« Il n’y a pas de bons juges sans de bons avocats... »
Justice. Le procureur général honoraire près la Cour de cassation, François Molins, était l’invité d’honneur de la rentrée solennelle du Barreau dijonnais le jeudi 31 novembre salle des États à Dijon.
La présence à Dijon du procureur général honoraire près la Cour de cassation, François Molins, au lendemain de la relaxe du ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti par la Cour de justice de la République (CJR), aura alimenté quelques conversations en marge de la rentrée solennelle du barreau dijonnais - François Molins ayant été l’un des plus virulents témoins lors du procès du Garde des Sceaux.
Interrogé à ce sujet, le magistrat désormais à la retraite ne souhaite pas commenter... mais se lâche en « off » avec cet air de colère froide qu’on lui connaît, lui dont le visage est devenu familier aux Français en 2015 lorsqu’il était procureur au tribunal de grande instance de Paris et à ce titre en charge des affaires de terrorisme.
Inflation législative
« L’affaire » Dupont-Moretti blessera en tous cas durablement la confiance du justiciable envers l’institution de l’avis de plusieurs interlocuteurs ; et ce lien aura été interrogé plusieurs fois au cours de la soirée. Dans son allocution, Me Schmitt a ainsi pointé « une inflation législative qui devient illisible pour les Français », où « les réformes de la justice nées de l’actualité » sont devenues « étouffantes voire insaisissables », pointant aussi les atteintes au secret professionnel de l’avocat, or, « il n’y a pas de conseil efficace sans confiance et il n’y a pas de confiance sans secret ». Le député Renaissance Benoît Bordat, présent au premier rang, a dû apprécier...
De son côté, François Molins a insisté sur la nécessité de « favoriser les rapports entre nos deux professions, magistrats et avocats, professions qui ont en commun la passion du droit, et la participation à l’œuvre de justice et à la qualité de cette décision de justice. Car, a-t-il assuré, j’ai toujours pensé qu’il n’y a pas de bons juges sans de bons avocats », avant d’enchaîner : « magistrats et avocats, nous devons faire aimer la République qui doit être exemplaire en termes de respect d’État de droit, comme en termes d’exigence de transparence et de probité ».
« Vous êtes, a conclu le magistrat, pour reprendre les mots d’un ancien bâtonnier de Seine-Saint-Denis les “combattants du verbe nu”, ceux dont la robe comme l’écrivait Balzac, porte le deuil des vertus et des illusions ».
La résilience à la question
Jeune avocate ayant prêté serment en début d’année, Me Adèle de Mesnard possède intactes sa fougue et sa foi dans le droit. La jeune femme, première secrétaire de la conférence (titre donnée au gagnant du concours d’éloquence organisé chaque année par la conférence du stage dans les barreaux) a prononcé un discours sur le thème de la résilience, tarte à la crème qui englue toute la communication officielle depuis sa vulgarisation par le psychiatre Boris Cyrulnik.
L’avocate, très sensible aux questions de la responsabilité collective du dérèglement climatique et ses effets sur les plus vulnérables, a fustigé ce concept devenu « injonction à la responsabilité individuelle », permettant tous les excès et toutes les outrances et renvoyant aux seules victimes la charge de leur réparation. « La résilience ne peut pas être le prétexte de l’inaction politique ! » a exhorté l’avocate au terme d’un discours étincelant de pertinence avant de conclure en citant Albert Camus devant le jury du Nobel en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse... » Jeudi 31 novembre à Dijon, on avait envie d’y croire.