Hommes et chiffres

Le candidat à la présidence du Medef en campagne en Côte-d’Or

Patronat. Patrick Martin, candidat à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef, était de passage à l’Assemblée générale ordinaire du Medef 21.

Lecture 12 min
Photo de David Butet et Patrick Martin
David Butet (à gauche), président du Medef 21 et Patrick Martin (à droite), actuel président-délégué du Medef et favori pour succéder le 6 juillet prochain à Geoffroy Roux de Bézieux. (Crédit : JDP)

Il évoque quelques souvenirs personnels pour confirmer le « plaisir » d’être de passage en Côte-d’Or, affirme une « grande amitié pour David Butet, du respect et de l’admiration pour tout ce qu’il fait avec les adhérents » du Medef 21.

Patrick Martin, président-délégué du Medef national était la guest-star de l’Assemblée générale ordinaire du syndicat patronal qui se tenait vendredi 2 juin au Trianon d’Arcelot.

Recrutements, transition écologique, inflation… morceaux choisis du candidat pour la présidence du Medef national, favori face à Dominique Carlac’h pour succéder le 6 juillet prochain à Geoffroy Roux de Bézieux.

  • Quelles sont les priorités de votre mandat ?

« Nous chefs d’entreprises, avons une légitimité, une forme de reconnaissance de l’opinion publique car nous avons fait face à nos responsabilités : sur l’emploi, sur l’apprentissage - un sujet à mes yeux très important -, dans la période covid…

On a un crédit auprès de l’opinion publique, auprès de nos salariés, sans que j’enjolive trop les choses. Et on est en face d’une situation préoccupante, avec une conjoncture qui se durcit.

C’est vrai dans le bâtiment, il y a un ralentissement des rentrées de commandes dans l’industrie… un certain nombre de secteurs sont sur le fil du rasoir. Au-delà, nous sommes engagés dans une compétition internationale virulente, singulièrement avec les États-Unis qui donnent de grosses subventions à leurs entreprises, et à celles y compris françaises qui viennent s’installer sur leur territoire, avec un prix de l’énergie qui est sensiblement inférieur.

On a ce sujet-là. On a toujours le sujet des tensions de recrutement avec un énorme enjeu auquel je suis très attentif qui est celui des formations, des compétences à tous les stades de la vie. Si je suis élu on va se mobiliser pour accompagner la réforme des lycées professionnels qui est un vrai enjeu national pour les jeunes qui sont dans ces lycées mais aussi pour nos entreprises. Et puis on a une situation des finances publiques qui est assez préoccupante. »

  • Quid du secteur de l’hôtellerie-restauration ?

« Ça va un petit peu mieux, mais ça ne suffit pas alors même que les entreprises de l’hôtellerie-restauration ont procédé – il le fallait – à des revalorisations salariales considérables. Derrière il y a un sujet qui vaut pour d’autres secteurs aussi qui est celui de l’organisation du travail : les jeunes en particulier acceptent plus difficilement dorénavant les horaires fractionnés, le travail le week-end. Charge à nous chefs d’entreprises de nous interroger car c’est une filière qui est essentielle à l’économie du pays, essentielle aux territoires, et je pense que dans une région gastronomique comme la Côte-d’Or on n’est pas sans le savoir ! »

  • Quelle est votre vision de l’inflation ?

« On a passé le pic de l’inflation, en tous cas sur les matières premières agricoles en particulier, mais c’est vrai de l’acier, de l’aluminium, d’un certain nombre de matières premières. Je reste très prudent sur le prix de l’énergie, par voie de conséquence très en support de tout ce qui doit être relancé en nucléaire, en énergies renouvelables. Mais j’ai un petit « warning » sur le prix et la disponibilité de l’énergie pour l’hiver prochain.

Cette inflation se propage au fil du temps, et ça n’est que maintenant qu’elle est la plus sensible sur les produits alimentaires et on voit des changements de comportements d’achat. Nous entrepreneurs avons fait face : les salaires ont en moyenne augmenté à la mesure de l’inflation générale. Mais au cas par cas, notamment pour des ménages modestes, l’inflation alimentaire est un vrai sujet.

  • Comment concilier économie et transition écologique ?

« Le grand défi est de concilier croissance – sans croissance pas de salaires, pas de création d’emplois, pas de financements des investissements nécessaires pour la décarbonation de notre économie, pas d’équilibre de nos régimes sociaux – et la transition écologique et énergétique.

Dans nos rangs je peux l’affirmer, il n’y a plus un climato-sceptique. On avance. Je suis chef d’une entreprise de 3.000 salariés, c’est mon entreprise, j’avance très résolument sur ces sujets-là en sachant que cela créé des contraintes.

Quand il faut électrifier une flotte de véhicules par exemple. Mais ça créé aussi beaucoup d’opportunités. Je vois les investissements qui sont lancés par exemple sur le recyclage du plastique au Havre, à Saint-Avold (450 millions d’investissements français, canadiens et coréens pour une usine de recyclage de plastique, Ndlr), sur la fabrication de panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer, sur les gigas factories de batterie dans le Nord, de très beaux investissements pour le bois dans le Massif central…

Cette ambition pour la France que je veux porter sera d’organiser des glissements entre des secteurs qui immanquablement vont péricliter comme la sous-traitance automobile autour du moteur thermique, et d’autres secteurs qui réclameront beaucoup d’investissements, beaucoup de formations, beaucoup de créations d’emplois. C’est un très beau défi, mais il faut qu’on avance dans l’ordre, en se donnant des perspectives. »

  • Les entreprises sont-elles prêtes ?

« Il faut que les législateurs et au niveau européen et au niveau français s’imposent un principe de réalité. Interdire la vente de voitures thermiques dès 2035 déstabilise complètement une filière industrielle - et son aval, les concessionnaires automobiles – qui emploie à l’échelle européenne des millions de salariés. On a le sujet du Zéro Artificialisation Nette et des Zones à faibles émissions.

Moi je partage complètement l’intention de ces textes mais les calendriers sont intenables et quand on rentre dans la vraie vie, et je pense que c’est le propre des entrepreneurs d’être empiriques, d’être pragmatiques, on se rend compte que ces textes inspirés par de bonnes intentions sont très difficiles à mettre en œuvre voire impossibles.

Moi mon enjeu, l’enjeu du Medef et des chefs d’entreprises, est le cas échéant en étant un peu raide, de dire aux législateurs : on est d’accords sur le objectifs mais impliquez-nous plus dans la définition de ces textes pour que le jour venu, on n’arrive pas à un effet paradoxal c’est-à-dire de braquer les gens et singulièrement les ménages modestes qui sont ni plus ni moins écologistes que vous et moi, que le législateur lui-même… à part qu’ils ne peuvent pas s’offrir des voitures électriques, ils ne peuvent pas faire rénover leurs logements qui sont des passoires thermiques et à un moment donné on leur explique qu’ils ne pourront pas faire construire le pavillon dont ils rêvent alors qu’ils ne peuvent plus se loger dans les centres-villes.

C’est ce que j’appelle le principe de cohérence, qui n’est pas du tout un déni, ni un évitement : il faut qu’on avance sur la décarbonation de l’économie et d’autres sujets dont l’inclusion. »

  • Quels sont vos moyens pour faire pression ?

« On est en contact quotidien avec des parlementaires et des ministres. Je vois le ministre de l’Économie et des finances tous les mois, le ministre du Travail tous les mois avec Geoffroy Roux de Bézieux le président actuel du Medef, on se rend à l’Élysée à peu près tous les deux mois. Par mes origines provinciales et mon parcours militant au Medef, j’ai des interlocuteurs proches, qui sont les élus locaux.

Et tant mieux car il y a beaucoup de décisions qui se prennent au niveau local – région, département, commune – et typiquement sur le ZAN, les ZFE ou le versement mobilité (contribution locale des employeurs de plus de dix salariés, recouvrée par l’Urssaf afin de financer les transports en commun, Ndlr) on se doit d’être encore plus proches. Mais dans un esprit de collaboration, pas de confrontation ! »

  • Quelle est votre vision du dialogue social ?

« Autant on s’est emparé très constructivement avec les organisations syndicales, notamment la CFDT, la CFTC, FO de sujets très importants comme le partage de la valeur ou plus récemment sur la maladie du travail et l’accident professionnel, autant il n’y avait pas de voie de passage sur la réforme des retraites avec les partenaires sociaux pour une bonne raison : lors de son Congrès à Lyon, la CFDT a fermé toutes les portes.

À la fin des fin, du fait de cette position de la CFDT, les partenaires sociaux n’ont pas pu négocier, il est revenu à l’État de prendre la main, dans un contexte et avec une manière un peu compliquée. Ça n’enlève rien au fait que cette réforme des retraites est nécessaire.

Ça n’a pas été suffisamment bien dit, bien présenté, mais cette réforme des retraites est indispensable à l’équilibre durable de nos retraites par répartition. Sauf à augmenter les cotisations y compris salariales (ce sont quand même les salariés qui paient 40% des retraites) ou à réduire les pensions. Je voudrais insister sur un point : les entreprises n’en sont pas bénéficiaires, en tout cas pas directement. »