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Une croissance record... mais un avenir incertain

Côte-d’Or. De 450.000€ à 25 M€ de CA en 20 ans, CRAI s’est développé en alliant charpente traditionnelle et énergie photovoltaïque. Mais alors qu’elle investit massivement pour accompagner sa croissance, l’entreprise semuroise se heurte à un tournant réglementaire qui fragilise toute la dynamique de son modèle économique.

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Pour Benoît Chaudron, la nouvelle politique sur les énergies photovoltaïques met en péril la filière. (Crédit : JDP.)

Comme Microsoft ou Google, en passant par Mattel ou Disney, l’entreprise CRAI, qui emploie aujourd’hui 60 personnes à Semur-en-Auxois, est née dans un garage : « Mon père était seul dans son sous-sol et faisait du négoce de charpente. Le chiffre d’affaires de l’entreprise était de 450.000 € », se souvient Benoît Chaudron, qui a repris l’entreprise en 2004. Deux ans après, en 2006, CRAI déménage dans des locaux en location et embauche ses premiers salariés.

En 2010, l’entreprise s’installe définitivement rue de la Perdrix et construit la première partie de l’atelier ; surfant sur le développement du photovoltaïque, Benoit Chaudron développe CRAI Énergie, se spécialisant dans les centrales photovoltaïques sur toiture. Dès lors, le groupe est capable de concevoir, fabriquer et construire des bâtiments industriels mais aussi agricoles ou particuliers, clef en main, alliant structure et dispositif photovoltaïque. Le second permettant souvent de financer le premier. Aujourd’hui, le groupe, qui compte 60 salariés (40 pour CRAI et 20 pour CRAI Énergie), réalise 25 M€ de chiffre d’affaires (15 M€ pour la partie charpentes et 10 M€ pour la partie énergie).

Une progression qui a poussé le PDG à investir 6 M€ dans son expansion, dont 3 M€ pour les bâtiments et 3 M€ pour de nouvelles machines. Cette expansion comprend un agrandissement de l’atelier de 2.800 m², portant la surface totale à 5.000 m², ainsi que la construction d’un bâtiment de 700 m² pour les véhicules et remorques, et de 800 m² de bureaux. Une expansion qui s’accompagne de l’embauche prévue de cinq personnes supplémentaires mais qui fait face à une nouvelle incertitude.

Photovoltaïque : quand l’état casse l’élan

Si la Covid et l’explosion des prix des matières premières ont malgré tout permis à CRAI d’afficher une croissance constante, ce sont aujourd’hui les décisions politiques qui pèsent, notamment sur la partie Énergie du groupe. Dans un contexte de défiance du gouvernement à l’égard du photovoltaïque (l’Assemblée nationale a in extremis en seconde lecture rejeté un moratoire pour suspendre les investissements pendant 10 ans et effectuer un bilan sur l’existant), une autre décision risque de lourdement peser sur le secteur. Jusqu’au 1er juillet, les tarifs de revente de cette électricité photovoltaïque étaient réglementés et mis à jour tous les trimestres, mais une fois le dossier déposé, le tarif était bloqué pour 20 ans. Un blocage qui permettait notamment aux banques de s’appuyer sur le nantissement de ce contrat de vente d’électricité pour financer des bâtiments, en particulier agricoles, largement tributaires de ces recettes. Depuis le 1er juillet, dans l’objectif de pousser vers l’autoconsommation collective, il n’y a plus de tarif bloqué. Les producteurs sont incités à vendre leur surplus à des collègues ou voisins. Pour Benoît Chaudron : « C’est un autre métier mais surtout, cette dérégulation crée une grande incertitude économique. »

Car, par conséquent, les clients n’ont plus de garantie d’avoir une rentabilité à terme, et donc plus de prévisionnel possible pour convaincre les banques : « On est tous dans l’inconnu. La réglementation n’est pas prête. Tout va être question d’interprétation. » Des conséquences particulièrement préoccupantes pour le secteur agricole, qui représente 40 % du chiffre d’affaires bâtiment de CRAI, et où « 9 bâtiments sur 10 avec des panneaux photovoltaïques sont concernés », et où une diminution de moitié des constructions rognerait 20 % du chiffre d’affaires : « Pour une fois qu’un truc marchait bien, il a fallu que le gouvernement le modifie et prenne des décisions qui sont contradictoires avec la politique qu’il veut mener en matière de décarbonation. Les banques sont dans la même incertitude. Il va y avoir un coup d’arrêt au niveau des financements, et donc, des projets. »