à l’heure où la relance du nucléaire est en marche en France et contribuer à structurer un écosystème nucléaire fort sur le territoire pour répondre aux défis de la filière.
Si la Bourgogne Franche-Comté ne possède pas de centrale nucléaire, elle est pourtant un territoire clé de la filière (23.000 emplois et 270 entreprises). C’est particulièrement le cas sur le Grand Chalon où 5.000 salariés travaillent pour la filière : « Le Grand Chalon est en train de s’imposer comme un véritable pôle d’excellence du nucléaire en France. Entre le développement de nouvelles formations, le soutien aux technologies de pointe et l’agrandissement de l’usine Framatome, notre territoire prend toute sa place dans la relance de la filière. Nous avons ici les compétences, les infrastructures et l’ambition pour répondre aux défis énergétiques et industriels de demain », affirme Sébastien Martin, président du Grand Chalon. « 80 % des entreprises de la métallurgie ont une dimension nucléaire en Saône-et-Loire », ajoute Isabelle Laugerette, secrétaire générale de l’IUMM 71. C’est donc tout naturellement que Chalon a été choisi pour accueillir le lancement de la Semaine des métiers du nucléaire en Bourgogne Franche-Comté. La troisième édition de cet évènement national compte 400 rendez-vous en France et 50 en BFC (dont la moitié en Saône-et-Loire). Organisée par l’université des métiers du nucléaire et France Travail, elle s’est déroulée du 3 au 7 février et a fait la part belle aux jobs dating, ateliers thématiques et autres visites d’entreprises. « Grâce à la mobilisation de nos partenaires sur le territoire, qu’ils soient de l’enseignement, de l’orientation ou de l‘industrie. Cette semaine permet à chacun de découvrir la richesse des parcours que nous proposons et la diversité des profils que nous recherchons pour relever un grand défi collectif, celui de construire un avenir bas carbone », argue Jean-Luc Ferrero, correspondant de l’université des métiers du nucléaire en BFC. Ce futur bas carbone passe par une volonté affichée par le gouvernement de relancer le nucléaire en France : « La commande de l’État est de six nouveaux réacteurs, précise Carmen Munoz Dormoy, directrice action régionale du groupe EDF en BFC. Les besoins en main d’oeuvre d’EDF dans les dix prochaines années sont de 10.000 personnes par an au national et de 7.600 en BFC. Le groupe EDF est un acteur clé de la filière en région avec les équipes de Framatome, mais également d’Arabelle Solutions (fleuron français pour les turbines et alternateurs des réacteurs nucléaires. Ndlr) qui a rejoint le groupe EDF en juin 2024 avec 1.500 salariés à Belfort. Nous allons recruter dès cette année en BFC près de 850 personnes ». Face à ces besoins hors normes, « l’objectif aujourd’hui en région est de former pour être au rendez-vous des milliers d’emplois à venir, d’avoir un écosystème qui garde une offre de formation en adéquation avec les besoins présents et futurs de l’industrie sur tout le territoire, défend Yves Seguy, préfet de Saône-et-Loire.
Avec cette idée d’attirer nos jeunes, de dissiper les préconçus pour faire reculer les préjugés qui courent encore sur l’industrie. Avec la filière nucléaire nous avons un certain nombre de valeurs qui peuvent être mises en avant pour donner envie à ces publics : les notions de souveraineté, de décarbonnée, de transition énergétique, les perspectives d’emploi sur 20 à 30 ans, la diversité des postes, la rémunération 25 % au dessus de la moyenne des emplois dans l’industrie en général... ». « Il y a six mois la région a renouvelé sa feuille de route nucléaire avec en ligne de mire la formation en direction de tous les publics : demandeurs d’emploi, personnes en reconversion, élèves issus de la formation initiale...) tout en accompagnant l’innovation dans la filière via notamment le PIA régionalisé », développe Nicolas Soret, vice-président de la région BFC. Sur ce dernier volet une avancée majeure pour le territoire est à mettre en exergue : la plateforme technologique dédiée aux Contrôles non destructifs (CND). Réunissant depuis février 2023 17 partenaires privés et publics cette plateforme vise à jouer un rôle clé dans la montée en puissance des CND sur le territoire en proposant les technologies, les formations et en accélérant la recherche et l’innovation pour la sûreté et la qualité des équipements notamment nucléaire. « Nous travaillons enfin sur l’attractivité de nos territoires pour aller chercher les experts de cette filière en dehors de nos frontières et ainsi répondre à ces besoins de recrutement forts dans notre région », complète Nicolas Soret. « Cette question de l’attractivité est un point important dans une région en déficit démographique comme la nôtre et où plus de 60 % de nos étudiants avec mention au Bac en BFC quitte le territoire. C’est pourquoi il convient de créer ici un continum de formation dans le nucléaire jusqu’à Bac+5 voire jusqu’au doctorat », appuie Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheure responsable des formations Sciences et techniques nucléaires au Cnam.
Former, Recruter Et Féminiser
C’est dans cette dynamique qu’a été annoncée la création d’un nouveau diplôme dédié au nucléaire, qui ouvrira dès la rentrée 2025. Une licence Conception et amélioration de processus et procédés industriels (Cappi) orientée Innovation produit/process - parcours nucléaire. Ce programme inédit en France, conçu en partenariat avec le Cnam BFC et le Pôle Formation UIMM, permettra de former, à hauteur de douze alternants par an, des techniciens spécialisés en conception et fabrication d’équipements nucléaires fortement recherchés par les entreprises du territoire.
Autre temps fort de la semaine : le lancement du réseau Women In Nuclear (WIN) en BFC, qui s’est tenu au Cetic, en présence de nombreuses représentantes de la filière et d’étudiantes. Alors que 80 % des salariés travaillant pour le nucléaire en région sont des hommes, « ce réseau s’engagera à promouvoir la féminisation des métiers du nucléaire par le biais d’initiative dédiées (action de sensibilisation dans le lycées, serious game dans les collèges, mentorat pour les jeunes filles dèjà dans la filière...) », précise Emmanuelle Galichet, présidente de WIN BFC. « L’enjeu de féminisation des métiers du nucléaire est essentiel pour ne pas se priver de 50 % des talents de la population », explique Carmen Munoz Dormoy. « La formation initiale ne peut pas être la seule réponse pour accompagner les besoins importants de la filière nucléaire : ce ne sera pas suffisant, affirme Christophe Gay, directeur territorial Saône-et-Loire chez France Travail. Il faut attirer, former et recruter le public le plus large possible et la féminisation de l’industrie est une pierre importante pour réussir ce challenge ».
La relance du nucléaire passe aussi par un renforcement des capacités industrielles du territoire. À ce titre, l’usine Framatome de Saint-Marcel, spécialisée dans la fabrication des composants lourds pour les réacteurs, est en pleine expansion. Un chantier majeur est en cours pour agrandir le site de 40.000 m² et devrait prendre fin d’ici 2026 afin de répondre à la commande de construction des EPR2 en France. Ce chantier s’accompagne d’une montée en puissance sur le plan humain des capacités de l’usine avec des recrutements massifs de 300 nouvelles recrues en 2022 et de 200 supplémentaires en 2024.