Marie-Louise Faye : la fabrique des cheffes du futur
Insertion. Depuis 2021, l’entreprise sociale et apprenante KËR, traiteur de spécialités culinaires du monde, accompagne les femmes migrantes vers le monde professionnel.

L’histoire de KËR – prononcez « coeur », signifiant « maison » en wolof -, est intrinsèquement liée à celle de sa fondatrice, Marie-Louise Faye (ne figurant pas sur la photo). Originaire du Sénégal, cette ingénieure en agroalimentaire est elle-même issue d’un parcours de migration : « Je viens d’un pays francophone alors je maîtrisais déjà la langue et j’ai la double nationalité ; ma situation était assez simple à gérer, témoigne-t-elle. Lorsque j’ai été diplômée, j’ai eu du mal à trouver un travail. J’ai finalement obtenu un poste dans l’insertion par l’activité économique ». Marie-Louise Faye continuera son parcours professionnel avec, dans un coin de sa tête, l’idée d’entreprendre. « J’avais déjà monté un projet d’entreprise d’insertion, mais j’ai toujours eu envie d’ouvrir un restaurant sénégalais, se souvient-elle. Mes proches me disaient souvent que je cuisinais bien, c’était devenu une ambition personnelle ». La jeune femme découvre une association permettant le retour à l’emploi de personnes migrantes : c’est une révélation. « Je me suis dit, pourquoi ne pas lier mon projet personnel à l’insertion des femmes migrantes ? Sur Dijon, il n’existait pas de solution pour elles, et puis, à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans ce type de structure : je suis arrivée au bon moment ! ». Dès 2021, l’idée se concrétise. Suivie par l’incubateur T, soutenue par le conseil départemental de Côte-d’Or, la mairie de Dijon, Dijon Métropole, France Active Bourgogne, la fondation VINCI et la région Bourgogne Franche-Comté, la structure naissante de Marie-Louise Faye, KËR, est reconnue Atelier et chantier d’insertion par l’État, « qui paye alors les salaires des employées ». À destination des entreprises mais aussi des particuliers, les prestations de l’entreprise se déclinent depuis septembre 2024 dans un point de restauration physique, avenue Raymond Poincaré à Dijon. « Il n’est pas encore assez connu, concède Marie-Louise Faye. On va investir pour mieux le visibiliser ».
Une vraie source de recrutement
KËR n’est pas un traiteur comme les autres : là-bas ne travaillent que des femmes en situation de migration, encadrée par une cheffe de cuisine. Originaires du Sri Lanka, du Soudan, de Somalie, de Syrie ou encore d’Éthiopie, elles viennent parfois tout juste d’arriver en France et ne parlent pas la langue. « Nous leur fournissons un accompagnement global, tant professionnel que social, explique Marie-Louise Faye. On essaye de favoriser les échanges et de les mettre en confiance. La première étape est de partir de ce qu’elles savent faire - la cuisine de leur pays - et d’y intégrer le professionnalisme : les normes d’hygiène, les papiers à remplir, la traçabilité… ». À la fin de leur parcours avec KËR - qui dure entre quatre mois et deux ans dépendamment des besoins initiaux -, les femmes accompagnées doivent être prêtes à l’emploi. « C’est une rééducation à la vie professionnelle et à la socialisation, se félicite la fondatrice. On est juste un tremplin : l’idée c’est qu’elles aient de l’expérience et des compétences ». KËR cherche désormais à enrichir son réseau de restaurateurs partenaires et volontaires pour accueillir en stage ces cheffes en herbe et valoriser leurs acquis. « C’est le dernier maillon de la chaîne. »