Congés payés du salarié malade : que dit la loi pour les entreprises ?
Travail. Sous l’influence du droit européen, la loi modifiant les règles d’acquisition des congés payés pendant une période de maladie simple est entrée en vigueur le 24 avril 2024, entraînant des changements significatifs dans la gestion des congés payés. L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie non professionnel marque une avancée significative dans la protection des droits des salariés, consacrant le droit non seulement de se reposer mais aussi de se distraire pendant ses congés. Cependant, cette mesure implique de nouvelles obligations et des conséquences financières pour les employeurs.
Le droit français disposait que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, hors maladies professionnelles et accidents du travail, ne permettaient pas l’acquisition de congés. Aux termes de 3 arrêts du 13 septembre 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté l’application des règles françaises pour se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui imposait depuis longtemps l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt maladie non professionnel. C’est à la suite de ce revirement que la loi du 22 avril 2024 a été adoptée en urgence pour transposer en France le droit de l’Union sur ce point.
Quelles sont les nouveautés de la loi ?
Désormais, un salarié acquiert des congés payés durant une période d’arrêt maladie d’origine non professionnelle. Jusque-là, seuls les salariés en maladie professionnelle ou accident du travail bénéficiaient de ce droit. Toutefois, la loi introduit une distinction entre les salariés en poste et ceux ayant quitté l’entreprise. Les salariés en poste disposent d’un délai de forclusion de deux ans, à compter de la publication de la loi du 22 avril 2024, pour réclamer le paiement de leurs congés payés acquis pendant un arrêt maladie non professionnel. En revanche, pour les salariés ayant quitté l’entreprise, la prescription de droit commun s’applique, permettant de formuler une demande dans un délai de trois ans à compter de la rupture du contrat.
Droits des salariés et obligations des employeurs
La durée légale du congé annuel est normalement de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif, sans dépasser 30 jours ouvrables par période de référence, soit 5 semaines par an. S’agissant des arrêts de travail liés à des maladies non professionnelles, le salarié bénéficie de 2 jours ouvrables par mois limité à 24 jours ouvrables par période de référence, soit 4 semaines par an, ce qui représente 80 % de la durée normale du congé annuel. Tous les arrêts maladie depuis le 1er décembre 2009 sont potentiellement concernés, sous réserves des dispositions sur la prescription triennale pour les salariés qui ne font plus partie des effectifs et de la règle du report limité à 15 mois.
En outre, l’employeur a désormais l’obligation d’informer le salarié lors de la reprise du travail, quel que soit le motif d’absence : maladie professionnelle ou non et accident du travail. C’est ainsi que l’employeur doit communiquer au salarié le nombre de jours de congés payés dont il dispose, ainsi que la date limite pour les prendre, dans le mois suivant la reprise du travail, par tout moyen offrant une preuve certaine de réception.
Bien qu’aucune sanction spécifique ne soit prévue, un juge pourrait considérer un défaut d’information comme un manquement aux obligations de l’employeur, ouvrant droit à des dommages et intérêts. Il s’agira donc pour l’employeur d’être vigilant sur ce point. Cette obligation vise à garantir une information équitable de tous les employés.
L’impact sur les employeurs
Cette loi a un impact financier significatif pour les employeurs en raison de l’augmentation des coûts salariaux. En effet, la loi augmente le nombre de jours de congés payés, ce qui entraîne nécessairement une hausse de la masse salariale. Les indemnités de congés payés étant une composante du salaire, elles seront donc chargées. Autre conséquence financière importante pour les employeurs, la nécessaire adaptation des pratiques de gestion des ressources humaines, notamment en matière de planification des absences et de calcul des droits aux congés payés. Les employeurs doivent mettre à jour leurs systèmes informatiques, ce qui engendre des coûts supplémentaires. La productivité des entreprises pourrait être également affectée, car les salariés en arrêt maladie bénéficieront de plus de congés payés, diminuant ainsi le nombre de jours de travail disponibles. Les employeurs devront peut-être engager du personnel temporaire ou payer des heures supplémentaires pour pallier les absences.
Elle aura aussi un impact financier significatif sur les employeurs lié aux réclamations pour les périodes passées. En cas de litige entre un salarié et un employeur, la nouvelle demande d’indemnité de congés payés pour arrêt maladie non professionnelle sera désormais probablement incluse dans les demandes du salarié. Cette allégation est cependant à relativiser en raison du plafonnement à 15 mois du report du solde de congés payés, dont les effets devront être mesurés : désormais à l’expiration de ce délai les congés payés reportés seront perdus.
La loi du 22 avril 2024, qui a le mérite de mettre fin à une insécurité juridique ancienne, renforce les droits des salariés, sur un terrain contesté. La Cour de Justice de l’Union Européenne poursuit sa politique jugée « audacieuse » par les commentateurs les plus modérés, sans le soutien des états les plus autoritaires de l’Union, ce qui n’est pas une surprise, mais désormais plus récemment sans le soutien de l’Allemagne (arrêts du Tribunal de Karlsruhe), et peut être à présent sans celui de la France. La Cour ne parvient pas toujours à éviter le piège du normatif, notamment en l’occurrence via son interprétation de la Charte des droits fondamentaux.