Hommes et chiffres

Crise du recrutement : Olivier Rodary prône le triptyque alternance, seniors et tutorat

Doubs. Olivier Rodary, vice-président du Medef Territoires Franc-Comtois en charge du Doubs a reçu le Journal du Palais pour évoquer les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises du département, notamment face à la concurrence suisse et donner quelques pistes de résolution.

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Photo d'Olivier Rodary
Olivier Rodary, vice-président du Medef Territoires Franc-Comtois en charge du Doubs. (Crédit : JDP)

Le Journal du palais. Dans le cadre de vos missions au Medef, vous organisez régulièrement des petits déjeuners thématiques qui donnent la parole aux entrepreneurs, quel sont les ressentis du moment ?

Olivier Rodary, vice-président du Medef Territoires Franc-Comtois en charge du Doubs et dirigeant de Platiform à Thise. La question de la difficulté de recrutement est sur toutes les lèvres. Cela touche tous les types d’entreprises, quelles que soient leur taille ou leur activité, nous avons même un grand fromager qui travaille le Comté qui est concerné. Et quand on sait que dans ce secteur il faut compter entre un à deux ans de formation, on imagine facilement l’ampleur du problème.

Dans notre département, cette problématique du recrutement est renforcée par la présence du voisin suisse, véritable aspirateur à talents locaux, notamment sur la tranche d’âge des 25 à 35 ans. Les individus de cette population sont par ailleurs plus nombreux à quitter la Bourgogne Franche-Comté qu’à venir s’y installer. Même si Besançon conserve une certaine attractivité, ces jeunes actifs préfèrent partir vers Paris ou d’autres grandes villes plus attirantes. Et je ne parle pas de nos campagnes...

Quelles sont les solutions selon vous pour résoudre ce déficit de candidats ?

On peut d’abord travailler sur la question des seniors. Alors qu’aujourd’hui le départ à la retraite a été repoussé à 64 ans, il paraît contre-productif de continuer avec cette ancienne tendance qui vise à se séparer des personnes ayant plus de 50 ans. Nous en avons besoin, d’autant que ces personnes ont déjà engrangé un certain nombre de compétences et sont peu enclines à la mobilité géographique.

Sur l’attractivité auprès des jeunes, de bonnes choses ont été faites ses dernières années en matière d’école de production, d’alternance et d’apprentissage. Ces voies qui mêlent entreprises et école connaissent un regain d’intérêt. Parents, professeurs et entreprises ont changé d’attitude face à ses solutions qui ne sont plus perçues comme des voies de garage. Mais il reste encore du chemin à faire sur acculturation des jeunes au monde du travail.

Il faut davantage de séquences d’immersion en entreprise pendant le parcours scolaire de manière à conforter ou infirmer le plus rapidement possible les choix de carrière. J’ai cet exemple d’un élève inscrit en licence professionnelle maintenance dans la plasturgie qui après sa période en entreprise n’a finalement pas passé son examen, réalisant que ce n’était pas fait pour lui. Une confrontation plus en amont à la réalité du poste lui aurait fait gagner du temps.

Justement, sur la question de la volatilité des jeunes au travail : mythe ou réalité  ?

Je ne pense pas que la problématique doit s’énoncer ainsi. La nouvelle génération attend surtout de l’entreprise un certain climat de travail, une confiance, de la reconnaissance, du soutien. Les jeunes aspirent à travailler en mode projet, à être dans le collaboratif. Ils ont envie de faire et de participer tout de suite, que leurs propositions soient entendues... Il faut trouver la bonne méthode pour les inclure. Le tutorat entre un jeune et un senior sur le départ pourrait être une bonne solution. Je pense qu’il y a vraiment quelque chose à explorer dans la transmission en valorisant d’un côté la passation de savoirs par l’aîné et de l’autre en créant une véritable synergie avec le débutant.

La question de l’attractivité passe également par davantage de souplesse dans nos organisations. Il faut éviter les postures “vent debout” contre-productives et chercher au contraire toutes les solutions d’aménagement possibles, à l’image de la semaine de quatre jours, qui, à mon avis, va dans le sens de l’histoire, pour peu qu’elle soit abordée de manière pragmatique et non dogmatique. Si elle permet d’apporter des réponses aux attentes croissantes des employés en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, elle peut également être un atout pour l’entreprise afin de mieux s’adapter aux fluctuations de la production.