Création du Brevet unitaire et de la Juridiction Unifiée du Brevet : (R)évolutions !
Droit. Le Brevet unitaire (BU) est entré en vigueur le 1er juin 2023. Il marque une révolution dans le domaine des brevets en Europe.
Actuellement, pour protéger une invention sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, une entreprise peut déposer une demande de brevet européen qui est ensuite examinée par l’Office Européen des Brevets (OEB).
Si la demande de brevet est délivrée (i.e. « acceptée »), elle se transforme en brevets nationaux dans les pays choisis par le déposant (la portée du brevet européen – qui compte 44 pays – allant au-delà des frontières de l’UE).
Concrètement, les coûts associés à cette étape de « transformation » en brevets nationaux (validations) peuvent varier de manière sensible en fonction notamment de la longueur du brevet à traduire (selon les pays, des traductions peuvent être nécessaires) et du nombre de pays choisis.
Ils peuvent représenter quelques centaines d’euros seulement pour une zone couvrant des pays tels que la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique ou la Suisse (qui n’exigent pas ou peu de traductions du français) mais peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros si l’on souhaite obtenir une protection dans les 44 pays.
Cette option est cependant rarement retenue, et ce d’autant plus que, dans chaque pays choisi, il faudra par ailleurs payer des annuités pour maintenir le brevet en vigueur.
Avec la création du BU, la première phase (dépôt et examen de la demande) est inchangée. Cependant, lors de la délivrance du brevet, le déposant pourra choisir de demander un BU qui couvrira initialement 17 pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Suède).
À terme, cette couverture géographique devrait s’étendre à 25 pays (l’UE, exceptés l’Espagne et la Croatie). Pendant une période de six ans, seule une traduction en anglais sera requise ; puis, plus aucune traduction ne sera nécessaire.
Les annuités sont simplifiées et réduites à un montant comparable au coût total actuel des annuités de – seulement – 4 pays européens. Par conséquent, le BU permettra de réaliser des économies significatives pour les entreprises souhaitant une protection sur une vaste zone du territoire européen.
Cependant, si le déposant souhaite être également protégé dans les autres pays correspondant à la couverture géographique de l’actuel brevet européen, il devra encore fournir et payer les traductions nécessaires et s’acquitter des annuités dans chacun de ces pays. Ainsi, la réalisation des économies précitées dépendra des pays d’intérêt ciblés. Certains pays fréquemment protégés n’étant pas couverts par le BU (Royaume-Uni, Suisse…), il ne sera pas toujours pertinent de se limiter à ce dernier.
Parallèlement à la création du BU, la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) est mise en place. La JUB est une cour dotée de juges spécialisés qui traite des litiges relatifs aux brevets européens et aux BU. Jusqu’à présent, les litiges concernant les brevets européens étaient traités par les tribunaux nationaux de chaque pays concerné (les situations de contrefaçon nécessitaient par exemple d’agir dans plusieurs pays, et de supporter les frais – souvent importants – et les délais y afférents).
La JUB, quant à elle, rendra une décision unique pour l’ensemble des pays participants et ses décisions seront exécutoires dans tous ces pays. Outre cette « centralisation » du contentieux (et les économies substantielles qui pourront en découler), cela devrait assurer une plus grande cohérence et une meilleure prévisibilité dans la protection des brevets en Europe.
Cependant, la qualité et l’orientation des décisions rendues par la JUB posent à ce jour question. En effet, la JUB est naissante et n’a pas encore établi sa propre jurisprudence. La portée d’une décision de la JUB est par ailleurs importante. Un conflit concernant à l’origine un seul pays peut entrainer l’annulation de votre brevet dans tous les pays de l’Union.
Signalons enfin qu’il existe une période transitoire de 7 ans pendant laquelle les détenteurs de brevets européens déjà déposés peuvent exclure leurs brevets de la compétence de la JUB via une demande d’« opt-out ». Cette possibilité ne s’applique pas aux futurs BU.
En conclusion, la création du Brevet unitaire et de la JUB constitue un bouleversement dans le système des brevets en Europe. Ces nouveaux outils vont impacter de manière significative les stratégies de protection et de défense des innovations.
Il appartient dorénavant aux entreprises d’évaluer attentivement les avantages et les inconvénients du BU en fonction de nombreux paramètres liés à la spécificité de leur situation. Travailler en étroite collaboration avec des Conseils en Propriété Industrielle (CPI) est donc essentiel pour prendre des décisions éclairées et maximiser les avantages offerts par le nouveau système.