Informations Juridiques

« L’IA va apporter un gain de temps et de productivité incroyable »

Entretien. Depuis deux mois, l’Intelligence artificielle GenIA-L, développée par l’éditeur juridique historique Lefebvre Dalloz, équipe les cabinets d’avocats du Barreau dijonnais. Qu’est-ce que cela a changé dans leur pratique professionnelle ? Quelles sont les barrières éthiques qui s’imposent de fait aux professionnels qui utilisent cette IA ? Point d’étape avec Anne Geslain, Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Dijon.

Lecture 10 min

Le Journal du Palais. Aujourd’hui, est-ce que tous les avocats de Dijon sont équipés d’un outil d’Intelligence Artificielle ?

Anne Geslain, Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Dijon. (Crédit : JDP.)

Anne Geslain, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Dijon. II y a deux mois, j’ai équipé tous les avocats de Dijon d’un outil d’Intelligence Artificielle commercialisé par Dalloz Lefebvre appelé GenIA-L, pour Generative Intelligence Artificial Legal.

Pour vous et les avocats qui composent le Barreau dijonnais, était-ce une évidence de transitionner vers un outil d’Intelligence Artificielle ?

C’était une évidence de leur mettre le pied à l’étrier. Je ne vous apprends rien, on ne parle que d’IA partout ; matin, midi et soir. Clairement, le marché juridique est touché par l’arrivée de l’IA et il fallait prendre le train ; et que mes confrères se rendent compte de la chance que peut représenter le fait de s’emparer de ce produit.

Qu’est-ce qu’est censée apporter l’IA au sein du barreau de Dijon ?

L’intelligence artificielle va apporter un gain de temps et de productivité incroyable, puisque l’IA est extrêmement rapide dans les recherches juridiques, les recherches de jurisprudence et également pour résumer les gros volumes de documentation. Ce qui par la suite permet à l’avocat, en gagnant ce temps, de se consacrer à des tâches plus complexes telles que la stratégie, la négociation et à la représentation en justice : tout ce que l’IA ne peut pas faire.

Y a-t-il eu un engouement autour de l’arrivée de l’IA au Barreau de Dijon ? ?

À la fin du mois de mars, nous avons fait une assemblée générale extraordinaire. À la question : pour ou contre que l’on s’équipe de ce produit, sur 175 votants, nous avons eu 169 oui. Donc oui, il y avait une véritable attente et une envie de s’y mettre.

L’IA peut se tromper, halluciner ou véhiculer les biais de son créateur. Quelles barrières éthiques avez-vous imposées à l’IA ?

Nous avons résolu un énorme problème : nous nous sommes dirigés vers un produit de nos éditeurs historiques, Dalloz, qui reste dans son fond documentaire. L’IA est constituée de décrets, lois, jurisprudence et de tous les ouvrages Dalloz. Alors elle ne va pas chercher à gauche et à droite des informations. Parce que les hallucinations de l’intelligence artificielle sont pour la plupart liées aux recherches qu’elle effectue sur internet. L’IA GenIA-L peut éventuellement inventer, mais ce sera dans le fond Dalloz, donc c’est moins grave. Mais il n’y a pas de soucis puisque précisément, l’Intelligence Artificielle est dans un fond fermé. Ce n’est pas ChatGPT, j’insiste bien là-dessus. On s’est offert précisément ce produit parce que ce n’était pas ChatGPT qui peut raconter n’importe quoi pour satisfaire la personne qui l’interroge. Ici, GenIA-L ne va que dans le fond documentaire Dalloz Lefebvre. Et ça, c’est primordial pour nous et tous les éditeurs l’ont compris : Dalloz comme Doctrine, ce sont des produits spécifiquement faits pour nous. Précisément parce que ces IA n’effectuent pas de recherches biaisées, en principe. Pour l’instant cela fait deux mois que les avocats de Dijon sont équipés et cela fait deux mois que je l’utilise : je n’ai pas eu de réponses fausses, biaisées ou incorrectes.

L’avocat doit-il quand même faire un travail de relecture ?

L’avocat reste avocat. Il a fait des études et ne va pas prendre pour argent comptant ce que l’IA lui restitue. Il est là justement pour vérifier ce qu’on lui a donné en quelques secondes, ce qui aurait demandé deux ou trois heures de recherches. L’avocat va pouvoir prendre du temps pour vérifier la véracité. Il a accès aux sources des jurisprudences, donc il va tout de suite identifier si les affirmations sont vraies. Et puis un professionnel ne peut pas prendre la responsabilité de transmettre à son client la réponse de l’IA sans l’avoir vérifiée, car ce serait sa responsabilité professionnelle civile qui serait en cause. Par ailleurs, j’ai attiré l’attention de mes confrères de Dijon sur l’existence d’un guide édité par le Conseil national des barreaux sur l’utilisation de l’IA dans notre profession. Ce guide est très bien fait et rappelle les conseils de base.

Qu’est-ce que le partenariat avec l’IA Doctrine (voir ci-dessous) va apporter de plus au Barreau de Dijon ?

J’ai fait le choix en tant que Bâtonnière d’équiper tout le Barreau avec GenIA-L parce que je voulais que tout le monde mette le pied à l’étrier. Doctrine, c’est autre chose. Ils ne veulent pas une mutualisation. Donc nous n’avons pas pu nous offrir Doctrine pour tout le Barreau. J’ai donc pris la décision de négocier des tarifs avantageux pour les avocats exerçant seul ou à deux, parce que je considère qu’ils en avaient plus besoin. Voici la nature du partenariat avec Doctrine.