Hommes et chiffres

À Digoin, le bateau fluvial renait de ses cendres

Tourisme. La renaissance du chantier naval CPC s’accompagne d’une nouvelle stratégie qui pourrait bien signer le renouveau du tourisme fluvial.

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Les Canalous

À Digoin, la famille Carignant a le canal dans les veines : René, Claude et Alfred, trois générations ont fait de Digoin la capitale du tourisme fluvial. C’est en 1981 que René, ébéniste passionné de navigation et son fils Claude se lancent dans la location de bateaux habitables à partir de deux embarcations d’occasion achetées en Bretagne. Mais René rêve de ses propres modèles et en 1989, le chantier naval qui deviendra CPC (Construction Polyester du Centre) est créé, d’où sort deux ans plus tard le premier Tarpon 42, considéré comme le must de la navigation de plaisance. Quarante-et-un ans après, c’est avec son fils Alfred que Claude fait perdurer l’entreprise, leader tricolore de la construction et location de bateaux habitables : 300 embarcations sur une quarantaine de sites en France et en Europe.

En 2020, un incendie détruit le chantier : « Nous nous sommes posés la question de reconstruire, explique Claude Carignant, mais il y a l’histoire, le savoir-faire des gens avec qui nous travaillions depuis des années, et un attachement au lieu ». Après la recherche vaine d’un local adapté, ce sont deux millions d’euros investis pour une reconstruction vitesse grand V : « Nous avons reçu un soutien de tous les institutionnels pour que le chantier puisse redémarrer en 14 mois ».

Flotte verte

L’autre ambition de CPC, c’est de verdir son activité. Outre un bâtiment plus adapté et pensé de façon à mieux utiliser les énergies ou la flotte de Tesla pour les cadres de l’entreprise, c’est jusque dans la R&D que l’environnement s’invite avec un mixte de tradition et de nouveauté : « Nous avons toujours construit des bateaux qui ne répondent pas à la mode mais au confort des utilisateurs. Le fait de maîtriser de A à Z, de la coque à l’aménagement, nous permet de répondre aux demandes individuelles mais aussi de les adapter aux nouvelles technologie. C’est une véritable force ».

Alfred Carignant. Rozenn Krebel

Ainsi, une hélice sans axe développée en partenariat qui permettra de protéger la faune mais aussi d’empêcher les algues de se prendre dans l’axe. Ou encore « Bobby », un nouveau type d’embarcation ou un bateau à hydrogène pour répondre à l’enjeu de l’électrification de la navigation : « Nous avons déjà développé la péniche 100% électrique et financé des bornes de rechargement en partenariat avec VNF, explique Alfred Carignant, mais les infrastructures pour la recharge des bateaux sont chères et la contrainte d’une borne est contraire à l’esprit même de la navigation qui veut que l’on puisse accoster là où on le désire ».

Un bateau 100% Bourguignon

Sur le chantier, deux bâtiments. Dans le premier s’engage la fabrication de la coque, du pont et des éléments annexes : « Par la superposition de fibre de verre et de résine qui donne une matière plus dure que l’acier ». Une fois les éléments terminés, la coque et le pont sont associés et partent dans le second, l’atelier de montage et d’aménagement où résonne le savoir-faire ébéniste familial : « Nous réalisons sur mesure l’intégralité des aménagements dans des bois nobles ».

Navigation en Bourgogne. DR

Acteur majeur du tourisme fluvial, Les Canalous, la société qui gère la location a aussi profité du savoir-faire des techniciens pour se lancer dans l’habitat insolite. Outre des tonneaux habitables – Diogène s’y serait plu – on retrouve « Robinson », la première roulotte conçue pour les personnes à mobilité réduite, surmontée d’une coque renversée en guise de toit : « Robinson s’est échoué et a transformé sa barque en maison » s’amuse Claude Carignant.

Avec une dizaine de bateaux fabriquée par an, le chantier qui génère un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros par an profite de l’expansion d’un tourisme en plein développement répondant à une soif de liberté. Désormais, pour faire face à la demande toujours grandissante, c’est un autre problème qui se pose : la pénurie de main d’œuvre. L’entreprise est aujourd’hui en mesure de proposer une demi-douzaine d’emplois.