« Les projets naissent et réussissent avec les territoires »
Transition écologique. Sylvain Waserman, fraîchement élu président du conseil d’administration de l’Ademe, était à Besançon pour rencontrer les équipes et présenter sa feuille de route.
C’est en mettant en avant son passé d’élu local (maire d’une petite commune du Bas-Rhin), puis national (député et vice-président de l’Assemblée nationale), mais aussi « un profil d’entreprise » - « À l’exception des cinq dernières années, a-t-il rappelé le 28 juin 2023 lors de son audition devant les députés de l’Assemblée nationale, ma vie s’est déroulée dans le monde économique, dans des entreprises privées ou publiques – en l’occurrence le Réseau Gaz de Strasbourg (R-GDS), que j’ai dirigé durant huit ans. Ce parcours est important, parce que l’Ademe est en prise avec le monde économique, les raisonnements économiques de business plan et de rentabilité et des enjeux majeurs relatifs au carbone » - que Sylvain Waserman, 55 ans, énarque, a convaincu les parlementaires qu’il pouvait devenir le nouveau président de l’Ademe, l’agence pour la transition écologique.
Sa nomination en juillet dernier mettait ainsi fin à la vacance du poste – le précédent impétrant, Boris Ravignon, ayant été retoqué par les parlementaires. Sitôt nommé, il a souhaité rencontrer les directions régionales de l’Ademe, et c’est à Besançon qu’a débuté ce tour de France.
La transition écologique, le nouveau président de l’Ademe l’a expérimentée justement en tant que directeur-général du Réseau Gaz de Strasbourg, « qui depuis 150 ans faisait du gaz naturel et quand j’en suis parti faisait 30% de son chiffre d’affaires sur des réseaux de chaleur. » Une mutation réussie grâce à l’expertise de l’Ademe : « C’est là que j’ai compris que sans l’Ademe, aucun réseau de chaleur ne pourrait émerger en France, et où j’ai appris comment l’agence accompagnait les territoires dans leur transition. » C’est aussi là qu’il acquiert la conviction exprimée en 2016 dans un livre blanc que s’il est très important que les textes sur la transition écologique soient votés à Paris, « les projets naissent et réussissent avec les territoires ».
Feuille de route
Or actuellement, Sylvain Waserman identifie un « chaînon manquant » entre les parlementaires et l’Ademe, précisément sur les territoires. « Les députés votent des milliards d’euros pour la transition écologique. Or il est essentiel qu’ils puissent voir concrètement sur son terrain la réalité des actions. Ce lien-là manquait un peu, ce n’était pas un lien naturel. »
Ce sera le premier point de sa feuille de route, le deuxième étant celui de la « mesure. Depuis l’arrivée du secrétariat général à la planification écologique (SGPE, placé sous l’autorité de la Première ministre et dirigé par Antoine Pellion, Ndlr), il y a des indicateurs et des résultats à attendre. Aujourd’hui on sait que notre objectif intermédiaire à 2030, c’est passer de 400 millions de tonnes de CO2 rejetés à 270 millions. J’ai donc porté le projet de l’efficacité carbone de l’euro investi. On recherche un retour sur investissement climat ; et il se mesure en tonnes de carbone. » C’est cette efficacité-carbone qui à son sens, permet de recréer le lien « entre les immenses problèmes de la planète et l’action que l’on mène au niveau des collectivités, des entreprises ou de l’échelle personnelle. »
« Action et espoir »
Face à cette immensité, Sylvain Waserman entend donc incarner un « message d’action et d’espoir. L’Ademe est dans le monde de l’action sur deux sujets : éclairer et inspirer la décision publique, être le tiers de confiance qui va permettre à ceux qui décident de prendre les bonnes décisions ; et la généralisation massive des solutions efficientes et l’expérimentation de nouvelles solutions » aux problématiques de la transition écologique.
Sur ces deux sujets, « on est dans l’action opérationnelle, car c’est une course contre la montre. Mais j’ai la conviction que cet objectif est atteignable, sans tomber dans une éco-anxiété qui est paralysante ».
La loi et les chemins
Évidemment, le pouvoir de l’Ademe s’arrête à sa limite qui est celle de la loi et donc in fine, de l’action de l’exécutif et des parlementaires. Récemment, le recul sur les ZFE, l’assouplissement souhaité par le Sénat sur la loi Zéro artificialisation nette (ZAN) qui semble avoir été entendu par le gouvernement sont deux preuves que la transition écologique bute sur l’acceptation – celle des citoyens, celle des élus locaux, des parlementaires, du monde économique.
Comment articuler l’urgence face au dérèglement climatique et cette acceptabilité ? « L’objectif est clair, partagé, chiffré. Et si on l’oubliait le conseil d’État, la commission européenne nous le rappellent vite. L’objectif est là, après c’est le chemin. Ce chemin, il n’est pas uniquement dans les mains d’un Président de la République ou d’un ministre, il est aussi dans les mains d’un président de métropole, de région… Il faut faire confiance. Faire confiance au Parlement, les parlementaires sont en prise directe avec ces objectifs. Notre rôle n’est pas là. Il est d’aider à mettre en œuvre, rappeler qu’il y a une exigence de résultat pour trouver les chemins. »
Sur la ZAN notamment, l’Ademe promet une communication « à la rentrée » pour « montrer les chemins possibles ». Enfin à ceux qui s’interrogent encore sur les efforts déployés par la France pour limiter ses rejets de CO2 dans un monde ultra carboné - « La France a une empreinte carbone plutôt faible parmi les pays développés, mais des émissions importées comparables », écrivaient les treize experts du Haut Conseil pour le climat (HCC) dans un rapport d’octobre 2020 – Sylvain Waserman a sa conviction : la politique française en matière écologique est partie prenante de son soft power, c’est-à-dire sa capacité d’influence et d’entraînement envers les autres pays.
Travailler à réduire notre empreinte carbone est donc tout bonnement une question de crédibilité de la parole française – notre pays, rappelons-le, a orchestré en 2015 les Accords de Paris pour le climat - sur le plan des politiques publiques en faveur de la planète.