Hommes et chiffres

Jean-Marc Denis : « Comment produire en restant productif ? »

Industrie. À l’occasion du Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget, le délégué général du GISaéro, Jean-Marc Denis, pointe les paradoxes conjoncturels que connaît une filière industrielle en pleine transition technologique.

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Photo de Jean-Marc Denis
Malgré la situation de crise que traverse la filière aéronautique, Jean-Marc Denis demeure confiant pour les sous-traitants industriels qui devraient s’appuyer sur l’émergence de nouveaux marchés liés à l’innovation technologique. (Crédit : JDP)

Le Journal du Palais : Quelles sont les missions du Groupement icaunais de la sous-traitance aéronautique (GISaéro) ?

Jean-Marc Denis. Le GISaéro a été créé, il y a quelques années, dans l’optique de donner plus de visibilité à la douzaine d’acteurs économiques présents sur le territoire, de permettre à ces entreprises de se retrouver sur des problématiques communes comme le recrutement ou l’innovation et d’échanger sur les exigences de la filière aéronautique.

Nous retrouvons dans ce groupement des entreprises de tout premier ordre comme Safran ou 2E Windings à Auxerre, des sous-traitants de « rang 1 » ou de « rang 2 » comme Kep Technologies dans le Sénonais, des usineurs comme Anthalys à Monéteau et des structures d’appui comme le Pôle véhicule du futur ou la Maison de l’entreprise. Cette structure est d’autant plus nécessaire que dans les appuis à filière et les appels à projet, les entreprises doivent répondre de manière collaborative.

Quelle est la situation de ces entreprises alors que l’aéronautique connaît de profondes mutations économiques et technologiques ?

La crise a fait disparaître Figeac Aéro. Certaines entreprises vont plus ou moins bien. D’autres sont en plein développement, notamment celles du secteur aéroportuaire, telle Matrex à Villeneuve-sur-Yonne qui conçoit des systèmes de convoyeurs à bagages ou Charlatte Manutention à Migennes - leader mondial des tracteurs électriques d’aéroport -, qui vient de finaliser le premier tracteur électrique autonome. Les sous-traitants industriels vivent un vrai paradoxe.

Airbus vient d’annoncer un carnet de commandes colossal avec la production de 75 A320 par mois, même chose pour Boeing qui, avec son 737 Max, prévoit 43 milliards de dollars de recettes, néanmoins les PMI subissent de plein fouet l’envolée du prix des matières et de l’énergie, des délais logistiques délirants, le manque récurrent de composants, les impératifs de volume exigés par les fournisseurs et le rattrapage des augmentations de salaires.

Dans le même temps, certaines ont commencé à rembourser leur PGE (Prêt garanti par l’État). Le plan de relance a largement bénéficié aux grands groupes mais les sous-traitants connaissent des problèmes de trésorerie. À cela s’ajoute la difficulté de recrutement que connaît l’ensemble des métiers de l’industrie qui fait que des entreprises se voient dans l’obligation de refuser des commandes. Leur souci principal est comment produire en restant productif.

Quels sont les motifs de rester optimiste pour ces entreprises ?

À la demande des instances décisionnaires et politiques, la stratégie globale de la filière est la décarbonation industrielle, un sujet sur lequel les entreprises du secteur aéronautique vont être à la pointe, que ce soit dans le développement de carburants alternatifs ou l’utilisation de nouvelles matières.

Il va forcément y avoir de la recherche et de l’innovation technologique dont vont bénéficier les entreprises de la sous-traitance. Il faudra, cependant, que les formations associées à cette innovation soient mises en place pour accompagner ce mouvement.