Un écosystème d’acteurs et de solutions spécifiques
Dossier. La cession de son entreprise est un moment incontournable de la vie d’un dirigeant, qu’il doit savoir aborder avec le même sérieux et la même détermination dont il a fait preuve sa vie durant pour assurer la bonne marche de sa société.
L’écosystème de la transmission reprise peut être défini comme un système ouvert comprenant une diversité d’acteurs en interaction (notaires, avocats, experts-comptables, banquiers, assureurs, intermédiaires, cabinets de conseils...) et des dispositifs contribuant à créer les conditions sociales, culturelles et matérielles à la dynamique repreneuriale dans un territoire. Par cette approche écosystémique, les différentes parties prenantes favorisent le partage des pratiques et gagnent en compétence : « la force du notaire c’est aussi de dire ça je peux faire, mais ça ce n’est pas pas mon domaine de compétence, il faut que je m’adresse à un confrère. Et c’est d’autant plus vrai que les transmissions peuvent parfois être très complexes avec une partie juridique, une partie fiscale... On est là, sur des savoir-faire transverses », témoigne Olivier Harnisch, notaire à Saint-Usage, en Côte-d’Or. Ces échanges entre les professionnels augmentent également le sentiment de confiance et enfin participent à une meilleure réactivité et agilité dans l’accompagnement : « Comme je l’ai dit, on est là pour se complèter et ce travail en commun, au final, c’est pour le bien du client ! ».
Petit Tour D’horizon Non Exaustif Des Différentes Composantes De L’écosystème De La Transmission En Bourgogne Franche-Comté Et Des Outils Qui Lui Sont Liés.
Les Business Angels financent la reprise d’entreprise
Entretien avec l’Association BFC Angels, qui fédère des Business Angels sur l’ensemble du territoire régional, a lancé, mai 2023, BFC Angels Capital, société dédiée à l’accompagnement de la reprise et du développement
d’entreprises régionales. Pierre Vieillard, président de BFC Angels, nous en dit plus.
Le Journal du Palais. Pourquoi BFC Angels, dont la vocation initiale c’est d’accompagner des porteurs de projet, créateurs d’entreprises et start-up, s’engage-t-elle sur le domaine de la reprise d’entreprise ?

Pierre Vieillard.L’âge moyen des dirigeants de PME et TPE en Bourgogne-Franche-Comté est de 52 ans, et 31% ont plus de 55 ans. Cette réalité et notre volonté d’accompagner l’entrepreneuriat sous toutes ses formes nous ont conduit à agir et à nous positionner sur un nouveau volet de financement. Avec BFC Angels Capital, qui est une SAS avec un capital de 1.727.500 €, nous souhaitons être un facilitateur des reprises d’entreprise.
Quel est le profil type du repreneur en région ?
Le repreneur type est le cadre, de 40 à 50 ans, qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat. Il a trouvé son projet. Il a besoin de financements complémentaires et d’accompagnement. En effet, 41% des repreneurs sont des salariés avec un apport moyen de 210.000 €. Nous serons à ses côtés pour étudier son dossier, le conseiller et l’accompagner dans sa reprise, avec nos partenaires comme nous le faisons aujourd’hui avec les start-up.
Concrètement, quelle forme prendra cet accompagnement ?
Construit en partenariat avec la région, le Crédit Agricole Champagne-Bourgogne, le Crédit Agricole Franche-Comté, la Caisse d’Épargne Bourgogne Franche-Comté, BFC Angels Capital a vocation à réaliser des prises de participations minoritaires dans dix à quinze projets en région, afin de permettre à des repreneurs d’entreprises de compléter leur tour de table et ainsi gagner en crédibilité financière. Les porteurs de projets seront accompagnés tout au long de la présence de la Holding dans le capital de leur entreprise. La sortie se fera d’un commun accord avec le repreneur, généralement entre 5 à 7 ans, sachant que la durée maximale d’existence de cette structure sera de 10 ans. On n’interviendra pas en dette. Les porteurs de projets retenus bénéficieront des profils et regards pluridisciplinaires des Business Angels, lesquels connaissent particulièrement bien les enjeux entrepreneuriaux. Nous devrions réaliser nos premières participations cette année.
Propos recueillis par Frédéric Chevalier
« Il ne faut pas négliger l’aspect humain de la transmission »
Entretient avec Véronique Guillon, directrice de Défi 2 Conseil.
Le Journal du Palais. Quels sont les écueils qui se présentent au cédant ?

Véronique Guillon. La transmission d’une entreprise est une étape complexe, souvent marquée par des défis majeurs. Parmi les principaux écueils, on retrouve :
Le manque de préparation en amont : trop souvent, les cédants sous-estiment le temps nécessaire pour structurer une transmission réussie, qu’il s’agisse d’anticiper les aspects financiers, juridiques ou humains.
La difficulté à lâcher prise : l’entreprise représente souvent une partie essentielle de la vie du cédant, ce qui peut compliquer la délégation ou le transfert de responsabilités.
Une valorisation mal définie : ne pas évaluer correctement la valeur de l’entreprise peut entraîner des incompréhensions et compliquer les négociations.
Quelles erreurs doit-il éviter ?
Pour réussir la transmission de son entreprise, il est essentiel de se préparer en amont. Trop souvent, les cédants attendent le dernier moment pour s’organiser, ce qui complique le processus et limite les marges de manœuvre. Une autre erreur courante consiste à négliger l’aspect humain de la transmission. Les collaborateurs, au cœur de l’activité, doivent être impliqués et rassurés sur l’avenir de l’entreprise afin d’éviter des tensions ou des départs. Enfin, il est indispensable d’établir une communication claire avec le repreneur. Cela inclut de s’assurer que ce dernier partage une vision stratégique alignée avec les valeurs et objectifs de l’entreprise, car une absence de clarté à ce niveau peut générer des incompréhensions et mettre en péril la transition.
Quel accompagnement spécifique proposez-vous, au cédant comme au repreneur ?
Nous avons conçu un programme d’accompagnement qui répond aux besoins spécifiques des cédants et des repreneurs pour sécuriser chaque étape de la transmission :
Diagnostic en amont : nous réalisons une évaluation approfondie de l’entreprise pour identifier ses forces, ses faiblesses et les priorités stratégiques à mettre en œuvre.
Coaching individuel : cet accompagnement permet aux cédants de clarifier leurs objectifs, de prendre du recul face aux enjeux émotionnels de la transmission et de se préparer à « passer le flambeau ».
Ateliers collectifs : nous animons des sessions dédiées à des thématiques comme la stratégie, le management et la gestion financière, qui apportent des solutions concrètes et favorisent le partage d’expériences entre dirigeants.
Parcours de formation : nous formons les repreneurs dans un parcours complet qui leur permet de prendre de la hauteur, poser leur projet stratégique et sécuriser les premières années de la reprise.
Soutien au repreneur : nous accompagnons les repreneurs pour les préparer à leurs nouvelles responsabilités et leur fournir des outils pratiques pour piloter efficacement l’entreprise dès la transition.
Notre démarche, à la fois humaine et stratégique, garantit une transmission réussie, dans le respect des attentes des deux parties.
Propos recueillis par Emmanuelle de Jesus
Transentreprise, l’outil dédié de la CCI Côte-d’Or Saône-et-Loire
La CCI Métropole de Bourgogne possède son écosystème d’aide à la transmission grâce au dispositif Transentreprise qui accompagne les cédants dans le processus de transmission. Focus sur ce service avec Olivier Constanty, conseiller transmission à la CCI Côte-d’Or Saône-et-Loire.
Le Journal du Palais. Quels conseils donneriez-vous à un chef d’entreprise en recherche de repreneur ?

Olivier Constanty. La transmission est un processus stratégique qui demande de l’anticipation. La première question à poser, c’est pourquoi vous souhaitez céder : est-ce pour partir à la retraite, changer de projet professionnel ? Il est important de définir une date cible et d’obtenir le soutien des associés et de la famille. Cela renforcera la crédibilité du projet auprès des repreneurs potentiels. Ensuite, quel est le périmètre de la cession : allez-vous vendre le fonds de commerce, les parts sociales ou les actions ? Avez-vous envisagé un crédit-vendeur ? Ce type de montage peut faciliter la vente, mais il faut bien mesurer les risques financiers et juridiques associés. Il est aussi important de positionner l’entreprise sur le marché de la transmission. Grâce à notre outil Transentreprise, nous aidons les cédants à estimer le nombre de repreneurs potentiels et le temps moyen nécessaire pour finaliser une cession dans un secteur. Ce processus peut prendre jusqu’à deux ans, voire plus selon la conjoncture et le type d’activité.
Un repreneur cherchera une entreprise capable de fonctionner de manière autonome. Il est donc nécessaire que l’équipe soit opérationnelle sans dépendre du cédant. C’est un facteur indispensable pour rassurer un repreneur et maintenir la performance suite au départ de ce dernier. Enfin, la préparation des documents (bilans, contrats, statuts…) est une étape déterminante. Un dossier complet et structuré facilite et sécurise la transaction.
Mon rôle en tant que conseiller transmission à la CCI, c’est d’accompagner les cédants à chacune de ces étapes. En réalisant un Diagnostic Transmission, je les aide à identifier les forces et faiblesses de leur entreprise, à structurer une offre claire pour attirer un repreneur sérieux que nous suivons en parallèle.
Quelles erreurs éviter ?
Nous constatons souvent les mêmes erreurs lors d’une cession… et elles peuvent coûter très cher, voire faire échouer la transaction. C’est là que l’accompagnement personnalisé de la CCI Côte-d’Or Saône-et-Loire prend tout son sens en aidant le cédant à les éviter. Les plus fréquentes :
Gérer seul une cession est risqué, même en connaissant parfaitement son entreprise. Une mauvaise évaluation du prix, une négociation mal engagée ou des blocages juridiques peuvent compromettre la transaction.
Signer avec le premier repreneur venu : La précipitation est une erreur fréquente. Sans une sélection rigoureuse, le cédant risque de vendre à un mauvais prix ou à une personne peu fiable.
Négliger la solidité financière du repreneur : Un projet séduisant ne suffit pas. Vérifier la capacité de financement du repreneur est indispensable.
Surévaluer son entreprise : Un prix basé sur l’attachement personnel fait fuir les repreneurs sérieux. Une évaluation réaliste, fondée sur des critères financiers et de marché, est essentielle.
Sous-évaluer la rémunération ou investir insuffisamment : Une rentabilité faible ou un manque d’investissement avant la cession peuvent refroidir les repreneurs.
Négliger la préparation de l’entreprise : Un bilan flou, des contrats manquants ou une fiscalité mal anticipée compliquent la vente. Une préparation rigoureuse renforce la crédibilité.
Improviser sur les modalités de paiement et de garantie : Ne pas laisser au hasard ce qui concerne la Garantie Actif-Passif (GAP), le complément de prix, le crédit vendeur ou la possibilité de réinvestir aux côtés du repreneur. Une préparation minutieuse de ces aspects est importante pour sécuriser la transaction.
Confondre confidentialité et secret absolu : trop de secret limite la visibilité de l’offre et freine l’intérêt des acquéreurs potentiels. Il faut trouver le juste équilibre pour partager suffisamment d’informations pertinentes.
Notre accompagnement permet d’aborder chaque étape avec méthode et sérénité, et ainsi éviter les pièges afin de mettre en avant les atouts de l’entreprise pour faciliter sa cession et attirer les bons repreneurs.
Propos recueillis par Emmanuelle de Jesus
« Notre spécificité : l’accompagnement du cédant »
Entretien avec Laure Taiclet et Emmanuel Bertin de chez Link deal.
Le Journal du Palais. Quelles sont vos spécificités en tant que cabinet ?

Laure Taiclet. Nous sommes spécialisés dans l’accompagnement côté cédant. Mais lorsque des repreneurs nous sollicitent, nous prenons systématiquement le temps de les recevoir pour, au-delà de leur fiche de cadrage ou de leur CV, bien comprendre leur parcours, leur projet, pourquoi ils souhaitent se positionner en tant que repreneurs. Cela nous permet d’avoir une base de contacts à jour, pour faire matcher un mandat de cession avec un projet de reprise, mais aussi dans le cas d’un adossement à un fonds.
Emmanuel Bertin. Les cédants sont en général des chefs d’entreprise, qui maîtrisent bien leur business et qui savent que la cession a un aspect très technique, et que le faire seul peut s’avérer très délicat. Ces chefs d’entreprise se rapprochent de cabinets comme le nôtre pour être accompagnés du début à la fin du processus, depuis l’identification des cibles qui peuvent être intéressées par leur entreprise, pour anticiper et préparer avec eux la suite - car quelqu’un qui est à la tête de sa boîte depuis très longtemps et qui se pose la question de la cession se confronte à une question très personnelle de ce qu’il va faire de sa vie ensuite – et on les accompagne ensuite tout au long du process : on identifie toutes les cibles, on les contacte, on évalue les projets de chacun des repreneurs potentiels, on s’occupe de toute la partie technique et notre client reste concentré sur son business.
Comment se passe concrètement une transmission ?
Emmanuel Bertin. Nous accompagnons de bout en bout le cédant sur l’intégralité du processus, en veillant à la confidentialité, en apportant de la structure et de la méthode afin de s’assurer que la transmission se passe bien pour les deux parties. Nous pouvons proposer au cédant différents projets et nous apportons un peu de tension concurrentielle pour faire émerger le meilleur projet pour l’entreprise.

Laure Taiclet. Nous insistons sur les deux composantes : un projet qui puisse se transformer en une belle opération patrimoniale pour le cédant, mais aussi en projet entrepreneurial fiable pour l’entreprise et les équipes. On est très attachés au fait que les emplois restent sur le territoire. On ne prendra pas de mandat pour faire de la vente « à la découpe ». Une transmission réussie passe aussi par l’accompagnement. Il y a la période de transition classique comprise dans le pack de cession. Et au-delà de ça, le cédant peut s’impliquer via une convention de prestation de services ou un réinvestissement. Tous ces éléments sont analysés en amont par nos soins.
Comment gérez-vous l’écosystème de la transmission ?
Laure Taiclet. Il s’agit surtout de la coordination des interlocuteurs qui vont intervenir dans des temporalités différentes tout au long du process. Nous savons donner du rythme et impulser les contacts quand c’est le moment. Il y a bien évidemment l’expert-comptable du cédant qui va intervenir dans cette phase de préparation et travailler avec nous sur des business plan. L’avocat et le conseiller en gestion de patrimoine interviennent en amont – le montage d’une holding par exemple, se fait plusieurs années avant la cession, pour des questions notamment de fiscalité. Il y a également les cabinets d’audits des repreneurs qui interviennent eux plutôt vers la fin du process de même que les conseils juridiques des deux parties. Et à cela, nous pouvons ajouter des audits organisationnels, environnementaux, technique quand on a des installations classées, le notaire sur l’immobilier…
Emmanuel Bertin. Nous avons notre prisme puisque nous traitons des valeurs d’entreprise au-delà de 3M€, avec un certaine taille, du personnel, des outils de production… qui demandent une architecture de cession un peu particulière.
Quel est le délai moyen d’une transmission ?
Emmanuel Bertin. Si c’est très rapide, cela prend 12 mois, cela peut aller jusqu’à 24 mois. Mais la moyenne est entre 16 et 18 mois.
Laure Taiclet. Chez nous, ce délai part du moment de la signature du mandat exclusif même s’il y a un travail important de préparation en amont..
Propos recueillis par Emmanuelle de Jesus