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Soyez Frères plie, mais ne rompt pas

Nièvre. Frappé de plein fouet par l’interdiction des pailles en plastique, le groupe Soyez Frères à Donzy a dû se réinventer en urgence. Cinq ans plus tard, l’entreprise familiale innove encore pour rester un acteur clé de l’emballage durable.

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L’entreprise a réussi, en 18 mois, à se donner un nouveau modèle économique en inventant les machines qui lui permettent aujourd’hui de proposer des pailles pour les CHR et la restauration rapide à base de papier, ainsi que des pots pour yaourts et glaces totalement recyclables. (Crédit : Site de la société Soyez Frères..)

Le 10 février 2020, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) est adoptée au Parlement. Parmi les 130 articles qui la constituent, l’interdiction des pailles en plastique au 1er janvier 2021. Pour le groupe Soyez Frères, créé en 1832 à Saint-Maur des Fossés et installé à Donzy depuis 1958, leader européen des paillons de fromages et des pailles en plastique pour l’industrie des restaurants, du jus de fruit, du lait, et de la restauration rapide, c’est un « effet papillon » : « Ça a été un choc extrêmement rude, puisque nos machines plastiques n’étaient plus adaptées et que la paille plastique représentait 90% de notre chiffre d’affaires. On aurait pu jeter l’éponge mais on a dû tout réinventer et réinvestir dans un nouvel outil de production, le tout en 18 mois avec l’incertitude permanente puisque jusqu’au dernier moment, les pailles n’étaient pas concernées », explique Frédéric Soyez, PDG du groupe qui emploie 75 salariés.

En 18 mois, le groupe Soyez investit donc 8M€, invente les machines nécessaires « pour lesquelles ni les clients, ni les fournisseurs n’existaient. Je comprends qu’il faille changer nos habitudes, notre façon de vivre. Le réchauffement climatique, c’est une réalité. Ça serait complètement fou de pas en tenir compte. Maintenant, ce qui est infernal à notre échelle, c’est un temps aussi court pour s’adapter à une technique qui n’existe nulle part ». Mais c’est paradoxalement ce manque qui va permettre au groupe de rester leader : « Si les machines avaient existé, nous ne serions plus là. Nos clients se seraient tournés vers l’Inde ou la Chine qui auraient pu réagir plus vite que nous. Là, nous avons dû travailler ensemble pour concevoir un nouvel outil de production sur une matière vivante, le papier, extrêmement capricieuse. Il a fallu inventer une colle non soluble et capable de maintenir les feuilles ensemble même immergées. »

4 M€ Pour des pots écolos

Cinq ans plus tard, le groupe Soyez a maintenu et ses salariés et sa production - « On produit toujours quelques milliards, mais moins de milliards et à un coût plus élevé » - avec un client historique, McDonald’s, et sans quelques autres qui ont abandonné la paille. Avec un CA de 7,5 M € et même si Soyez a réussi à opérer un virage stratégique, Frédéric Soyez reste critique - « on se demande ce qui est passé par la tête de nos dirigeants » - dénonce par ailleurs « l’arnaque totale » de certaines pailles en bagasse, un produit issu de la canne à sucre, interdites par la loi AGEC : « Elles sont d’origine végétale mais il faut les transformer chimiquement, de fait elles ne sont pas recyclables et donc pas recyclées. Mais certains bars les utilisent, soit parce qu’il y a une mauvaise information des pouvoirs publics ; soit parce qu’ils s’en moquent ».

Jurant qu’on ne l’y prendrait plus, Frédéric Soyez, associé à Alexis Chailley, spécialiste de la cellulose et du packaging, anticipe désormais les modifications de réglementation. Le groupe vient d’engager un nouvel investissement de 4M€, dirigé vers la fabrication de pots en carton pour yaourts et glaces, 100% recyclables. Une gamme destinée aux petits acteurs locaux et régionaux désireux de valoriser leurs produits. Des pots qui sont déjà disponibles dans les TGV.

Aujourd’hui, avec plus de 50 % de son chiffre d’affaires réalisé à l’export, essentiellement en Europe, Soyez continue de s’inscrire dans son territoire : « Nous voulons bec et ongles rester à Donzy alors que, économiquement, l’usine aurait toute sa place en Chine ».