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Comment agir face au basculement américain

Economie. Le 9 avril, le Gouverneur de la Banque de France a adressé sa traditionnelle lettre au Président de la République.

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(Crédits : FREEPIK)

Le 9 avril, le Gouverneur de la Banque de France a adressé sa traditionnelle lettre au Président de la République. Ce document souligne l’urgence de retrouver la maîtrise de notre destin économique sur plusieurs plans. En voici les principaux points.

L’urgence d’une mobilisation générale

L’économie française risque un enfoncement progressif sans un sursaut immédiat. Les remèdes existent et sont connus, mais il est urgent de passer à l’action. Cette mobilisation doit s’articuler autour de quatre dimensions : ancrer notre souveraineté monétaire, reconquérir notre souveraineté budgétaire, travailler plus et mieux, et activer les atouts économiques de l’Europe.

Ancrer notre souveraineté monétaire

L’euro, atout décisif construit il y a plus de 25 ans, doit être renforcé. La Banque Centrale Européenne (BCE) vise une inflation stable autour de 2%. Une stratégie européenne dans le domaine des paiements, incluant l’émission d’un euro numérique, est cruciale pour réduire les frictions et proposer des solutions fiables face aux cryptoactifs et à la domination d’un nombre restreint d’acteurs étatsuniens des systèmes de paiement. L’interconnexion du système de paiement instantané de l’Eurosystème avec les économies émergentes renforcerait également notre influence internationale.

Reconquérir notre souveraineté budgétaire

Depuis 40 ans, nos finances publiques se dégradent. La dette publique, passée de 30 % du PIB en 1984 à 113 % en 2024, est un frein à la croissance. Il est impératif de réduire l’incertitude budgétaire et fiscale pour restaurer la confiance. La trajectoire du gouvernement qui s’est engagé à ramener le déficit à 5,4 % cette année et à le réduire sous 5 % d’ici 2026, avec un objectif de 3 % du PIB en 2029 nous paraît indispensable. 3% de déficit public permettrait de stabiliser les dépenses publiques en volume.

Collectivement, travailler plus et travailler mieux

Depuis 25 ans, l’écart de productivité entre les principales économies européennes et les États-Unis s’est creusé. Il est essentiel de travailler plus et mieux. Un alignement graduel des taux d’emploi des jeunes et des seniors sur les niveaux allemands pourrait augmenter notre croissance potentielle de 0,25 point par an d’ici 2030. L’intelligence artificielle (IA) constitue un levier important pour améliorer la productivité. Sa diffusion permettra d’automatiser de nombreuses tâches humaines dans la production de biens et services. Elle aurait un effet sur le potentiel de croissance situé entre 0,07 point et 1,3 point de PIB par an et pourrait également augmenter notre capacité à générer de nouvelles idées, sous réserve qu’une concentration excessive des acteurs ne décourage pas l’entrée sur le marché de nouvelles entreprises innovantes.

Activer les atouts économiques de l’Europe

L’Union européenne) a des besoins financiers considérables pour relever ses défis de long terme. Selon le rapport Draghi, il faut mobiliser entre 750 et 800 Mds € d’investissements supplémentaires annuels jusqu’en 2030, soit entre 4,4 et 4,7 % de son PIB, pour demeurer compétitifs dans les secteurs notamment de la transition environnementale (450 Mds €), de la transition numérique (150 Mds €) et de l’innovation (100‑150 Mds €). En Europe, les investissements privés sont trop dirigés vers les secteurs existants, et pas assez vers les secteurs innovants. Aux États‑Unis, les industries de haute technologie représentent 85 % de la R&D privée. Dans l’UE, en revanche, les industries de technologie intermédiaire – comme l’industrie automobile – continuent d’absorber environ

  • PIB par habitant et PIB par heure travaillée en % des niveaux des États-Unis (États-Unis = 100)
  • Charge d’intérêts, budgets de la défense, et de l’éducation (en milliards d’euros courants)
  • Total des fonds de capital-risque levés entre 2013 et 2023 (en % du PIB sur la période)