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Silmach sur le front de la sécurisation des équipements de protection des armées

Doubs. La solution exclusive développée par la PME bisontine, un micro-détecteur sans énergie qui permet au fantassin de vérifier de manière sécurisée et facile l’intégrité de son équipement de protection individuelle, va peu à peu doter les armées avant d’autres domaines d’application.

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Pierre-François Louvigné . (Crédit : Silmach)

Silmach, PME bisontine experte mondiale de la micromécanique (primée en 2024 au CES de Las Vegas pour son micromoteur au coeur silicium), a été choisie par le commissariat des armées pour déployer sa solution GMOS, un microdétecteur des chocs, qui équipera peu à peu à partir de septembre prochain les plaques de protection balistiques individuelles des soldats des armées françaises. Ce capteur permettra à ces derniers de vérifier en un regard si l’intégrité de leur équipement n’a pas été dégradé, notamment dans sa vie logistique (transport, stockage...) - ces plaques de protection sont composées de céramique, susceptibles de microfissures, et de composite multicouche. Une technologie de pointe donc, à usage unique, fonctionnant sans énergie, facile d’utilisation et permettant également des économies substantielles par rapport aux systèmes de vérification actuels. Pierre-François Louvigné, directeur-général de Silmach, explique cette collaboration entre la PME du Doubs et le commissariat des armées - une collaboration qui remonte en fait, ce qu’on sait peu, aux origines de la création de Silmach il y a une vingtaine d’années.

Le Journal du Palais. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste précisément la solution imaginée et conçue par Silmach qui a été choisie par le commissariat des Armées ?

Pierre-François Louvigné. Il s’agit d’un détecteur comme un petit mouchard qui va changer d’état dès lors que se produit un événement comme une chute d’une certaine hauteur. Par exemple la plaque balistique qui va échapper aux mains de quelqu’un qui la manipule. Ce dispositif va détecter que cet événement-là s’est produit ; voilà le cas d’usage. Et actuellement, il n’y a absolument aucun dispositif qui rende ce service-là.

Comment se présente ce « mouchard » ?

Il ressemble à une petite puce, comme celle d’une carte SIM. Sa dimension est d’environ 7 mm par 8 à peu près et cela ne pèse rien. Cette puce est packagée dans un petit contenant, collé sur la surface de la plaque. C’est très fin, ça fait moins d’1 mm d’épaisseur, donc ça ne gêne en rien ni par son sa taille, ni par son poids, l’usage de la plaque. Et dès lors que le détecteur est installé, il va vivre avec la plaque 24h sur 24, 7 jours sur 7 et surveiller en permanence pendant toute la durée de vie de celle-ci si l’événement chute est arrivé ou pas. Chaque plaque est équipée d’un kit qui contient quatre détecteurs, car le cahier des charges du commissariat des armées imposait qu’on puisse détecter différentes configurations de chute.

En quoi ce dispositif est une rupture technologique ?

Ce qui est intéressant, c’est qu’on capte pas des données comme on pourrait l’imaginer avec un capteur classique. L’inconvénient des techniques traditionnelles, c’est que vous êtes obligé d’alimenter le capteur en énergie, de collecter les données puis de les traiter pour pouvoir en extraire l’information utile. Nous n’avons pas du tout fait cela, mais nous avons mis au point un micro système qu’il faut imaginer un peu comme un verrou qui va changer d’état. Et ce changement d’état, il est justement calibré sur l’événement qu’on veut détecter, à savoir la chute. Tant que la plaque vit sa vie normale et qu’elle ne subit pas de chute, le détecteur va rester dans son état initial. Dès lors que l’événement va se produire, il va changer d’état et va basculer dans un autre état qui est l’état détecté, que l’on repère tout simplement par une observation visuelle directe : une tache rouge qui va être visible et qui va démontrer que le détecteur a bien été enclenché. L’autre apport, c’est que ce détecteur est destiné au fantassin lui-même qui, depuis le moment où il réceptionne ses plaques, quand il s’équipe ou revient d’opération, peut vérifier si sa plaque est intacte ou pas. C’est surtout et avant tout dans un premier temps destiné à l’utilisateur lui-même qui va être rassuré sur le fait que sa plaque est bien intègre.

Cette solution pourrait-elle intéresser d’autres domaines d’application ?

Bien sûr ! En particulier les forces de l’ordre, les forces spéciales, tous ceux qui sont équipés de plaques de protection balistique de haut niveau, c’est-à-dire pour faire face à des munitions perforantes en particulier. Et à partir du moment qu’une armée est équipée d’une technologie, cela ouvre la porte à toutes les armées de l’Otan. Mais parce que cette solution embrasse des problématique de détection de chute ou de choc, cela se retrouve dans le domaine civil : le sujet des casques de moto ou tout casque de protection entre effectivement dans le genre de cas d’usage qu’on pourrait adresser avec nos détecteurs de choc. Il y aussi l’aéronautique : je pense aux cartes électroniques équipant les avions qui sont fabriquées chez des sous-traitants et ensuite installées sur l’avion au moment de l’assemblage final. Si cette carte subit des défauts de manipulation avant d’être installée, elle peut être endommagée, et perdre certaines de ses fonctions. Actuellement ce n’est qu’une fois installée qu’on peut le vérifier... Une solution comme la nôtre permettrait de faire de la vérification d’intégrité avant usage.

Le programme GMOS se concrétise par une tranche ferme de plus de 3 M€. Qu’est-ce que cela représente en volume ? Cette fabrication sera-t-elle localisée à Besançon ou peut-elle être sous-traitée ailleurs ?

C’est difficile d’estimer ce que sera la consommation effective du microdétecteur. Mais disons que l’ordre de grandeur c’est plusieurs centaines de milliers de capteurs. Ensuite concernant la fabrication : alors ça c’est très clair. Les capteurs sont entièrement et totalement fabriqués à Besançon, et le seront toujours. S’il faut augmenter les capacités, on augmentera les capacités. En tout cas, ce ne sera jamais sous-traité ailleurs. Il y a plusieurs raisons à ça. La première, c’est que les détecteurs eux-mêmes, les « puces », ça c’est vraiment notre métier, notre savoir-faire et ça n’a pas vocation à être sous-traité. Et puis on a d’autres composants comme ce que j’ai appelé le packaging qui sont de petits composants de précision et à Besançon, on a des partenaires qui sont tout à fait dimensionnés pour être nos partenaires sur ce produit. Donc la réponse est : fabrication 100 % Besançon, maintenant et dans le futur.