Territorialiser le logement social
Logement. Le ministre délégué au logement Patrice Vergriete était à Dijon pour y signer la première convention territorialisée sur le logement social. L’idée est d’adapter la construction de logements neufs à la demande, en lien avec les élus locaux et pour répondre aux niveaux d’attractivité de chaque territoire.
Entamée par un déjeuner de travail avec le président de la Métropole dijonnaise François Rebsamen, la visite de Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement, jeudi 9 octobre, s’est poursuivie avec une visite flash dans l’écoquartier de l’Arsenal et dans la tour érigée par le groupe Élithis, exemplaire sur le plan des économies d’énergie. C’est également au sommet de la tour que le ministre et le président ont signé la première convention territorialisée pour le logement social.
Le document n’est pas une surprise puisque le ministre en avait annoncé la teneur lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat début octobre. C’est ensuite par un courrier reçu par les préfets le 11 octobre que cette convention avait pris corps. « Je souhaite que soient signés dans les prochaines semaines des contrats territoriaux associant l’État, les élus locaux du bloc intercommunal, les bailleurs sociaux du territoire et les représentants locaux du groupe Action logement », annonçait ainsi Patrice Vergriete dans son courrier.
Ces contrats d’une durée de trois ans (2024-2026) qui devront s’appuyer sur « le volontariat des élus locaux » reposent sur quatre « objectifs concrets » détaillés dans le courrier du ministre : production de logements sociaux et intermédiaires, rénovation du parc social existant, mise en œuvre d’une politique de mobilité résidentielle au sein du parc social, et enfin déploiement de personnels de proximité, notamment de gardiens, en particulier dans les quartiers populaires, avec un objectif « d’un gardien pour 100 logements au moins ».
4.800 logements sur trois ans
« C’est la convention du volontarisme, a affirmé le ministre. Parce que lorsqu’il y a une période difficile, que les taux d’intérêt augmentent, qu’il y a une crise de production du logement, il faut savoir se serrer les coudes : les collectivités locales, l’État et mettre tous nos moyens pour refaire partir des opérations de logement et pouvoir donner à nos concitoyens les logements dont ils ont besoin aujourd’hui. Il y a 2,4 millions de personnes en attente de logements sociaux en France. »
La convention devrait accoucher d’un effet immédiat, selon François Rebsamen qui annonce : « L’engagement que l’on prend est de construire à Dijon sur les trois prochaines années, 1.600 logements par an. Et cela dès l’année prochaine pour que cela corresponde à la volonté affichée de loger mieux les Français. Cela représente un effort important mais l’État nous accompagne par cette convention territoriale. »
Encourager la mobilité résidentielle
Un des objectifs affiché est donc d’encourager la mobilité résidentielle, c’est à dire attribuer le bon logement au locataire adapté : « On a un certain nombre de concitoyens qui vivent dans des logements sociaux qui ne sont plus adaptés à la taille du ménage : une personne seule qui peut se retrouver dans un T3, privant ainsi une famille d’un logement social, rappelle Patrice Vergriete. »
« Il y a des bailleurs sociaux qui ont réussi à mettre en place des politiques de mobilité, pour permettre à ces personnes de trouver des logements plus petits, ce qui permet de baisser les factures énergétiques, de baisser les loyers. Il faut simplement parfois aider, accompagner la personne à changer de logement. Essayons de nous inspirer des bonnes pratiques des bailleurs sociaux pour pouvoir permettre à plus de Français d’avoir accès au logement social ».
Répondre au cas par cas
Plus de logements, plus de mobilité à l’intérieur du parc social... mais la vraie nouveauté de cette convention « territorialisée » réside précisément dans cette décentralisation au niveau des intercommunalités, qui a d’ailleurs fait bondir l’association des maires de France (AMF), ulcérée de voir les communes écartées de la décision : « Il serait paradoxal que seules les intercommunalités s’engagent sur des objectifs de production et de rénovation du parc social quand les communes en supportent très majoritairement la charge financière », avait ainsi dénoncé l’AMF sitôt connus les termes de la convention, avant de demander au gouvernement de « respecter la répartition des compétences au sein du bloc communal et d’ouvrir la possibilité pour les maires de signer directement ces contrats qui les concernent au premier chef ».
Pas de quoi désarçonner Patrice Vergriete qui croit fermement au dispositif. Interrogé sur des objectifs nationaux chiffrés - l’union des bailleurs sociaux estime de 150.000 à 200.000 le besoin en logements sociaux -, le ministre botte en touche : « On fera la somme des logements prévus dans les conventions. Mais ce qui est intéressant pour les Dijonnais, c’est : y a-t-il assez de logements, est-ce que les loyers sont trop chers, est-ce que je peux accéder à la propriété ? Je me fiche des combats théoriques et abstraits sur les centaines de milliers de logements qu’il faut construire en France. La question est que dans chaque territoire il y ait le bon nombre de logements construits. Il y a même des territoires où il ne faut pas construire ! Quand il y a 15% de vacance, la moitié qui sont en passoire thermique... il ne faut pas construire du neuf, il faut mettre l’argent sur la rénovation et sur l’amélioration de l’ancien. Il faut construire là où il y a des nécessités. La métropole dijonnaise en est un bon exemple, et il faut essayer de rénover là où il y a du bâti. Répondons à la construction là où il y a des besoins. »
En revanche, sur la métropole dijonnaise, François Rebsamen a des chiffres : « À Dijon, il y a 10.000 demandes de logements recensées déposées auprès des offices HLM. Sur les 10.000, 4.000 sont des changements de types de logements, et 6.000 besoins en neuf. Le principe c’est d’avoir plus de logements sociaux là où il y en a moins et plus de logements privés dans les quartiers où il y a trop de logements sociaux par rapport à la moyenne. Essayer d’équilibrer pour avoir une ville du vivre ensemble. »
Le dispositif suffira-t-il comme réponse à la crise structurelle que connaît le logement confronté au triptyque fatal - prix du foncier, coûts de construction, hausse des taux d’intérêt - qui bloque les programmes immobiliers ? Réponse dans trois ans.