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Vincent Martin (FRTP) : « Pas alarmiste, mais réaliste »

Bourgogne Franche-Comté. Le président de la Fédération régionale des travaux publics alerte sur la faiblesse des carnets de commande pour l’année 2025, dans une conjoncture politique et économique des plus incertaines, alors que la commande publique est primordiale pour les TP.

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Photo de Vincent Martin
Vincent Martin, président de la Fédération régionale des Travaux Publics BFC : « J’incite les donneurs d’ordre à se mettre au travail aujourd’hui, sans attendre les prochaines échéances électorales. » (Crédit : JDP)

C’est la mine grave que Vincent Martin, président de la Fédération régionale des travaux public (FRTP) a amorcé sa traditionnelle conférence de presse de l’interprofession en BFC. « Si pour 2024, les engagements politiques sur les TP devraient tenir, 2025 s’annonce compliqué », estime-t-il d’emblée, alors que le contexte économique et politique est plus qu’incertain au sortir d’une séquence qui voit une Assemblée nationale paralysée entre trois blocs, un gouvernement démissionnaire et un calendrier électoral chargé dans les années à venir : élections municipales (2026), présidentielles (2027), départementales et régionales (2028).

Or si ces échéances sont aussi importantes pour les TP, c’est que la commande publique représente 70% du volume d’activité de la profession via les marchés publics de maintenance des réseaux d’eau, de la voierie, des grands travaux structurants de la mobilité, de l’aménagement des centre-villes et des bourgs ruraux, du logement collectif...

Graphique sur les baisses des droits de mutation à titre onéreux
Les baisses des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), deuxième recette des conseils départementaux. (Crédit : Fédération nationale des travaux publics, selon les chiffres de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable)

Vincent Martin se montre particulièrement soucieux du devenir de la commande publique départementale, alors que les budgets des conseils départementaux sont lourdement impactés par la hausse des dépenses sociales et, dans le même temps, par la chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : cette taxe touchée par l’État et les collectivités locales sur les ventes immobilières représentent à l’heure actuelle le deuxième poste de recettes des départements après la fraction de TVA.

Or dans un marché immobilier plus que morose, les départements accusent de lourds manques à gagner : la fédération nationale des travaux publics estime ainsi à -23% fin 2023 (soit -3,8 Md€ par rapport à 20222) la chute des DMTO pour les conseils départementaux. « Cela signifie deux choses, analyse Vincent Martin. D’une part, moins de visibilité dans les finances publiques et des budgets grevés ; des arbitrages devront être faits, notamment concernant les travaux d’entretien des infrastructures ».

Les perspectives pour 2024 sur la commande privée se révèlent à ce titre « pas très réjouissantes à ce stade, ça reste timide », affirme Vincent Martin. Concernant le bloc communal, le président se montre « moins inquiet. On voit depuis décembre 2023-janvier 2024, le rattrapage des travaux de mi-mandat, qui sortent depuis avril ». La FRTP sera d’ailleurs partenaire du congrès national des maires ruraux (AMFR) qui se tiendra en Côte-d’Or à Saint-Julien et Arceau du 27 au 29 septembre.

« Ne pas caler les décisions sur les mandats »

Derniers échelons : la région et l’État. Si Vincent Martin se réjouit de la signature récente (19 juin dernier) du protocole d’accord du volet mobilités du Contrat de plan État-région 2021-2027, il craint l’attentisme et invite les donneurs d’ordre « à se mettre au travail dès aujourd’hui » pour décider les travaux de demain. « On ne peut pas caler les décisions d’infrastructures sur les mandats. »

Les nouveaux députés ont quant à eux reçu les félicitations de l’interprofession ; Vincent Martin souhaite l’organisation en septembre de réunions avec ces parlementaires au niveau départemental. Parions qu’une doléance qui leur sera soumise est la résorption des « délais cachés » qui retardent les échéances de réglement aux sociétés de TP, entraînant des décalages de trésorerie et potentiellement des défaillances d’entreprise. « C’est inadmissible ! », s’insurge Vincent Martin qui souhaite voir ces délais cachés, créés bien souvent par les dédales administratifs, être pleinement intégrés au délai de réglement final. Ces mauvais payeurs sont souvent des établissements « para-publics », dénonce le patron des TP de la région qui menace d’en faire paraître la liste sur la place publique.

« Un nivellement par le haut »

Dernier point abordé - presque de la politique fiction au vu du flou législatif qui nimbe actuellement le pays -, l’incidence d’une hausse du Smic à 1.600 € (programme du Nouveau front populaire) : « Ma plus grande crainte est un nivellement par le haut », s’inquiète Vincent Martin, une telle hausse allant fatalement de pair avec des revendications pour les tranches salariales situées immédiatement au-dessus dans un secteur où les accords de branche ont abouti à des salaires supérieurs aux minima sociaux. Une donnée non négligeable lorsque l’on sait qu’en BFC, le secteur emploie 11.000 salariés et sont en phase de recrutement de 1.500 personnes en ce moment même, et plus de 4.000 sur trois ans.