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La rupture brutale de relations commerciales établies

Commerce. S’il est possible de vouloir cesser une relation commerciale avec un partenaire, il faut en revanche le faire intelligemment pour éviter des poursuites judiciaires.

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Représentation d'une rupture brutale de relations commerciales
(Crédit : Freepik)

La vie économique induit que les entreprises aient des volants d’affaires réguliers entre elles, pour permettre des synergies. Les aléas du monde de l’entreprise induisent à leur tour, que les entreprises ne souhaitent souvent plus travailler ensemble.

Il peut s’agir d’un désir d’importer de l’étranger plutôt que de poursuivre avec une entreprise locale, d’une mésentente entre dirigeants d’entreprises partenaires, d’un virage décisionnel et stratégique important, ou tout simplement d’un marché qui s’écroule en sorte qu’une entreprise n’a d’autre choix que de changer tout ou partie de son modèle économique pour survivre.

Néanmoins, entreprendre de cesser toute relation d’affaires, suppose nécessairement de prendre des précautions pour ne pas entrer en contravention avec les dispositions contractuelles et/ou légales. S’il est possible de vouloir cesser une relation commerciale avec un partenaire, il faut en revanche le faire intelligemment pour éviter des poursuites judiciaires.

En pareille situation, deux possibilités :

  • Soit un contrat a été régularisé et il suffit d’en attendre le terme ou de dénoncer le préavis, conformément au principe de la force obligatoire des contrats, le contrat est donc le mode d’emploi à respecter ;
  • Soit aucun contrat n’a été signé et la partie qui souhaite mettre un terme aux relations commerciales, va devoir respecter un préavis suffisant pour cesser même progressivement les relations d’affaires.

Le législateur a voulu éviter qu’une fin de relations économiques entre entreprises ne conduise à des ouvertures de procédures collectives, et en particulier à des liquidations judiciaires.

Il est fréquent que des entités connaissent des difficultés financières importantes puis insurmontables, lorsqu’un fournisseur cesse de les livrer, ou qu’un client cesse de leur acheter des biens ou des produits.

Pour éviter une procédure collective, voire une liquidation judiciaire, il est préférable que l’entreprise qui souhaite cesser de travailler avec une autre, respecte un préavis minimum, pour permettre à l’autre entreprise de se retourner. La situation transitoire pourra par exemple être traversée en trouvant un autre fournisseur, en obtenant des délais de livraison auprès de ses clients, ou en trouvant d’autres clients.

Le Code de commerce réglemente assez fermement en son article L442-1, l’impossibilité de rompre brutalement une relation commerciale, même partiellement, en l’absence d’un préavis écrit suffisant.

De telles mesures législatives sont salvatrices et importantes. Elles permettent de protéger les entreprises d’un marasme soudain. Il ne faut pas oublier que derrière les entreprises, il y a des salariés qui travaillent, des établissements bancaires qui accordent du crédit, des créanciers qui donnent souvent leur confiance, et aussi des dirigeants qui prennent des risques pour maintenir le cap, en souscrivant souvent des engagements de caution à titre personnel.

L’entreprise représente tout un microcosme avec des intervenants en interne et en externe, en sorte qu’une liquidation judiciaire n’est jamais une situation enviable pour personne.

Ainsi, il n’est pas possible pour la grande distribution de déréférencer massivement un distributeur, ou même de le faire progressivement et insidieusement. Il n’est pas possible pour un distributeur de vouloir stopper sans un préavis suffisant, les livraisons à l’un de ses clients. En outre, un client régulier ne peut cesser du jour au lendemain d’acheter des biens ou des services à une autre entreprise. En l’espèce, même une cessation partielle de relations commerciales peut tomber sous le joug des actes répréhensibles commercialement.

Le législateur prévoit que la durée maximale du préavis est de 18 mois, mais des préavis plus courts peuvent être envisagés, en fonction de la durée des relations commerciales, du secteur d’activité et de ses usages.

C’est donc une analyse au cas par cas qui doit être réalisée, de manière à choisir en amont la durée du préavis qui devra être réalisé, pour éviter que le partenaire économique ne souhaite intenter des poursuites judiciaires à l’encontre de la partie mettant fin aux relations commerciales.

Si une entreprise ne souhaite pas respecter un préavis minimum pour mettre un terme à des relations commerciales établies, elle s’expose à différentes actions.

Une action en référé pourra être introduite pour solliciter le maintien des relations d’affaires pendant un certain délai et avec un certain volume, ceci pour éviter que l’entreprise victime ne subisse un préjudice soudain et trop important.

Une telle action initiée au visa des dispositions du Code de procédure civile, permettra de solliciter temporairement le maintien des relations commerciales, à titre de mesures conservatoires, pour éviter un dommage imminent et/ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Une demande d’expertise judiciaire pourra aussi être éventuellement réalisée pour chiffrer notamment le montant du préjudice subi par l’entreprise qui doit subir cette fin de relations d’affaires.

L’analyse du montant du préjudice peut en effet s’avérer périlleuse en cas de volumes importants, de relations économiques continues, et aussi de dossiers complexes, où peuvent s’entremêler à la fois des prestations de service et des livraisons de biens.

Par suite, une action au fond en indemnisation pourra être intentée pour solliciter que l’entreprise contrevenante verse une somme correspondant au préavis qui aurait dû être respecté. C’est souvent la jurisprudence qui donnera des indications sur le délai de préavis qui aurait dû être respecté en lieu et place de la rupture brutale qui aura été initiée.

D’ailleurs, si l’entreprise victime rencontre des difficultés économiques et fait face à une liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur pourra à son tour poursuivre l’action en lieu et place de l’entreprise et en qualité de liquidateur de cette dernière, pour récupérer des sommes qui pourront par la suite être reversées aux créanciers.

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Maxence Perrin, Avocat au Barreau de Dijon.
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Tony Docci, Avocat au Barreau de Dijon. (Crédit : DR)